Nid de vipères / Edyr Augusto

Une jeune femme cherche à venger sa famille et rien ne pourra l’arrêter.

Retour dans l’état du Para au nord du Brésil pour ce roman d’Edyr Augusto. Un riche homme d’affaires qui ne recule devant rien pour obtenir ce qu’il veut décide de récupérer une scierie. La scierie de la famille Pastri. Il viole la femme d’Alfredo Pastri et frappe ce dernier devant leurs enfants, Isabela et Fred. Le traumatisme est d’une violence rare et des années plus tard alors que Fred a tourné la page en allant vivre aux États-Unis avec sa compagne, une grande star de la musique, Isabela décide d’assouvir son désir de vengeance. Commence alors un long chemin de croix pour la jeune femme qui a un unique but, venger sa famille de Wlamir Turvel, l’escroc violent et sans limite à l’origine du traumatisme. Les politiques sont corrompus, les marginaux n’ont rien demandé à personne, mais subissent. Pas de doute on est bien dans un roman d’Edyr Augusto. Un roman noir tendu et violent comme il sait le faire. Les pages défilent et chaque mot est pesé.

Nid de vipèrestè, ed. Asphalte, 15 euros, 160 pages.

Norlande / Jérôme Leroy

Une jeune femme hospitalisée raconte l’horreur et ce qu’elle a traversé.

Une jeune femme est en convalescence et on ne comprend pas bien pourquoi au début de ce court roman. C’est au fil de l’histoire qu’elle raconte que l’on découvre que le roman de Jérôme Leroy est inspiré d’un évènement, la tuerie en Norvège en 2011 sur l’île d’Utoya. La jeune femme est en réalité une rescapée du massacre et même si le personnage et le monde imaginaire de l’auteur n’ont pas existé, l’histoire est en grande partie inspirée de cet évènement. On découvre une jeune femme qui cherche à comprendre, qui tente de guérir, de continuer à vivre en ayant côtoyé une telle violence. Elle retrace son parcours et les souvenirs vont petit à petit la mener jusqu’à la tuerie. Elle déroule le fil comme pour revoir les choses au ralenti et essayer de donner du sens à ce qu’elle a vécu, donner du sens à ce traumatisme qu’elle ne fait qu’appréhender au début du roman. Elle comprend le rôle de sa mère, l’impact de la politique sur le pays. « Norlande » est un roman jeunesse qui marque et qui confirme tout le talent de Jérôme Leroy.

Norlande, ed. Syros, 14,50 euros, 160 pages.

La nuit des pères / Gaëlle Josse

Un père qui vit seul dans ses montagnes retrouve sa fille après des années de séparation.

Isabelle est réalisatrice de documentaires, des films sur les fonds marins. Au début du roman, elle se rend non loin de Chambéry dans un paysage montagnard pour y retrouver son père après des années de séparation. Elle est de retour, car son frère Olivier qui habite encore dans la région lui a expliqué que la mémoire de leur père commençait à lui faire défaut. Elle décide de revenir et se doute que tous les souvenirs notamment de son enfance vont remonter à la surface. Et c’est ce qui arrive lorsqu’elle le retrouve. Des souvenirs dans lesquels elle revoit son paternel, un homme taciturne qui parlait peu voire pas du tout et qui vivait en grande partie à travers son métier de guide de montagne. L’autrice décide de s’attarder sur ces retrouvailles et sur ce qu’il va émerger suite à cela. Ce retour dans le village des Alpes là où ils sont nés ne sera pas sans conséquence. On découvre ce qu’ont traversé les personnages, ce qui les ont marqués. On découvre des secrets et des non-dits. Toujours à travers une plume sensible et au plus près des émotions, Gaëlle Josse écrit un nouveau roman marquant. Qui remue. Elle parvient à donner de l’épaisseur à ses personnages, à les rendre ambivalents. Les pages défilent, les images restent. Et encore une fois c’est un régal de lire Gaëlle Josse, son écriture singulière, son sens du détail.

La nuit des pères, ed. Noir sur Blanc, 16 euros, 192 pages.

Une fièvre impossible à négocier / Lola Lafon

Un premier roman plein de colère à l’écriture unique.

Lola Lafon écrit l’histoire de Landra, une jeune femme qui a été violée par l’homme en qui elle avait confiance un 14 septembre. Une date qui est un tournant pour elle et qui l’a fait entrer dans la seconde partie de sa vie. Une partie de sa vie dans laquelle elle va lutter pour avancer avec ce traumatisme. Mais aussi une partie de sa vie où elle décide de vivre dans des squats et où elle se rapproche des mouvements autonomes dans les manifestations. Des groupes qui participent à des actions qui ciblent directement des symboles du capitalisme lors des manifestations. Dans une langue qui restitue les émotions et les sensations avec une justesse rare, Lola Lafon écrit un roman à forte teneur autobiographique. Landra décide de convertir sa colère dans des actes solidaires, à travers la contestation. On suit ce personnage au regard lucide qui perçoit au fil de ses expériences la violence du monde et notamment celle des hommes. « Une fièvre impossible à négocier » aborde cette violence subie par les femmes et l’emprise souvent sous-jacente derrière les comportements des hommes. On distingue déjà les thèmes qui vont revenir dans les livres de l’autrice comme dans son dernier roman « Chavirer ». « Une fièvre impossible à négocier » est un premier roman qui met une vraie claque.

Une fièvre impossible à négocier, ed. J’ai Lu, 6,20 euros, 288 pages.

Les Gentils / Michaël Mention

La lente descente aux enfers d’un père qui perd sa fille.

Franck perd sa fille de 8 ans dans des circonstances tragiques. La suite va être un très long calvaire pour lui, à commencer par sa séparation avec sa femme. Il tente de surnager dans son magasin de disques, mais un an après il n’y parvient toujours pas. Il décide alors de vendre sa boutique à un ami pour se lancer à la recherche de l’homme responsable de la mort de sa fille. Un homme qui n’a toujours pas été retrouvé et qui le hante nuit et jour. Le père de famille se lance dans une quête qui va durer des mois et qui va le faire passer par Toulouse, Marseille ou encore la Guyane. Une quête dans laquelle il tente de chercher des raisons de continuer à vivre et à lutter contre son mal être quotidien. La traque de cet homme avec un mystérieux tatouage devient une véritable obsession. Michaël Mention dans un roman rude et rythmé, décrit la psychologie d’un homme en bout de course. Un homme qui imagine un dialogue à certains moments avec sa fille décédée. Un homme qui tente de se donner un infime espoir à travers la vengeance. « Les Gentils » est un roman noir d’une grande intensité qui laisse peu de répit au lecteur et qui est comme souvent chez l’auteur très bien documenté pour le contexte dans lequel il se déroule. Franck le personnage évolue à la fin des années 70’s. La politique n’est jamais loin tout comme la passion pour la musique de l’auteur. On ressort de cette lecture un peu sonnée avec un sentiment d’avoir été pris dans une tension qui monte crescendo jusqu’à la fin.

Les Gentils, ed. Belfond, 20,50 euros, 352 pages.

Cherry / Nico Walker

Des dialogues d’enfer et une charge cinglante contre l’absurdité de la guerre.

Nico Walker restitue l’atmosphère de la guerre ou la dépendance aux drogues dans ce roman sombre, à l’écriture unique qui sonne juste du début à la fin. Pendant un long séjour en prison suite à plusieurs braquages de banque, l’auteur est contacté par un journaliste qui souhaite qu’il écrive un bouquin. Inspiré de sa vie dans laquelle l’auteur est parti faire la guerre en Irak pendant onze mois, « Cherry » dresse le portrait d’un jeune soldat enrôlé pour partir en Irak. Un troufion assez détestable à certains moments et plutôt attachant à d’autres. On suit l’arrivée dans les études de son personnage avant de le suivre lors de ses classes dans l’armée. Il part ensuite sur le front en Irak, en tant que médic, pour aider ses pairs avec ses petites compétences et surtout pour voir ses collègues mourir dans le pire des cas. On suit les pensées de ce personnage torturé qui avec une lucidité désarmante décrit l’horreur de la guerre, l’attente insupportable sur le front. Mais aussi les traumas qui en découlent ou son rapport aux drogues compliqué, que ce soit avant son départ pour l’Irak ou à son retour. « Cherry » est un roman qui sonne le lecteur dès les premières pages, une lecture marquante.

Cherry, ed. Les Arènes, coll. Equinox, 20 euros, 432 pages.

Monstres en cavale / Cloé Mehdi

Damien est incarcéré à l’âge 13 ans et il attendra ses 19 ans pour avoir une chance de s’évader.

Damien est en prison depuis ses 13 ans pour de sombres raisons que je vous laisse découvrir. Au début de ce roman noir, il est transféré de sa prison à un zoo dans lequel les plus grands criminels sont rassemblés dans des enclos. Des criminels dont il fait partie et qui sont exposés comme des animaux aux visiteurs toujours plus nombreux. C’est dans cet endroit morbide que les choses vont s’accélérer pour Damien puisqu’il réussit à s’échapper tout en rencontrant Cab, une jeune fille issue du grand banditisme qui va lui ouvrir les portes d’un monde souterrain qu’il méconnait. Le futur ne s’annonce pas plus reposant pour le jeune homme fragile et abimé par les années de prison.

On retrouve dans « Monstres en cavale » les thèmes chers à l’autrice qui était déjà présents dans « Rien ne se perd », un roman noir édité chez Jigal en 2016 (une claque à lire d’urgence). Cloé Mehdi aborde dans ce premier roman les violences envers les enfants sous plusieurs formes (violences physiques, abandon) tout en questionnant la prison et la prise en charge de la maladie mentale dans la société. Ici on se situe à la frontière entre le thriller et le roman noir, le récit est mené tambour battant et une fois la fuite de Damien amorcée à travers l’Europe, l’autrice déroule les péripéties sans laisser ses personnages souffler bien longtemps. Ce premier roman écrit très jeune est déjà le reflet d’une autrice talentueuse et cela va se confirmer par la suite, notamment dans « Rien ne se perd » qui est pour moi une référence dans le polar.

Monstres en cavale, ed. du Masque, 7,90 euros, 624 pages.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer