La Foudre / Pierric Bailly

Un meurtre fait ressurgir les souvenirs d’un berger dans le Haut-Jura.

Julien voit ressurgir le fantôme d’Alexandre un ancien copain d’internat, lorsqu’il réalise que ce dernier est à l’origine d’un meurtre. Il a du mal à y croire au début et finalement il se rend compte que c’est bien son ancien pote devenu vétérinaire et fervent défenseur des animaux qui a tué un jeune homme avec une planche. Julien, qui est berger dans le Haut-Jura, commence alors à cogiter et finit par joindre Nadia au téléphone la femme d’Alexandre. Sans vraiment savoir pourquoi il s’embarque dans cette histoire et devient le confident de Nadia dans l’épreuve qu’elle traverse avec son enfant. Alexandre se retrouvant de son côté en prison puis étant ensuite jugé dans un tribunal lyonnais. Le livre a eu un fort écho lors de sa sortie et a pas mal clivé. Je trouve que le regard de Pierric Bailly est toujours aussi juste sur les relations humaines, comme dans « Le roman de Jim ». L’histoire n’est pas forcément originale, mais c’est plutôt son traitement qui la rend intéressante. On retrouve le talent de l’auteur pour dépeindre les ambivalences de ses personnages, leurs contradictions, leurs sentiments. Les liens entre les personnages et notamment entre les générations ont toutes leurs importances. La nature a aussi une grande place dans le livre et fait partie intégrante de l’histoire avec de magnifiques paysages de montagne. L’auteur écrit avec « La foudre » un nouveau roman sensible qui croise des thèmes importants pour lui, de la filiation à la culpabilité en passant par le sentiment amoureux. Un bouquin que l’on a du mal à lâcher.

La Foudre, ed. P.O.L, 24 euros, 464 pages.

Et vous passerez comme des vents fous / Clara Arnaud

Un très beau roman dans lequel une région Pyrénéenne vit au rythme des histoires et des rencontres autour de l’ours.

Gaspard est berger dans les Pyrénées et il s’apprête à monter dans les montagnes avec ses bêtes pour la saison des estives. Alma de son côté est docteur en biologie et elle travaille à l’observation des ours en milieu naturel. Elle est dans la région pour cette raison et c’est une spécialiste de la question. On s’apprête à suivre les deux personnages dans la montagne, dans un environnement à la fois magnifique et dangereux. Et dans une région au passé trouble notamment en ce qui concerne les ours, le lecteur voit se déployer toute une atmosphère dans ce très beau roman qui fait penser sur certains points à « Pleine terre » de Corinne Royer, dans le rapport à la terre et à la vie animale par exemple. Dans le coin, un drame l’année passée a fait ressurgir une relation complexe entre les habitants du coin et les ours. Des ours chassés ou capturés au siècle passé pour du dressage. La vallée pyrénéenne dans laquelle se déploie l’histoire voit alors les tensions s’accumuler. Clara Arnaud avec une plume qui fait la part belle aux ressentis de ses personnages écrit un roman qui mêle violence, moment plus doux et ode à une nature magnifique mais redoutable. Un livre abouti et très bien écrit.

Et vous passerez comme des vents fous, ed. Actes Sud, 22,50 euros, 384 pages.

La nuit des pères / Gaëlle Josse

Un père qui vit seul dans ses montagnes retrouve sa fille après des années de séparation.

Isabelle est réalisatrice de documentaires, des films sur les fonds marins. Au début du roman, elle se rend non loin de Chambéry dans un paysage montagnard pour y retrouver son père après des années de séparation. Elle est de retour, car son frère Olivier qui habite encore dans la région lui a expliqué que la mémoire de leur père commençait à lui faire défaut. Elle décide de revenir et se doute que tous les souvenirs notamment de son enfance vont remonter à la surface. Et c’est ce qui arrive lorsqu’elle le retrouve. Des souvenirs dans lesquels elle revoit son paternel, un homme taciturne qui parlait peu voire pas du tout et qui vivait en grande partie à travers son métier de guide de montagne. L’autrice décide de s’attarder sur ces retrouvailles et sur ce qu’il va émerger suite à cela. Ce retour dans le village des Alpes là où ils sont nés ne sera pas sans conséquence. On découvre ce qu’ont traversé les personnages, ce qui les ont marqués. On découvre des secrets et des non-dits. Toujours à travers une plume sensible et au plus près des émotions, Gaëlle Josse écrit un nouveau roman marquant. Qui remue. Elle parvient à donner de l’épaisseur à ses personnages, à les rendre ambivalents. Les pages défilent, les images restent. Et encore une fois c’est un régal de lire Gaëlle Josse, son écriture singulière, son sens du détail.

La nuit des pères, ed. Noir sur Blanc, 16 euros, 192 pages.

Le poids du papillon / Erri De Luca

Un duel inattendu au cœur de la nature.

Je découvre l’auteur avec ce cours roman plein de poésie et qui fait la part belle à la nature. On y rencontre un chamois, son troupeau et un homme qui les chasse. L’auteur a une façon bien à lui de restituer cette nature, cet environnement montagnard parfois hostile pour l’homme. C’est toute une atmosphère qui se déploie sous la plume d’Erri De Luca. Et en même temps dans l’écriture on sent qu’il n’y a pas un mot en trop. « Le poids du papillon » est un court roman qui aborde la question du braconnage et qui va aussi au-delà de cette question dans notre rapport aux animaux. La mélancolie et la tristesse ne sont pas bien loin et on est touchés par cette histoire. Erri De Luca a une plume singulière et un ton à découvrir. Si vous avez d’autres livres de l’auteur à conseiller je suis preneur.

Le poids du papillon, ed. Folio, 5,90 euros, 96 pages.

Vivance / David Lopez

Les rencontres d’un cycliste voyageur, sous la plume singulière de l’auteur de « Fief ».

Teintée d’une poésie unique, l’écriture de David Lopez apporte à ses histoires une saveur singulière. Après « Fief » qui avait été un premier coup de coeur, je trouve « Vivance » tout aussi réussi. Le narrateur est à vélo à travers la campagne et avance au fil des rencontres. On suit sa façon d’appréhender le monde, à travers un regard aiguisé sur ses pairs, mais aussi sur ses souvenirs. « Vivance » est un peu comme une déambulation en pleine nature, une déambulation qui sonne juste, sans blabla. Au premier abord avec le pitch, un cycliste voyageur qui traverse des petits bourgs dans une campagne reculée, on a du mal à se dire que l’auteur va tenir 250 pages et pourtant ça passe tout seul. Et c’est aussi ça qui fait tout le sel des romans de David Lopez, une langue à part, des personnages que l’on découvre au fil du roman et que l’on a envie de suivre. Une épaisseur derrière les façades. Et toujours la petite touche d’humour qui va bien.

Vivance, ed. Seuil, 19,50 euros, 288 pages.

S’adapter / Clara Dupont-Monod

Cévennes. Dans les montagnes. Une fratrie recompose avec l’arrivée d’un enfant ayant plusieurs handicaps.

Un enfant nait avec des handicaps et bouleverse la famille dans laquelle il arrive. Plus particulièrement l’ainé et la cadette qui ne vont pas réagir de la même façon devant les différences de leur tout jeune frère. Dans un roman plein de petites observations et très juste dans le ressenti des personnages, Clara Dupont-Monod adopte le point de vue des proches en commençant par l’ainé. Puis la cadette. Les réactions n’ont rien à voir et on découvre la fratrie de l’intérieur. Leurs pensées et leurs non-dits. L’environnement joue beaucoup dans l’atmosphère que campe l’autrice. Les Cévennes et la nature où grandissent les enfants font partie intégrante du récit. Un très beau roman qui mérite amplement les échos qu’il a eus je trouve.

Extrait : « Alors, forcément, la montagne apparaissait comme une masse dénuée de morale, accueillante comme le sont les animaux. Il y avait là l’étymologie du refuge, fugere c’était s’enfuir. La montagne permettait le recul, un pas en arrière du monde. »

S’adapter, ed. Stock, 18,50 euros, 200 pages.

Orphelins de Dieux / Marc Biancarelli

Un roman âpre et violent dans les montagnes Corse du XIXeme siècle.

XIX ème siècle. Vénérande est une jeune paysanne orpheline qui grandit avec son frère, dans une maison Corse isolée. Son frère croise quatre brigands qui vont lui trancher la langue et le défigurer. Lorsque Vénérande le découvre, elle décide de se mettre en quête d’un tueur à gage pour venger son frère. Un tueur qu’elle va trouver en la personne de L’infernu, un ancien mercenaire réputé et redoutable. L’infernu a longtemps fait partie d’une troupe de brigands qui parfois s’inventait des guerres, parfois rendait de fiers services. Des personnages aussi redoutés qu’ambivalents. On découvre cette troupe lorsque le tueur se livre à la jeune fille sur son passé. Les deux personnages vont construire une singulière relation tout en commençant à chercher les crapules qui ont défiguré le frère de Vénérande.

Le récit alterne entre les histoires passés du mercenaire et la traque au présent dans les montagnes Corse. Orphelins de dieux est un livre qui charrie de la violence, du sang et des effluves. L’écriture est très belle et on est soufflés par les scènes construites par Marc Biancarelli et par la vie de l’époque documentée par l’auteur. On distingue aussi un basculement petit à petit avec le personnage de Vénérande qui s’affirme progressivement au fil de l’histoire. C’est cruel, c’est sombre mais qu’est ce que c’est bien amené.

Orphelins de Dieux, ed. Actes Sud, 20 euros, 240 pages.

220 volts / Joseph Incardona

Un huit-clos en montagne qui dégénère complètement.

Malgré un personnage principal qui force les traits sur la misogynie à certains moments, on retrouve la patte de Joseph Incardona dans 220 volts. Un roman noir qui monte crescendo avec une atmosphère bien pesante en montagne. L’auteur a le don pour camper des ambiances et on retrouve un couple, une journaliste et un romancier, qui se retrouve dans une maison de famille sans leurs enfants pour profiter un peu. Le huit-clos et les problèmes ne sont pas loin évidement et ce petit séjour va permettre à l’auteur de foutre un joyeux boxon au sein du couple. Le lecteur peut alors filer d’un rebondissement à l’autre et là il faut reconnaître que Joseph Incardona sait embarquer son lecteur.

220 volts, Ed. Fayard, 17 euros, 198 pages.

Après les chiens / Michèle Pedinielli

Retrouver Diou et ses enquêtes niçoises, toujours une régalade.

Je me suis finalement lancé dans la lecture de la seconde aventure de Ghjulia Boccanera, alias « Diou ». Enquêtrice que j’avais adoré suivre dans le premier opus, « Boccanera ». Il me tardait de retrouver cette ambiance niçoise et les traits de caractère de Diou. À la fois désabusée, drôle et en même temps pleine de saillies acerbes contre une société bancale. Un mélange qui avait fait mouche dès les premières pages. Et je vous rassure tout de suite, c’est encore le cas avec « Après les chiens ». On retrouve d’ailleurs de nombreux personnages familiers croisés dans la première enquête (même si les deux livres peuvent se lire indépendamment et que de nouveaux personnages apparaissent).

Dans cette nouvelle enquête, Diou est amenée à ressasser son passé et ses rencontres antérieurs au détour de deux nouvelles affaires. La première est déclenchée lorsque la détective fait une macabre découverte pendant un footing au mont Boron, une forêt sur les hauteurs de Nice. En parallèle à cela, une jeune femme est portée disparue et on fait appel à ses services pour la retrouver. Il n’en faut pas plus à Boccanera pour se lancer dans les deux affaires même si cela doit se faire en même temps que les services de police. Michèle Pedinielli en profite pour raconter une seconde histoire tout aussi forte qui va faire écho à ce que vit Diou. Une histoire qui se déroule à la fin de la seconde guerre mondiale en 1943 et qui vient s’intercaler entre les chapitres au fil du récit.

Je vous conseille ce polar plein d’humanité, c’est toujours aussi prenant. Une bonne nouvelle au passage lue sur les réseaux cette semaine, un troisième roman est prévu pour mars 2021 et inutile de dire que j’ai déjà hâte.

Après les chiens, ed. De l’Aube, coll. l’Aube noire, 17,90 euros, 176 pages.

Le loup / Jean-Marc Rochette

Un duel de longue haleine.

Une BD magnifique et que je vous recommande, sortie l’année passée chez Casterman. Une rencontre singulière entre un berger et un loup avec en toile de fond, une réflexion sur la cohabitation entre l’homme et la nature, entre l’homme et les animaux qui l’entoure. Le scénario ouvre des perspectives et amène des questionnements, c’est très bien vu.

Le loup, éditions Casterman, 102 pages, 18 euros.

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