À la fois exploration de la maternité comme expérience du corps et comme expérience sociale, Caroline Hinault écrit avec « In carna » un récit dense et vraiment intéressant sur la grossesse. L’autrice développe à partir de sa propre expérience et de ses lectures sur le sujet un regard sur la maternité et sur tout ce qu’elle recouvre. De l’essentialisation à l’instrumentalisation du corps des femmes, elle livre une réflexion passionnante de bout en bout sans dépolitiser son propos. Avec une écriture travaillée, qui sonne juste et qui m’avait mis une première claque dans son roman noir « Solak », l’autrice choisit d’écrire par fragments ses pensées, ses recherches, ses réflexions. Elle va au-delà de sa propre expérience de la maternité en mettant en évidence des rapports de pouvoir, en rendant visibles des ambivalences. Que ce soit avant, pendant ou après la grossesse, on distingue des injonctions parfois contradictoires que la mère rencontre. La sphère intime n’est plus la seule en jeu et des questions plus politiques ou sociales traversent cette expérience. En société par exemple lorsque des conversations autour du sujet émergent, qu’il faut annoncer sa grossesse, discuter de sa vision du sujet, etc. « In carna » est le genre de bouquin que l’on a envie d’annoter tout au long de la lecture (et qui peut ouvrir des discussions autour de soi). Un gros coup de coeur.
extrait : « Chaleur de printemps. Verdict menstruel.
Elle y avait encore cru, la vieille oie blanche.
La tristesse lui a fondu dessus comme un vautour.
Accaparé par un film, Lui a bredouillé quelques mots pour dire qu’il était désolé.
Il était dans son film, Elle dans son corps.
La tension n’a fait que croître.
Elle lui en a soudain terriblement voulu de ce droit à l’insouciance pendant qu’Elle se coltinait, Elle, les montagnes russes de ce corps qui dit oui ou non à sa guise. »
In carna, ed. du Rouergue, 21,50 euros, 304 pages.