Au printemps / Karl Ove Knausgaard

Un récit autobiographique touchant sur la paternité.

Je découvre le cycle autobiographique de l’auteur avec « Au printemps ». Un cycle appelé « Le quatuor des saisons » et dédié à sa fille, son quatrième enfant. Un nouveau-né de trois mois à qui il s’adresse tout au long du livre, tout au long d’un trajet avec elle dans la campagne suédoise. Avec un ton plein de sincérité, Karl Ove Knausgaard relate à sa petite fille une journée de sa vie et notamment un drame qui va directement impacter son quotidien. C’est aussi l’occasion pour lui de se confier sur comment il a traversé cette épreuve, ou comment il vit sa paternité et les relations au sein de sa famille nombreuse. Au final cela donne un texte touchant et qui ne ressemble à aucun autre. On se laisse porter par ce bouquin. J’ai apprécié y revenir et retrouver sur de petites plages de lecture la plume de l’auteur.

Au printemps, ed. Folio, 8,90 euros, 256 pages.

Les hommes / Richard Morgiève

Un roman touchant sur un truand sur le retour.

« Les hommes » c’est l’histoire de Mietek, un personnage qui sort de prison dans les années 70 et qui pendant les années Giscard, va tenter de se réinsérer à sa façon. Autrement dit retomber dans ses combines et pas forcément faire l’apologie de la légalité. Le lecteur suit la vie de ce personnage sur le retour qui se cherche, qui est ambiguë, qui tombe amoureux d’une femme alors que cet amour est impossible. Certaines scènes marquent, les personnages sont complexes mais ce qui fait tout le charme pour moi de ce bouquin c’est la plume de Richard Morgiève. Une plume que je découvre et qui sans détour dépeint des vies avec une justesse rare, toute une atmosphère, des émotions. On a aussi le sentiment de lire des passages qui sortent du lot. On peut croiser de la poésie au détour d’un passage notamment lorsque se pose la question de la paternité pour Mietek. C’est toute une vie qui défile sous nos yeux, celle d’un escroc sur le retour qui va constater amèrement que ce retour ne sera pas si simple. Un très bon roman qui est aussi une forme d’hommage aux gangsters d’une époque et à tout un imaginaire autour de ces bandits des années 70. Je découvre le ton sensible voire amer de l’auteur avec ce livre sur un marginal. Un personnage qui nous reste en tête une fois la dernière page tournée.

extrait : « On ferait partie de l’histoire des gens, de la chaîne, on ne serait plus orphelins, ni elle ni moi. »

Les hommes, ed. Joelle Losfeld, 22,50 euros, 368 pages.

Ma tempête / Eric Pessan

Un roman original où une pièce de théâtre s’invite dans la relation entre un père et sa fille.

David est un metteur en scène au bout du rouleau qui voit sa pièce « La tempête » (de Shakespeare) ne pas aboutir. Les relations se tendent dans son couple et il tourne en rond dans son appartement en voyant la précarité le guetter. Jusqu’au moment où la crèche de sa fille ferme à la suite d’un mouvement de grève. Il se retrouve alors seul à la maison avec sa fille et décide de lui interpréter une version de cette pièce de théâtre. Eric Pessan décrit à partir de là une relation touchante entre un père et sa fille. Une fille qui découvre le pouvoir de la fiction, qui n’en saisit pas toutes les nuances mais qui en même temps prend beaucoup de plaisir à suivre l’histoire de son père. David s’apprête alors à passer une drôle de journée dans laquelle les évènements météorologiques vont s’inviter tout comme son frère au fonctionnement opposé à lui. L’auteur s’amuse à dépeindre cette situation, une situation à mi chemin entre le burlesque et le tragique. On est touché par ce père qui au fil de sa journée fait défiler ses souvenirs mais aussi fait défiler les parallèles entre la pièce qu’il souhaitait monter et sa vie. « Ma tempête » est un roman malin et original qui est une très belle découverte. Un bouquin qui ne ressemble à aucun autre et qui aborde avec un angle unique la relation entre un père et sa fille.

Ma tempête, ed. Aux forges de vulcain, 18 euros, 160 pages.

Le récit du combat / Luc Lang

Un livre autobiographique sur une vie intimement liée aux arts martiaux.

Luc Lang s’éloigne de la fiction pour revenir sur son parcours de vie et les épreuves qu’il a pu traverser. A commencer par un souvenir, un souvenir qui débute le livre, une rencontre qui préfigure la suite lorsque son beau père un grand maître de judo lutte avec lui pour rire et qu’il n’est encore qu’un petit garçon. Commence alors à partir de cet évènement un questionnement et une relation complexe aux arts martiaux. Un fil rouge qui va le suivre toute sa vie. Le judo d’abord puis le karaté ensuite. Cette relation complexe se tisse autour d’autres évènements de la vie de l’auteur, que ce soit sa paternité, la relation avec sa mère, son rapport à l’écriture. Luc Lang se dévoile avec une très belle écriture et comme dans « La tentation » on retrouve une langue travaillée qui séduit par les images qu’elle évoque et en même temps qui ne tombe pas dans le pathos. On suit les pensées, les évènements marquants de la vie de l’auteur et de nombreuses réflexions planent au fur et à mesure de la lecture. Notamment les allers et retours avec la notion de combat sous toutes ses formes. A l’arrivée cela donne un livre autobiographique qui revêt une forme unique et qui touche par sa sincérité.

Le récit du combat, ed. Stock, 21,50 euros, 360 pages.

On dirait des hommes / Fabrice Tassel

Une juge enquête sur la mort accidentel d’un enfant et découvre qu’il y a rarement des histoires simples.

Thomas est loin de se douter que lorsqu’il sort de chez lui avec son fils Gabi pour aller se balader sur le bord de mer, un drame va se produire. Son fils tombe et est emporté par la mer sans que le père ne puisse rien y faire. Anna et Thomas sont détruits par cet événement et passé l’état de sidération, le couple décide de porter plainte en mettant en cause les infrastructures du bord de mer. La juge d’instruction Dominique Bontet est mise sur l’affaire et elle est connue pour ne rien laisser au hasard dans son travail. La juge, un personnage vraiment réussi je trouve, va chercher à comprendre petit à petit les événements, mais aussi comment fonctionne ce couple et comment il a pu leur arriver une telle tragédie. Fabrice Tassel écrit un roman noir avec des personnages fouillés et ambivalents. La narration fait monter crescendo la tension et à l’arrivée cela donne un récit plein d’humanité mais aussi de parts d’ombre et de mensonges. On y aborde la paternité, la vie de famille et les violences pas toujours visibles du quotidien. Le tout avec beaucoup de justesse.

On dirait des hommes, ed. La manufacture de livres, 19,90 euros, 288 pages.

Les Gentils / Michaël Mention

La lente descente aux enfers d’un père qui perd sa fille.

Franck perd sa fille de 8 ans dans des circonstances tragiques. La suite va être un très long calvaire pour lui, à commencer par sa séparation avec sa femme. Il tente de surnager dans son magasin de disques, mais un an après il n’y parvient toujours pas. Il décide alors de vendre sa boutique à un ami pour se lancer à la recherche de l’homme responsable de la mort de sa fille. Un homme qui n’a toujours pas été retrouvé et qui le hante nuit et jour. Le père de famille se lance dans une quête qui va durer des mois et qui va le faire passer par Toulouse, Marseille ou encore la Guyane. Une quête dans laquelle il tente de chercher des raisons de continuer à vivre et à lutter contre son mal être quotidien. La traque de cet homme avec un mystérieux tatouage devient une véritable obsession. Michaël Mention dans un roman rude et rythmé, décrit la psychologie d’un homme en bout de course. Un homme qui imagine un dialogue à certains moments avec sa fille décédée. Un homme qui tente de se donner un infime espoir à travers la vengeance. « Les Gentils » est un roman noir d’une grande intensité qui laisse peu de répit au lecteur et qui est comme souvent chez l’auteur très bien documenté pour le contexte dans lequel il se déroule. Franck le personnage évolue à la fin des années 70’s. La politique n’est jamais loin tout comme la passion pour la musique de l’auteur. On ressort de cette lecture un peu sonnée avec un sentiment d’avoir été pris dans une tension qui monte crescendo jusqu’à la fin.

Les Gentils, ed. Belfond, 20,50 euros, 352 pages.

Éteindre la Lune / William Boyle

Un roman noir dans Brooklyn avec le ton unique de William Boyle.

1996, Brooklyn, deux jeunes s’amusent à balancer des cailloux depuis un pont sur les bagnoles en contre bas, jusqu’au moment où Bobby l’un des deux atteint une conductrice en pleine tête. Une conductrice qui s’avère être la fille de Jack, un père de famille qui tente d’arrondir les fins de mois en rendant des services à droite à gauche avec ses gros bras. Le roman démarre sur cet évènement dramatique avant d’emmener le lecteur quelques années plus tard. On rencontre un autre personnage, Lily. Une jeune fille passionnée d’écriture qui décide d’ouvrir un atelier d’écriture dans le sous-sol d’une paroisse. C’est là que Jack débarque dans cet atelier d’écriture pour coucher sur le papier toute la souffrance accumulée depuis la perte de sa fille. Ajoutez à cela quelques personnages pas toujours recommandables et le roman est lancé. William Boyle en s’attardant sur chaque personnage développe une intrigue prenante. Il prend le temps de développer les personnalités de chacun et chacune et on est embarqués par son regard aiguisé sur les relations humaines. Tout ce petit monde va finir d’une manière ou d’une autre par se croiser et ce ne sera pas forcément pour le meilleur. L’auteur offre un très bon moment de lecture avec des touches d’humour, mais aussi des passages plus touchants. Il questionne avec justesse la paternité et les relations, notamment amicales. Le tout sans tomber dans le pathos et avec une réflexion bien amenée sur l’écriture en filigrane. « Éteindre la lune » livre un récit que l’on a du mal à poser une fois démarré, avec pas mal de références musicales ce qui ne gâche rien (un peu à la manière d’un Michael Mention). Du très bon du début à la fin.

Traduit de l‘américain par Simon Baril.

Éteindre la Lune, ed. Gallmeister, 24,80 euros, 416 pages.

Pourquoi tu danses quand tu marches ? / Abdourahman A. Waberi

Le narrateur raconte son enfance à sa fille et l’histoire d’un pays, Djibouti.

Le narrateur de ce livre n’est autre que l’auteur lui même. Il raconte à sa fille Béa lors d’une balade dans Paris son passé à Djibouti et surtout l’origine de sa démarche singulière lorsqu’il marche. Tout part de là lorsque Béa sa fille lui demande pourquoi il boite ou plus précisément pourquoi il danse quand il marche. On découvre une enfance marquée par un accident mais aussi par tout un ensemble de personnages marquants. De la grand-mère à l’institutrice en passant par les petites frappes de l’école qui stigmatisent l’enfant qu’il a été. À travers une plume sensible, Abdourahman A. Waberi décrit une grande partie de sa jeunesse puis sa découverte de l’écriture et de la lecture, des moments importants très bien restitués. On est complètement embarqué par le ton du père qui se livre en toute transparence à sa fille. L’écrivain franco djiboutien écrit un très beau bouquin, une découverte.

Pourquoi tu danses quand tu marches ?, ed. JC Lattès, 19 euros, 250 pages.

In carna / Caroline Hinault

Fragments de grossesse.

À la fois exploration de la maternité comme expérience du corps et comme expérience sociale, Caroline Hinault écrit avec « In carna » un récit dense et vraiment intéressant sur la grossesse. L’autrice développe à partir de sa propre expérience et de ses lectures sur le sujet un regard sur la maternité et sur tout ce qu’elle recouvre. De l’essentialisation à l’instrumentalisation du corps des femmes, elle livre une réflexion passionnante de bout en bout sans dépolitiser son propos. Avec une écriture travaillée, qui sonne juste et qui m’avait mis une première claque dans son roman noir « Solak », l’autrice choisit d’écrire par fragments ses pensées, ses recherches, ses réflexions. Elle va au-delà de sa propre expérience de la maternité en mettant en évidence des rapports de pouvoir, en rendant visibles des ambivalences. Que ce soit avant, pendant ou après la grossesse, on distingue des injonctions parfois contradictoires que la mère rencontre. La sphère intime n’est plus la seule en jeu et des questions plus politiques ou sociales traversent cette expérience. En société par exemple lorsque des conversations autour du sujet émergent, qu’il faut annoncer sa grossesse, discuter de sa vision du sujet, etc. « In carna » est le genre de bouquin que l’on a envie d’annoter tout au long de la lecture (et qui peut ouvrir des discussions autour de soi). Un gros coup de coeur.

extrait : « Chaleur de printemps. Verdict menstruel.
Elle y avait encore cru, la vieille oie blanche.
La tristesse lui a fondu dessus comme un vautour.
Accaparé par un film, Lui a bredouillé quelques mots pour dire qu’il était désolé.
Il était dans son film, Elle dans son corps.
La tension n’a fait que croître.
Elle lui en a soudain terriblement voulu de ce droit à l’insouciance pendant qu’Elle se coltinait, Elle, les montagnes russes de ce corps qui dit oui ou non à sa guise. »

In carna, ed. du Rouergue, 21,50 euros, 304 pages.

Le lâche / Jarred McGinnis

Suite à un accident de voiture, le personnage est amené à revivre chez son père après 10 ans d’absence.

Jarred a un accident de voiture au tout début du roman, une femme meurt à ses côtés. Il va alors être amené à rentrer chez son père qu’il n’a pas vu depuis 10 ans. Il ne peut pas rester seul et payer ses soins en autonomie. Tout commence avec cet accident et au fil de l’histoire on découvre une relation avec son paternel qui n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Jarred emménage chez lui et tout ressort, notamment le passé de son père alcoolique et son passé lorsqu’il a perdu sa mère plus jeune. Le roman alterne ainsi entre des périodes pendant lesquelles le personnage vivait loin de chez lui et faisait les 400 coups et des périodes au présent ou Jarred compose avec son nouveau handicap et sa nouvelle vie chez son père. C’est un roman qui questionne le regard sur le handicap sans tomber une seule seconde dans le pathos. Il y a de l’humour, mais aussi de jolis moments de tendresse entre les personnages. Il n’y a pas d’excès de guimauve non plus dans ce bouquin et c’est plutôt une bonne surprise du début à la fin.

Le lâche, ed. Métailié, 22 euros, 352 pages.

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