Banale flambée dans ma cité / Mabrouck Rachedi

Chronique d’un embrasement suite à une bavure policière.

Mabataï ne le sait pas encore, mais il s’apprête à mettre les pieds dans un engrenage lorsqu’il accepte de travailler pour le dealer de son quartier. Il accepte, car il cherche à comprendre ce qu’il s’est passé le jour où il se retrouve témoin d’une bavure policière, pendant laquelle un jeune homme de dix-sept ans meurt. Le quartier s’embrase, et ça conforte le jeune lycéen dans son envie de comprendre ce qu’il s’est passé lors de cette bavure. On suit un adolescent un peu rêveur et fan de musique, qui après avoir infiltré le réseau de drogue, va rencontrer la sœur de la victime. Katia lutte depuis la mort de son frère pour découvrir la vérité et les deux adolescents vont finir par se croiser. Le père de Mabataï qui élève son fils seul depuis la mort de sa mère a rencontré une policière depuis peu, ce qui ne félicite pas le quotidien de Mabataï. La tension augmente crescendo dans ce roman qui sonne juste.

Banale flamnbée dans ma cité, ed. Actes Sud, 15,90 euros, 224 pages.

La Barbe / Omar Benlaala

La trajectoire de l’auteur et son rapport à la religion, à travers un témoignage lucide.

Après avoir lu « Tu n’habiteras jamais Paris » où il était question de son père en grande partie, j’ai eu envie de rependre le récit d’Omar Benlaala écrit dans la collection « raconter la vie ». Un livre dans lequel il revient sur son parcours à lui cette fois-ci. Un parcours dans lequel il découvre la religion avant de vivre uniquement par rapport à elle puis d’évoluer dans les extrêmes. Omar Benlaala avec précision revient sur une trajectoire marquée par le décrochage scolaire, un rapport aux drogues complexe, sa découverte de la religion ou encore la quête d’un équilibre qu’il peine à trouver. L’auteur se livre et déconstruit les raisons qui l’ont poussé à faire tout ce qu’il a fait. Il essaie de comprendre, témoignage, constate, ne juge pas. C’est souvent de petits bouquins passionnant cette collection initiée par Pierre Rosanvallon et « La barbe » d’Omar Benlaala ne fait pas exception. N’hésitez pas à découvrir ce texte.

La Barbe, ed. Seuil, coll. Raconter la vie, 7,90 euros, 112 pages.

Les Affreux / Jedidiah Ayres

Un roman noir brutal et déjanté dans le Missouri.

Direction une petite ville du Missouri pour suivre les aventures de personnages plus véreux les uns que les autres. Du shérif corrompu au trafiquant de drogue en passant par un télévangéliste borderline ou encore deux loosers qui tentent d’arrondir leurs fins de mois avec de petits larcins. Le tableau est complet pour que tout dégénère bien comme il faut, et ça ne va pas louper. Jedidiah Ayres écrit un pur roman noir, bien sombre et bien déjanté. C’est assumé du début à la fin, dans l’excès et il faut reconnaitre que l’auteur sait mener sa barque. Le tout est rythmé et on est curieux de voir où vont les personnages. Droit dans le mur à n’en pas douter. On pense à du Harry Crews mais avec les curseurs du grotesque et de l’humour noir poussés au max.

Les Affreux, ed. Les Arènes, coll. Equinox, 20 euros, 352 pages.

Charbon / Sébastien Aja

Deux adolescents tentent de survivre au milieu des trafics de drogue.

Deux jeunes adolescents des quartiers nords marseillais réalisent un braquage dès le début de ce roman. Abou et Zine ont 16 ans. Ils sont plein d’énergie et ont surtout plein d’idées derrière la tête. Les petits vols leur apparaissent insuffisants et ils commencent à côtoyer les différents chefs des cités pour gagner plus et s’associer. Tout va alors beaucoup plus vite et les règlements de compte vont se multiplier. Abou et Zine ne sont pas encore dépassés par les événements mais ça ne devrait tarder, et on sent qu’ils ne réalisent pas dans quels engrenages ils mettent les pieds. Sébastien Aja sait de quoi il parle et on sent que son roman noir est réaliste, qu’il part de faits réels ou que son expérience personnelle transparaît. Malheureusement les descriptions un petit trop cliniques des scènes d’action et le rythme qui parfois s’essouffle rend le récit moins prenant. Plus compliqué de développer de l’empathie pour les personnages dans ce cadre là et d’entrer dans le roman. Dommage.

Charbon, ed. Gaussen, 15 euros, 208 pages.

Shit ! / Jacky Schwartzmann

Le CPE d’un bahut non loin de Besançon fait une rencontre inattendue.

Thibault est CPE dans un bahut de la Planoise, un quartier en banlieue de Besançon. On découvre un CPE au taquet dans son taf qui connait les combines de son établissement scolaire et qui mène bien sa barque. Et comme on est dans un Jacky Schwartzmann on sait qu’à un moment ou à un autre Thibault le personnage principal va mettre les pieds dans une emmerde à son insu. Tout commence lorsqu’il entend des coups de feu dans son bâtiment au rez-de-chaussée et qu’il se rend sur place avec sa voisine pour voir ce qu’il s’y trame avant l’arrivée de la police. Et là tout part en live. Et la petite vie plutôt rangée du CPE va changer du tout au tout. Évidement ce serait dommage d’en dire plus à ce stade, mais rassurez vous on retrouve le ton de l’auteur qui fonctionne très bien. Avec de l’humour noir, des dialogues qui donnent le sourire et quelques scènes d’anthologie. On est bien dans un polar de Jacky Schwartzmann et honnêtement on dévore cette dernière fournée en date.

Shit !, ed. Seuil, 19,50 euros, 320 pages.

Rétiaire(s) / DOA

Une lutte sans merci entre l’Office anti stupéfiants et des mafieux du milieu de la drogue.

J’avais découvert DOA dans son roman à quatre mains avec Dominique Manotti (« L‘honorable société ») et j’ai attendu la sortie de « Rétiaire(s) » pour remettre le nez dedans. Et punaise je n’aurais pas dû attendre. Quel souffle dans ce roman noir, DOA dans un art de la concision maîtrisé comme jamais écrit une histoire autour d’un flic à la dérive et du milieu de la drogue. C’est d’un réalisme à couper le souffle et évidement c’est hyper prenant. L‘OFAST (l’office anti stupéfiants) engage une lutte contre le redoutable clan des Cerda, un clan yediche qui a fait fortune dans la ferraille. Et qui connaît aussi des rivalités en son sein, tout comme l’OFAST d’ailleurs. Les flics ne sont pas en reste et sont capables de se tirer dans les pattes en pleine enquête. Les péripéties se déroulent en plein Covid dans l’hexagone, et on ne regrette pas un seul instant que DOA est décidé de faire un bouquin de ce scénario qui devait finir sur le petit écran à l’origine. Du lourd.

Rétiaire(s), ed. Gallimard, coll. Série Noire, 19 euros, 432 pages.

Last exit to Marseille / Guillaume Chérel

L’arrivée mouvementée sur Marseille d’un ancien journaliste, qui découvre la ville à travers un dialogue fictif avec le grand Izzo.

Jérôme Beauregard est arrivé depuis peu sur Marseille. Ancien journaliste qui s’est reconverti en « détective public » comme il aime le dire, il emménage non loin de la porte d’Aix et taîne ses guettres dans une ville qu’il apprend à connaître. Et quoi de mieux que d’imaginer un dialogue fictif avec un pur auteur marseillais, Jean-Claude Izzo, pour la découvrir justement cette ville. Au début du roman le personnage assiste impuissant à la mort d’un pote à lui, Luc, victime d’une overdose. Le décès agit comme un électro choc pour le personnage qui se lance alors dans sa propre enquête pour comprendre d’où vient le produit à l’origine de l’overdose. La narration alterne habilement entre les dialogues fictifs entre Jérôme Beauregard et Izzo. Dialogues qui permettent de discuter de la ville, de ses évolutions et de son atmosphère. Un vrai plaisir du début à la fin. L’autre partie de la narration est plus portée sur l’enquête de Jérôme Beauregard qui tente tant bien que mal de remonter les filières des différentes drogues qu’il découvre. « Last exit to Marseille » mélange les genres, du roman noir au récit plus documentaire et permet de découvrir différentes facettes de la cité phocéenne sous un nouveau jour. On apprécie au passage la prose rythmée et sans détour de Guillaume Chérel.

Last exit to Marseille, Ed. Gaussen, 19 euros, 272 pages.

Les Enfants endormis / Anthony Passeron

La récit intime d’une famille de l’arrière pays niçois face à l’arrivée du SIDA en France.

L’auteur Anthony Passeron choisit de questionner le décès de son oncle, Désirée Passeron. Pour cela il s’intéresse au passé de sa famille dans un petit village de l’arrière-pays niçois. On y découvre la vie d’une bourgade dans les années 80, avec la famille de l’auteur qui prospère notamment grâce à la boucherie de son grand-père. Tout démarre donc dans les années 80 et on suit deux narrations distinctes tout au long du livre. La petite histoire de la famille de l’auteur qui va rencontrer la grande histoire autour de la découverte du virus du SIDA. Anthony Passeron décrit l’arrivée du virus en France et retrace sa découverte par les chercheurs français. Le tout est très bien documenté et permet de comprendre les tensions qui existaient à l’époque autour de cette découverte notamment dans le milieu scientifique, en France et au-delà de l’atlantique. L’auteur livre un récit poignant sur une famille qui implose. À la fois récit de l’intime et du collectif, « Les Enfants endormis » donne un roman âpre qui décrit une vie dans la tourmente, celle de Désirée Passeron.

Les Enfants endormis, ed. du Globe, 20 euros, 288 pages.

Nuit bleue / Simone Buchholz

Dans la ville d’Hambourg, un roman noir à l’atmosphère unique.

Je découvre Chastity Riley, procureure de la ville d’Hambourg, écartée de ses fonctions suite à une ancienne enquête qui a déconné pour elle. Une enquête qui impliquait son ancien chef, un supérieur devenu un malfrat. Dans « Nuit bleue », on découvre une écriture singulière et un ton qui renouvèlent ce que l’on retrouve habituellement dans le roman noir. J’étais curieux de découvrir cette autrice dans la collection « Fusion » chez l’Atalante. Le récit ne s’essouffle pas et c’est le genre de polar épuré que je trouve prenant. L’autrice envoie de sacrées punchlines via son personnage, on comprend rapidement que la procureure a des méthodes bien à elle pour arriver à ses fins. À commencer par la bière et la clope un lendemain de cuite pour se remettre. Suite à sa mise à l’écart, elle s’occupe maintenant des blessés et autres altercations en cherchant les identités des victimes dans la ville d’Hambourg. La victime du début de « Nuit bleue » finit à l’hôpital après s’être fait rouer de coups dans la rue et la procureure est appelée pour la rencontrer à l’hôpital. Entourée de sa bande d’amis la procureure va tenter de rassembler petit à petit les pièces d’un puzzle complexe qui se cache derrière l’inconnu à l’hôpital. On découvre dans « Nuit bleue » un nouveau personnage attachant et ça donne envie de poursuivre cette série.

Traduction de Claudine Layre.

Nuit bleue, ed. l’Atalante, coll. Fusion, 19,90 euros, 240 pages.

Casino Amazonie / Edyr Augusto

Le dernier roman d’Edyr Augusto, une plongée dans les bas-fonds de Belém au Brésil.

Quel plaisir de retrouver la plume d’Edyr Augusto dans « Casino Amazonie ». Nous sommes de nouveau à Bélem, au Brésil. Une ville avec ses trafics et ses truands. Comme dans ses précédents romans, on retrouve une atmosphère tendue où les choses peuvent dégénérer rapidement. Tout part d’un auteur de roman qui cherche à rencontrer un grand bandit local. Ce dernier méfiant dans un premier temps finit par se décider à lui raconter toute son histoire. C’est là que l’on découvre des personnages plantés en quelques lignes, du docteur qui décide de varier ses activités en ouvrant des salles de jeux clandestines au jeune homme qui vient de la rue et qui gravit les échelons en passant par la jeune fille surdouée pour le poker. J’ai toujours apprécié le travail de cet auteur et une nouvelle fois ce roman noir est une réussite. On est embarqués et surpris par les revirements alors même que l’on sait que l’on s’engage dans un récit rythmé qui va envoyer du bois. Le lecteur est au cœur des trafics, de la corruption ou des combines des forces de l’ordre de la ville amazonienne. Les dialogues sont fondus dans la narration ce qui participe au rythme du récit. « Casino Amazonie » est un roman noir qui marque et qui laisse un goût amer lorsque que l’on quitte ces personnages. A noter l’excellent travail de traduction de Diniz Galhos qui restitue toutes les nuances du roman et ce style dans l’écriture.

PS : Je vous conseille le visionnage de la rencontre littéraire « Vleel » sur youtube, avec l’auteur et son traducteur pour compléter la lecture. Et si vous ne connaissiez pas l’auteur, penchez vous sur ces premiers romans noirs (Moscow, Belém, Pssica et Nid de vipères).

Casino Amazonie, ed. Asphalte, 20 euros, 208 pages.

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