Colombian psycho / Santiago Gamboa

Je découvre Santiago Gamboa avec ce polar redoutable en Colombie et c’est une vraie réussite.

Des os sont retrouvés dans une friche de Bogota. Il manque le tronc et la tête et l’évènement macabre laisse les forces de l’ordre du coin dubitatives. Jusqu’au moment où l’on se rend compte que l’homme à qui appartiennent les membres humains est vivant et qu’il est en prison. Un procureur, Edilson Jutsiñamuy, une journaliste Julieta et sa secrétaire Johana, une ex-guérillera, vont chercher à comprendre ce qu’il s’est passé. À partir de là Santiago Gamboa campe un polar très sombre et qui se dévore malgré les 600 pages. L’intrigue s’inscrit dans l’histoire politique complexe de la Colombie et pour autant on ne se perd pas un seul instant. Au contraire on découvre un pays aux ramifications complexes, gangréné par la violence. Le talent de conteur hors pair est indéniable chez Santiago Gamboa. « Colombian psycho » est le premier roman de l’auteur que je découvre et surement pas le dernier. À noter que le romancier fait une apparition (voire un peu plus) dans son récit et c’est plutôt bien amené. Du très bon roman noir de bout en bout.

Colombian psycho, ed. Métailié, 23 euros, 592 pages.

Nid de vipères / Edyr Augusto

Une jeune femme cherche à venger sa famille et rien ne pourra l’arrêter.

Retour dans l’état du Para au nord du Brésil pour ce roman d’Edyr Augusto. Un riche homme d’affaires qui ne recule devant rien pour obtenir ce qu’il veut décide de récupérer une scierie. La scierie de la famille Pastri. Il viole la femme d’Alfredo Pastri et frappe ce dernier devant leurs enfants, Isabela et Fred. Le traumatisme est d’une violence rare et des années plus tard alors que Fred a tourné la page en allant vivre aux États-Unis avec sa compagne, une grande star de la musique, Isabela décide d’assouvir son désir de vengeance. Commence alors un long chemin de croix pour la jeune femme qui a un unique but, venger sa famille de Wlamir Turvel, l’escroc violent et sans limite à l’origine du traumatisme. Les politiques sont corrompus, les marginaux n’ont rien demandé à personne, mais subissent. Pas de doute on est bien dans un roman d’Edyr Augusto. Un roman noir tendu et violent comme il sait le faire. Les pages défilent et chaque mot est pesé.

Nid de vipèrestè, ed. Asphalte, 15 euros, 160 pages.

Casino Amazonie / Edyr Augusto

Le dernier roman d’Edyr Augusto, une plongée dans les bas-fonds de Belém au Brésil.

Quel plaisir de retrouver la plume d’Edyr Augusto dans « Casino Amazonie ». Nous sommes de nouveau à Bélem, au Brésil. Une ville avec ses trafics et ses truands. Comme dans ses précédents romans, on retrouve une atmosphère tendue où les choses peuvent dégénérer rapidement. Tout part d’un auteur de roman qui cherche à rencontrer un grand bandit local. Ce dernier méfiant dans un premier temps finit par se décider à lui raconter toute son histoire. C’est là que l’on découvre des personnages plantés en quelques lignes, du docteur qui décide de varier ses activités en ouvrant des salles de jeux clandestines au jeune homme qui vient de la rue et qui gravit les échelons en passant par la jeune fille surdouée pour le poker. J’ai toujours apprécié le travail de cet auteur et une nouvelle fois ce roman noir est une réussite. On est embarqués et surpris par les revirements alors même que l’on sait que l’on s’engage dans un récit rythmé qui va envoyer du bois. Le lecteur est au cœur des trafics, de la corruption ou des combines des forces de l’ordre de la ville amazonienne. Les dialogues sont fondus dans la narration ce qui participe au rythme du récit. « Casino Amazonie » est un roman noir qui marque et qui laisse un goût amer lorsque que l’on quitte ces personnages. A noter l’excellent travail de traduction de Diniz Galhos qui restitue toutes les nuances du roman et ce style dans l’écriture.

PS : Je vous conseille le visionnage de la rencontre littéraire « Vleel » sur youtube, avec l’auteur et son traducteur pour compléter la lecture. Et si vous ne connaissiez pas l’auteur, penchez vous sur ces premiers romans noirs (Moscow, Belém, Pssica et Nid de vipères).

Casino Amazonie, ed. Asphalte, 20 euros, 208 pages.

L’Âme du chasseur / Deon Meyer

En Afrique du Sud, un agent secret voit son passé ressurgir.

« P’tit » a été par le passé un agent pour les services secrets sud-africain. Depuis le changement de régime il a une vie rangée avec sa compagne et l’enfant de cette dernière. Il bosse chez un concessionnaire auto et ne fait aucune vague. Mais un jour, il reçoit une demande d’un ancien camarade de lutte. Ce camarade a été enlevé et les ravisseurs demande des informations bien précises contenues sur un disque dur. Il est obligé de quitter son foyer pour leur amener le disque dur. Sur la route, il se retrouve à son insu la proie d’une chasse imprévue. D’un côté les forces de l’ordre le repère et le poursuive mais de l’autre il ne comprend pas pourquoi ce disque dur qu’il doit transporter lui attire autant de problèmes. Étant un ancien agent hors pair, il tente de contenir ses vieux démons et de ne pas retomber dans une violence qu’il a connu. Mais les choses ne vont pas être si simples, la traque peut basculer à tout moment. Deon Meyer dans « L’âme du chasseur » est à son meilleur. On retrouve un roman qui oscille entre thriller et roman noir, avec un soupçon de corruption et de politique comme souvent chez l’auteur. Le tout fonctionne très bien et on se laisse porter par la tension qui va crescendo.

L’Ame du chasseur, ed. Seuil, 21,30 euros, 432 pages.

A sang et à mort / Sandrine Durochat

Un roman noir Grenoblois rythmé sur fond de trafic de drogue.

Ça démarre sur les chapeaux de roue avec un règlement de compte puis un braquage qui tourne mal. Sandrine Durochat ne perd pas de temps et ça fonctionne, on se laisse embarquer. Le lecteur est invité à découvrir l’agglomération Grenobloise et ses trafics, plus ou moins liés à la politique locale. Il y a les petits jeunes d’Echirolles, la ville voisine. Des petits jeunes à l’enfance compliquée qui ont appris à s’imposer très tôt dans le quartier puis au-delà. Et il y a les anciens, qui connaissent les filons depuis un moment et qui n’ont pas l’impulsivité de la nouvelle génération. L’autrice décrit très bien ces différents mondes où le bénéfice est roi et où l’on ne se fait pas de cadeau. Il y a aussi la justice, celle qui dysfonctionne ou encore les violences policières. L’économie de mots sert le goût pour l’action de Sandrine Durochat. Un roman noir qui malgré quelques comparaisons pas forcément bienvenues, est d’une efficacité redoutable.

A sang et à mort, ed. Jigal, 18,50 euros, 248 pages.

Allah n’est pas obligé / Ahmadou Kourouma

Un jeune narrateur raconte sa vie d’enfant soldat sans détour.

Un court roman écrit à la première personne où un enfant soldat raconte son enfance et ses débuts avec des armes dans les mains. Le jeune narrateur Birahima utilise plusieurs dictionnaires pour préciser sa pensée et raconter sans détour tout ce qu’il lui arrive. Il cherche à retrouver sa tante après la mort de sa mère et c’est là qu’il finit par être enrôlé par un chef de guerre, dans un enfer qui lui est inconnu et qu’il décrit dans ce roman. Il y rencontre des adultes corrompus et d’autres enfants soldats qui ont un parcours aussi difficile et une vie qui ne vaut rien pour leurs chefs. Dans ce court roman percutant, Ahmadou Kourouma retranscrit très bien le quotidien d’un enfant soldat sans oublier le contexte politique du pays traversé, comme le Libéria par exemple. La corruption, l’argent et la quête de pouvoir ne gravitent jamais bien loin de Birahima. Le monde des adultes est prêt à tout pour ça, que ce soit les dictateurs en place ou les bandits les plus réputés.

Allah n’est pas obligé, ed. Points, 7 euros, 240 pages.

Faut pas rêver / Pascale Dietrich

Un nouveau Pascale Dietrich c’est toujours une bonne nouvelle. Foncez.

Il était temps de découvrir le dernier roman noir de Pascale Dietrich. J’avais adoré ses péripéties Grenobloises dans « Les mafieuses » tout comme celles plus orientées vers des contrées maritimes dans « Une île bien tranquille ». L’autrice a un humour pince sans rire et un redoutable regard sur la société, notamment patriarcale. Cet opus le confirme. Ses personnages sont le reflet d’une condition sociale qui fait réfléchir le lecteur. Louise la future mère de famille et Jeanne récemment divorcée vont former un singulier duo qui va aller de découverte en découverte. Tout part des rêves du marie de l’une d’entre elle, ce dernier parle dans son sommeil et empêche sa femme de dormir. Évidemment la teneur de ces rêves laisse un léger sentiment de trouble, vous le découvrirez par vous même. Ce serait dommage d’en dire plus et comme toujours chez l’autrice, le point de départ de l’intrigue est originale et n’oublie pas de mener le lecteur par le bout du nez. De Paris à Marbella, on se régale dans ce nouveau roman noir de Pascale Dietrich.

Faut pas rêver, Ed. Liana Levi, 17 euros, 208 pages.

Paz / Caryl Férey

Un voyage impressionnant dans une Colombie à plusieurs visages.

Caryl Férey a le don pour montrer au lecteur l’envers des cartes postales. Avec Paz il nous emmène en Colombie pour un récit âpre où la corruption et la drogue font souffrir les plus vulnérables. Les personnages sont ambiguës et construits avec beaucoup de nuances, les péripéties sont plus que prenantes et c’est tout simplement une grosse claque ce roman noir. J’ai pensé à La griffe du chien de Don Winslow à certains moments dans le traitement des thèmes abordés. L’auteur est toujours aussi efficace et documente avec précision ses sujets. L’intrigue complète bien cette documentation et le lecteur se retrouve en immersion tout du long.

Paz, Ed. Folio policier, 9,70 euros, 608 pages.

Mauvais oeil / Marie Van Moere

Famille, mafia, corruption et passé douteux forment un coktail savamment réussi dans ce roman noir.

Direction la Corse avec ce roman noir de Marie Van Moere. J’avais adoré « Petite louve », le premier roman de l’autrice (récemment réédité chez La Manufacture de livres avec une superbe couv’) et je n’ai pas été déçu non plus avec celui-ci. « Mauvais œil » est sorti en janvier 2019 dans la jeune collection Equinox chez les Arènes. Au passage cette collection sort régulièrement de très belles trouvailles, n’hésitez pas à vous pencher sur le catalogue.

Dans ce roman noir, on retrouve une histoire de mafieux, de rivalités et de vengeances avec le passé qui refait surface pour plusieurs personnages. Que ce soit la commissaire de la PJ à Ajaccio Cécile Stephanopoli ou Antonia Mattéi, ancienne mafieuse qui a par le passé eu une grande influence sur le milieu corse. Antonia régnait sur la région. Malheureusement cette époque a pris fin brutalement à la mort de son mari, une autre figure de la mafia corse.
Au début du roman, Toussaint Galéa un proche des Mattéi, revient des années plus tard sur l’île pour solder une dette envers Antonia et c’est à partir de là que tout refait surface.

Les deux personnages féminins sont très bien amenés je trouve et marquants pour le lecteur. Cécile et Antonia sont sous le joug du pouvoir masculin de différentes manières et cela ne va pas leur faciliter les choses face aux nouveaux évènements qui viennent secouer l’île. Pourtant elles vont avancer d’une manière ou d’une autre. Ce n’est pas souvent que l’on croise des personnages féminins de cette envergure dans le polar. Ce roman noir est aussi une histoire de famille et les deux enfants d’Antonia (Joseph et Ours-Pierre) ne sont jamais loin de l’intrigue tout comme le père de Cécile (ancien commissaire qui a enquêté par le passé sur l’affaire dont il est question). Je vous conseille sans hésiter ce polar, une réussite tout du long.

PS : Et il y a une référence à Dave Grohl dedans 👀🥁

Mauvais oeil, Ed. Les arènes, 16 euros, 304 pages.

Les Âmes sous les néons / Jérémie Guez

Une riche famille vole en éclat suite à l’assassinat du mari, sa femme va alors découvrir un monde hostile.

Je guettais cette sortie de la rentrée de janvier, repérée à la lecture du dernier numéro de L’indic. Et autant le dire tout de suite, le nouveau roman du talentueux Jérémie Guez sonne juste et on retrouve dès le début sa plume caractéristique.

Cet auteur de roman noir emmène souvent ses lecteurs dans la noirceur de l’âme humaine en mêlant une atmosphère sombre à un rythme qui n’a rien à envier aux page turner les plus efficaces. Les combats et les scènes d’action sont très bien restitués et « Les âmes sous les néons » ne fait pas exception. Il y a un sentiment d’immersion qui se dégage et en même temps une économie de mots pour décrire certaines scènes.

Dans ce cinquième roman, une jeune mère de famille qui se remet à peine d’une césarienne perd son mari. Pas n’importe comment puisque ce dernier prend une balle qui lui emporte une partie du visage. C’est donc un assassinat qui en dit long et la jeune femme va l’apprendre à ses dépends. Dans quel business son riche mari baignait-il ? Pourquoi cette mort si violente et maintenant que va-t-elle devenir avec ses nouvelles cartes en main ? Le pitch est simple et pourtant, ça fonctionne dès que tout se met en branle autour d’elle.

Un excellent roman noir qu’on ne lâche pas.

Les Âmes sous les néons, ed. La Tengo, 15,50 euros, 176 pages.

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