Ton absence / Guillaume Nail

La naissance d’un sentiment amoureux au milieu d’un groupe de potes.

Léo s’est formé un groupe de potes lors de son premier stage théorique pour obtenir le BAFA. Il a créé des liens forts et la bande est proche, à tel point qu’ils repartent ensemble pour le second stage, l’approfondissement. Un stage qui fait partie du parcours pour obtenir le BAFA et faire de l’animation. C’est pendant ce stage, le temps d’une semaine, que Léo voit naitre chez lui des sentiments pour Matthieu un autre stagiaire. Des sentiments qu’il refoule, qu’il tente de contrôler et qui en même temps, il le sent bien, le dépassent un peu. Le regard du groupe sur cette relation naissante va beaucoup jouer sur les comportements de Léo mais aussi sur ceux de Matthieu, qui lui de son côté est plutôt solitaire et dénote dans la bande qui réalise le stage. Il y a de tout dans ce court roman touchant de Guillaume Nail. Une forme d’écriture libre sur certaines pages, des passages qui côtoient de la poésie, une grande importance de la nature. On est embarqués par ce que traverse Léopold, ça sonne juste. Ce court roman est rythmé par les différentes activités animées par les jeunes qui passent le stage et qui veulent l’obtenir pour poursuivre vers le diplôme. C’est aussi une façon de voir évoluer un sentiment amoureux entre deux jeunes dans un environnement qui met des barrières à ce sentiment justement. Dans « ton absence », on questionne le désir chez ces jeunes adultes, le rapport aux normes et l’impact que cela peut avoir directement dans leurs vies. Un roman qui prouve encore une fois toute la vitalité de la littérature jeunesse. À découvrir.

Ton absence, ed. Rouergue, 12,80 euros, 160 pages.

Le livre de Daniel / Chris de Stoop

Un agriculteur, l’oncle de l’auteur, meurt dans des circonstances troublantes dans sa ferme.

Ce livre est l’histoire d’un homme, un agriculteur isolé qui a été assassiné dans sa ferme suite à un cambriolage. Un groupe de jeunes venu pour récupérer l’argent liquide du vieil homme laisse le vieil homme pour mort. L’auteur Chris de Stoop, le neveu de Daniel, s’est penché sur cette affaire pour comprendre comment ces jeunes en étaient arrivés là et dans quelles circonstances son oncle est mort. Dans ce récit enquête, l’auteur revient dans la région près de Roubaix et découvre la vie de son oncle qui peu de temps avant sa mort ne voyait déjà plus grand monde. Chris de Stoop décide de se porter partie civile au procès des jeunes. Toute une partie du livre est dédiée à ce procès. « Le livre de Daniel » est un livre âpre, dans lequel on découvre ce que c’est que la vie d’agriculteur et les dettes qui se multiplient ces dernières années dans le monde agricole. Ce livre est aussi la peinture d’une jeunesse désœuvrée qui comme le vieil homme solitaire, est stigmatisée mais pour d’autres raisons. Le récit est précis, l’auteur ne cherche pas à prendre parti, mais souhaite avant tout comprendre, mettre des mots sur les réactions de chacun, les chaines de conséquences. « Le livre de Stoop » est le récit fouillé d’un fait divers, mais aussi le reflet d’une époque.

Le livre de Daniel, ed. Globe, 22 euros, 288 pages.

Champion / Maria Pourchet

Un adolescent en marge livre ses pensées et son parcours.

Début des années 90, un jeune adolescent se retrouve dans un centre de repos et se met à écrire son parcours dans des cahiers, suite au conseil de sa psychiatre. Fabien est un garçon à la marge qui a déjà pas mal de casseroles derrière lui et que l’on découvre dans ce centre de repos au début du roman. On comprend au fil de ses cahiers et de son témoignage comment il en est arrivé là, avec une langue et un ton bien à lui. Car comme il le dit lui même il est friand des mots. Fabien a aussi un « double » qu’il a parfois du mal à maîtriser. Un double qui prend la forme d’un loup et qui lui dicte à certains moments ce qu’il doit faire. Maria Pourchet écrit un roman sur un jeune personnage en lutte avec ses démons, un adolescent bien plus complexe qu’il en a l’air. Fabien est lucide, insolent et en même temps il a de grandes difficultés à gérer ses relations sociales. Menteur invétéré, il va tenter d’être honnête dans ce passage à l’écrit et dans ses cahiers. En sous texte, on distingue une réflexion qui laisse à penser sur la psychiatrie et les stigmates que les patients charrient avec eux. Dans « Champion » on est pris par les jeux de mots, par la voix du jeune garçon et surtout par le rythme singulier de l’écriture de l’autrice.

Champion, ed. Folio, 8,70 euros, 256 pages.

À la base, c’était lui le gentil / Ramsès Kefi

Un travail journalistique de fond important, à faire lire.

Ramsès Kefi est journaliste et écrit un reportage littéraire poignant avec ce petit bouquin. « À la base, c’était lui le gentil » est un livre prolongé par un entretien pour approfondir avec un chercheur la question de l’urbanisme et de la mobilité, notamment en banlieue. L’auteur a choisi de se pencher sur la question des rixes dans les quartiers en partant de la mort d’un jeune, Aboubakar. Un jeune originaire de Bagnolet tué en 2018 aux Lilas lors d’une rixe. Il est question au fil du texte de l’origine de ces rixes, du lien avec les collèges ou les lycées, de la géographie des quartiers et du cercle vicieux dans lequel de nombreux jeunes se retrouvent. On y croise des éducateurs ou des enseignants et enseignantes lucides. Le format court permet une synthèse du sujet. N’hésitez pas à découvrir cette collection de la revue XXI.

A la base, c’était lui le gentil, ed. XXI, coll. XXI reportage, 9 euros, 96 pages.

L’anguille / Valentine Goby

Un court roman jeunesse touchant sur la différence.

Camille d’un côté et Halis de l’autre. Camille vient d’arriver dans le collège et a la particularité d’être née sans bras. Les gens étaient habitués là où elle vivait, mais dans ce nouveau collège le regard des autres élèves devient difficile à supporter. La jeune fille ne vit pas bien son déménagement. Halis, un petit gars de 13 ans d’origine turque, voit l’arrivée de Camille dans sa classe comme une opportunité pour lui de se mettre en retrait. Il est d’habitude la cible des critiques des autres dans la classe en raison de son surpoids. Valentine Goby écrit avec « L’anguille » un roman sur l’adolescence et notamment les questions autour du harcèlement scolaire. Elle restitue très bien l’âpreté des relations entre les collégiens, qui ne se laissent rien passer entre eux. On suit ces deux personnages attachants qui vont être capables de se réinventer pour passer outre les moqueries. Un court roman accessible qui touche, et toujours avec la plume remarquable de l’autrice.

L’anguille, ed. Thierry Magnier, 11,50 euros, 143 pages.

Les mots nus / Rouda

Voir grandir un gamin des quartiers dans les années 90 puis 2000.

Ben est un collégien lambda de banlieue qui traîne son ennui et ses potes dans un quotidien plutôt morose. Le lecteur le voit grandir dans les années 90 et assister à des évènements marquants de cette décennie puis de la suivante. De La Brousse son quartier d’où il vient jusqu’à Belleville, Ben grandit et apprend de la vie, des bons moments comme des désillusions. Le personnage de Rouda devient attachant au fil des pages et ce bouquin est une très bonne surprise au final. J’ai été embarqué par l’écriture de l’auteur qui sonne juste. Il parsème son texte de quelques belles images. On a envie de suivre cet ado qui lutte avec ses sentiments ou avec le monde qui l’entoure jusqu’aux premières émeutes de 2005 et celles qui vont suivre. Un roman plein d’humanité à découvrir sans hésiter.

Les mots nus, ed. Liana Levi, 17 euros, 160 pages.

Moscow / Edyr Augusto

Un court roman noir tendu et violent. Une claque.

Moscow est le surnom de l’île de Mosqueiro, une île dans l’état brésilien du Para. Une île qui voit sa population tripler grâce au tourisme et à une jeunesse qui vient de Belém pour faire la fête. Un groupe de jeune qui vit la majorité du temps la nuit en profite pour faire les 400 coups sur l’île, terroriser les touristes ou se servir là où ils trouvent de l’argent. Tinho Santos fait partie de cette bande et c’est loin d’être le moins agressif du lot. Tinho avec un détachement bien à lui profite avec ses potes de sa jeunesse. Et ce personnage cache en plus en lui des démons qu’il a parfois bien du mal à maîtriser. Ajoutez à cela le talent et la plume d’Edyr Augusto qui mélange la narration et les dialogues sans un temps mort, et on a un petit bouquin redoutable. Un excellent roman noir. À noter le très bon travail de Diniz Galhos à la traduction.

Moscow, ed. Asphalte, 12 euros, 144 pages.

Charbon / Sébastien Aja

Deux adolescents tentent de survivre au milieu des trafics de drogue.

Deux jeunes adolescents des quartiers nords marseillais réalisent un braquage dès le début de ce roman. Abou et Zine ont 16 ans. Ils sont plein d’énergie et ont surtout plein d’idées derrière la tête. Les petits vols leur apparaissent insuffisants et ils commencent à côtoyer les différents chefs des cités pour gagner plus et s’associer. Tout va alors beaucoup plus vite et les règlements de compte vont se multiplier. Abou et Zine ne sont pas encore dépassés par les événements mais ça ne devrait tarder, et on sent qu’ils ne réalisent pas dans quels engrenages ils mettent les pieds. Sébastien Aja sait de quoi il parle et on sent que son roman noir est réaliste, qu’il part de faits réels ou que son expérience personnelle transparaît. Malheureusement les descriptions un petit trop cliniques des scènes d’action et le rythme qui parfois s’essouffle rend le récit moins prenant. Plus compliqué de développer de l’empathie pour les personnages dans ce cadre là et d’entrer dans le roman. Dommage.

Charbon, ed. Gaussen, 15 euros, 208 pages.

Norlande / Jérôme Leroy

Une jeune femme hospitalisée raconte l’horreur et ce qu’elle a traversé.

Une jeune femme est en convalescence et on ne comprend pas bien pourquoi au début de ce court roman. C’est au fil de l’histoire qu’elle raconte que l’on découvre que le roman de Jérôme Leroy est inspiré d’un évènement, la tuerie en Norvège en 2011 sur l’île d’Utoya. La jeune femme est en réalité une rescapée du massacre et même si le personnage et le monde imaginaire de l’auteur n’ont pas existé, l’histoire est en grande partie inspirée de cet évènement. On découvre une jeune femme qui cherche à comprendre, qui tente de guérir, de continuer à vivre en ayant côtoyé une telle violence. Elle retrace son parcours et les souvenirs vont petit à petit la mener jusqu’à la tuerie. Elle déroule le fil comme pour revoir les choses au ralenti et essayer de donner du sens à ce qu’elle a vécu, donner du sens à ce traumatisme qu’elle ne fait qu’appréhender au début du roman. Elle comprend le rôle de sa mère, l’impact de la politique sur le pays. « Norlande » est un roman jeunesse qui marque et qui confirme tout le talent de Jérôme Leroy.

Norlande, ed. Syros, 14,50 euros, 160 pages.

Vierge / Constance Rutherford

Un premier roman malin qui questionne avec justesse les normes autour du désir et du corps.

Maxine a vingt-cinq et se pose pas mal de questions. Le reste du temps, elle est surveillante dans un collège et observe les jeunes se chercher entre eux. Son entourage et ses potes ont des relations, font l’amour et elle de son côté est encore loin de se projeter dans tout ça. Elle vit chez sa grand-mère avec qui elle s’entend à merveille et qui va lui offrir un stage de théâtre. C’est dans ce stage que Maxine va être confrontée à ses angoisses et à ses obsessions. Constance Rutherford écrit un premier roman plein d’humour, avec un regard aiguisé sur toute une génération. On assiste à quelques scènes bien pensées, à tout un questionnement sur le corps et sur le désir. Merci à Babelio pour la découverte de ce titre original qui sort le 23 août chez Harper Collins et qui ne se résume pas au simple roman d’apprentissage.

Vierge, ed. Harper Collins, 19,90 euros, 208 pages.

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