Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri / Valerio Varesi

Onzième enquête du commissaire Soneri, toujours un régal.

Ils ne sont pas si nombreux les personnages que l’on a hâte de retrouver. Des personnages avec lesquels on est quasi sûr de retrouver une atmosphère singulière, un truc difficile à cerner, mais reconnaissable dès les premières pages. On récupère le bouquin et neuf fois sur dix on sait que l’on va se régaler. Le commissaire Soneri de Valerio Varesi en fait partie et on peut remercier les éditions Agullo pour la découverte. Dans « Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri », déjà onzièmes enquêtes du commissaire, un jeune homme est retrouvé pendu dans un vieux hôtel, puis peu de temps après un autre homme, Boselli, ancien leadeur charismatique du mouvement du soixante huit parmesan, subit une attaque au couteau devant chez lui qui va lui couter la vie. Le commissaire commence ses recherches et une partie de son propre passé commence à remonter à la surface. Les convictions politiques ressurgissent, tout comme les contradictions de chacun et chacune. L’intrigue entraine le lecteur d’une fausse piste à une autre avec juste ce qu’il faut de descriptions pour immerger le lecteur dans Parme et ses environs. On entre dans la psyché torturée, mais lucide de Soneri. Une nouvelle master class de Valerio Varesi qui mène toujours aussi bien sa barque dans le roman noir italien.

Clouer l’Ouest / Séverine Chevalier

Un très beau roman, sombre et à la poésie unique. Foncez découvrir l’écriture de Séverine Chevalier.

Karl est de retour. Après 20 ans et accompagné par sa fille, il revient sur ses terres, le plateau de Millevaches. C’est dans ce cadre enneigé que le fragile équilibre de la ferme familiale vacille suite à son retour. C’est toute une petite communauté reculée qui voit le retour de cet homme d’un oeil méfiant. Les non-dits ressurgissent tout comme les souvenirs. Karl est taciturne et les raisons de son retour restent floues. Ce qui est certain c’est que les tensions (re)naissent et que le roman noir peut se déployer à partir de là, sous la très belle plume de Séverine Chevalier. Une écriture toujours au plus près des sensations de ses personnages. Parfois des phrases courtes. Parfois un mot. Rien n’est laissé au hasard dans ce roman, du rythme à l’atmosphère. Un sacré bouquin dans lequel on retrouve toute la singularité de l’autrice.

Clouer l’Ouest, ed. La manufacture de livres, 15,90 euros, 180 pages.

Tempo / Martin Dumont

Les souvenirs d’un trentenaire parisien, ancien musicien d’un groupe de rock et jeune papa.

Félix est guitariste, il vit avec Anna et son fils à Paris. Nous sommes à la fin des annés 80. Il tente de gagner suffisamment sa vie en se produisant dans les bars mais cette vie lui laisse un goût amer lorsqu’il repense à sa jeunesse et au succès de son groupe. Il ne gagne pas assez et les tensions s’installent dans son couple. La narration alterne entre les souvenirs du musicien avec son groupe et la vie présente avec sa compagne et son bébé. Derrière le guitariste c’est toute une galerie de personnages réussis qui défile. De Kacem le tenancier du bar en bas de chez lui à Marc le manager jamais très clair dans ses attentes, en passant par les membres du groupe décrit dans ses souvenirs, chacun et chacune gagne en épaisseur au fil du livre. On s’attache à ces morceaux de vie et à la plume pleine de sincérité de Martin Dumont. On retrouve des envies de vivre à fond malgré les difficultés financières. On retrouve aussi de la justesse, dans les sentiments contradictoires d’un père. Félix a toujours voulu vivre de la musique et il est dans une période dans laquelle la nostalgie ne va pas lui faciliter la vie. « Tempo » est à la fois un livre sur l’amitié, sur les choix qui font une vie et sur la musique. Une très belle découverte.

Extrait : « – Tu comprends, Félix ? La vie, sans les moments difficiles, ça n’existe pas, hein ? Je veux dire, ce sont eux qui donnent du sens à tout. Qui nous inspirent, qui mettent en valeur le reste. Le plaisir, les frissons, le bonheur. Tout ce que l’on poursuit sans cesse. Et ce que l’on a vécu avant bien sûr ! Il faut ça pour se rendre compte à quel point c’était fort. À quel point c’était grand. Tu ne crois pas ? »

Tempo, ed. Les Avrils, 20 euros, 224 pages.

Grand seigneur / Nina Bouraoui

Un livre émouvant sur la relation entre l’autrice et son père.

Nina Bouraoui écrit dans « Grand Seigneur » avec beaucoup de justesse sur la relation avec son père, une figure paternelle qui a eu beaucoup d’importance dans sa vie. Une influence parfois ambivalente, complexe, mais une influence certaine en participant par exemple au lien avec l’Algérie de son enfance. Le livre débute sur une période de sa vie dans laquelle la mort de son père approche. Une période qu’elle a traversée et qui a vu son père hospitalisé en soins palliatifs à Paris, dans la maison médicale Jeanne Garnier du 15e arrondissement de Paris. L’autrice décode au fil de l’hospitalisation comment les souvenirs reviennent durant ces dix jours. C’est aussi un livre qui saisit comme rarement l’atmosphère d’un service en soins palliatifs, qui pose des mots sur les souffrances, les relations, les soins qui traversent une telle unité. Elle croise des soignants, des patients, cherche à comprendre ce qui se joue dans ce lieu si proche de la mort et en même temps singulier sur de nombreux points. « Grand Seigneur » est un récit chargé en émotion, sans détour, qui renvoie à plusieurs reprises à notre rapport à la mort. Un très beau texte.

Grand seigneur, ed. JC Lattès, 20,90 euros, 250 pages.

La Foudre / Pierric Bailly

Un meurtre fait ressurgir les souvenirs d’un berger dans le Haut-Jura.

Julien voit ressurgir le fantôme d’Alexandre un ancien copain d’internat, lorsqu’il réalise que ce dernier est à l’origine d’un meurtre. Il a du mal à y croire au début et finalement il se rend compte que c’est bien son ancien pote devenu vétérinaire et fervent défenseur des animaux qui a tué un jeune homme avec une planche. Julien, qui est berger dans le Haut-Jura, commence alors à cogiter et finit par joindre Nadia au téléphone la femme d’Alexandre. Sans vraiment savoir pourquoi il s’embarque dans cette histoire et devient le confident de Nadia dans l’épreuve qu’elle traverse avec son enfant. Alexandre se retrouvant de son côté en prison puis étant ensuite jugé dans un tribunal lyonnais. Le livre a eu un fort écho lors de sa sortie et a pas mal clivé. Je trouve que le regard de Pierric Bailly est toujours aussi juste sur les relations humaines, comme dans « Le roman de Jim ». L’histoire n’est pas forcément originale, mais c’est plutôt son traitement qui la rend intéressante. On retrouve le talent de l’auteur pour dépeindre les ambivalences de ses personnages, leurs contradictions, leurs sentiments. Les liens entre les personnages et notamment entre les générations ont toutes leurs importances. La nature a aussi une grande place dans le livre et fait partie intégrante de l’histoire avec de magnifiques paysages de montagne. L’auteur écrit avec « La foudre » un nouveau roman sensible qui croise des thèmes importants pour lui, de la filiation à la culpabilité en passant par le sentiment amoureux. Un bouquin que l’on a du mal à lâcher.

La Foudre, ed. P.O.L, 24 euros, 464 pages.

Stardust / Léonora Miano

L’autrice revient sur son arrivée en France avec sa fille lorsqu’elle avait 23 ans.

Léonora Miano revient dans ce livre sur une période de sa vie lorsqu’elle est arrivée en France avec sa fille. À 23 ans, elle découvre les conditions d’accueil du pays et sans domicile ni titre de séjour elle se retrouve dans un centre d’hébergement d’urgence dans le 19e arrondissement de Paris. Elle revient sur cette période et les stigmates qu’elle a subis dès son arrivée. « Stardust » est le récit d’une mère qui lutte pour sa fille, qui lutte pour survivre au quotidien, notamment face aux hommes. Il est aussi question de l’écriture et de l’importance qu’elle revêt à ce moment-là pour l’autrice. On perçoit déjà l’importance qu’elle va avoir dans sa vie. « Stardust » est un récit d’initiation émouvant et poignant, le parcours d’une femme courageuse.

Stardust, ed. Grasset, 18,50 euros, 220 pages.

Ma tempête / Eric Pessan

Un roman original où une pièce de théâtre s’invite dans la relation entre un père et sa fille.

David est un metteur en scène au bout du rouleau qui voit sa pièce « La tempête » (de Shakespeare) ne pas aboutir. Les relations se tendent dans son couple et il tourne en rond dans son appartement en voyant la précarité le guetter. Jusqu’au moment où la crèche de sa fille ferme à la suite d’un mouvement de grève. Il se retrouve alors seul à la maison avec sa fille et décide de lui interpréter une version de cette pièce de théâtre. Eric Pessan décrit à partir de là une relation touchante entre un père et sa fille. Une fille qui découvre le pouvoir de la fiction, qui n’en saisit pas toutes les nuances mais qui en même temps prend beaucoup de plaisir à suivre l’histoire de son père. David s’apprête alors à passer une drôle de journée dans laquelle les évènements météorologiques vont s’inviter tout comme son frère au fonctionnement opposé à lui. L’auteur s’amuse à dépeindre cette situation, une situation à mi chemin entre le burlesque et le tragique. On est touché par ce père qui au fil de sa journée fait défiler ses souvenirs mais aussi fait défiler les parallèles entre la pièce qu’il souhaitait monter et sa vie. « Ma tempête » est un roman malin et original qui est une très belle découverte. Un bouquin qui ne ressemble à aucun autre et qui aborde avec un angle unique la relation entre un père et sa fille.

Ma tempête, ed. Aux forges de vulcain, 18 euros, 160 pages.

Le récit du combat / Luc Lang

Un livre autobiographique sur une vie intimement liée aux arts martiaux.

Luc Lang s’éloigne de la fiction pour revenir sur son parcours de vie et les épreuves qu’il a pu traverser. A commencer par un souvenir, un souvenir qui débute le livre, une rencontre qui préfigure la suite lorsque son beau père un grand maître de judo lutte avec lui pour rire et qu’il n’est encore qu’un petit garçon. Commence alors à partir de cet évènement un questionnement et une relation complexe aux arts martiaux. Un fil rouge qui va le suivre toute sa vie. Le judo d’abord puis le karaté ensuite. Cette relation complexe se tisse autour d’autres évènements de la vie de l’auteur, que ce soit sa paternité, la relation avec sa mère, son rapport à l’écriture. Luc Lang se dévoile avec une très belle écriture et comme dans « La tentation » on retrouve une langue travaillée qui séduit par les images qu’elle évoque et en même temps qui ne tombe pas dans le pathos. On suit les pensées, les évènements marquants de la vie de l’auteur et de nombreuses réflexions planent au fur et à mesure de la lecture. Notamment les allers et retours avec la notion de combat sous toutes ses formes. A l’arrivée cela donne un livre autobiographique qui revêt une forme unique et qui touche par sa sincérité.

Le récit du combat, ed. Stock, 21,50 euros, 360 pages.

Norlande / Jérôme Leroy

Une jeune femme hospitalisée raconte l’horreur et ce qu’elle a traversé.

Une jeune femme est en convalescence et on ne comprend pas bien pourquoi au début de ce court roman. C’est au fil de l’histoire qu’elle raconte que l’on découvre que le roman de Jérôme Leroy est inspiré d’un évènement, la tuerie en Norvège en 2011 sur l’île d’Utoya. La jeune femme est en réalité une rescapée du massacre et même si le personnage et le monde imaginaire de l’auteur n’ont pas existé, l’histoire est en grande partie inspirée de cet évènement. On découvre une jeune femme qui cherche à comprendre, qui tente de guérir, de continuer à vivre en ayant côtoyé une telle violence. Elle retrace son parcours et les souvenirs vont petit à petit la mener jusqu’à la tuerie. Elle déroule le fil comme pour revoir les choses au ralenti et essayer de donner du sens à ce qu’elle a vécu, donner du sens à ce traumatisme qu’elle ne fait qu’appréhender au début du roman. Elle comprend le rôle de sa mère, l’impact de la politique sur le pays. « Norlande » est un roman jeunesse qui marque et qui confirme tout le talent de Jérôme Leroy.

Norlande, ed. Syros, 14,50 euros, 160 pages.

Les étoiles s’éteignent à l’aube / Richard Wagamese

Un très très beau roman sur le périple d’un fils et de son père en fin de vie.

Frank Starlight est un jeune homme qui a été élevé dans la nature par un ancien qui lui a appris à devenir autonome. Il a peu voire pas du tout connu son père jusqu’au jour où au début du roman il est appelé à son chevet, car ce dernier est mourant. Eldon son père lui demande une dernière faveur. Il souhaite qu’il l’accompagne dans un dernier voyage jusqu’à des montagnes pour y être enterré. Les voilà partis tous les deux dans l’arrière-pays de la Colombie Britannique avec tout ce qu’elle a de sauvage. Frank découvre alors un père affaibli par l’alcool et hanté par de sombres souvenirs. Ce périple sera l’occasion pour Eldon de raconter à son fils des passages importants de sa vie qui l’ont détruit, mais qui l’ont aussi construit. Richard Wagamese a un sens du détail rare, il campe une atmosphère unique tout au long du roman et donne une grande place aux émotions de ses personnages. La souffrance est omniprésente, mais il y a aussi de très beaux passages beaucoup plus lumineux. On a le sentiment qu’aucun mot n’est choisi au hasard et c’est aussi pour cela que j’aime autant cet auteur. On ne tombe pas dans le cliché et le périple tout comme le vécu des personnages sonnent juste. L’origine indienne du père et du fils est aussi un thème à part entière et plus largement un thème que l’on retrouve dans les livres de l’auteur. Un auteur à part pour moi.

Les étoiles s’éteignent à l’aube, ed. 10/18, 8 euros, 312 pages.

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