Sidérations / Richard Powers

Le roman poignant d’un père qui tente de tisser une relation avec son fils, malgré les accès de colère et les difficultés de ce dernier.

Premier livre que je lis de Richard Powers et première claque. « Sidérations » relate le parcours d’un homme, biologiste, qui élève seul son fils de neuf ans. Un garçon attachant et spontané, sans filtre, ce qui l’amène parfois à éprouver des difficultés relationnelles notamment à l’école. Son père l’emmène en séjour dans la nature dès le début du roman pour passer un moment privilégié avec son fils, et pour que ce dernier change d’air. Passionné d’animaux, le jeune Robin déstabilise encore son père, mais se régale durant tout le séjour. À leur retour, un scientifique approche son père pour lui proposer d’inscrire son fils dans un programme neuroscientifique expérimental et qui serait susceptible de l’aider à gérer ses émotions. Les effets ne se font pas attendre longtemps pour Robin, mais à quel prix ? Est-ce que sa mère, décédée dans des circonstances tragiques serait d’accord avec ce programme scientifique ? L’auteur écrit un roman poignant et qui marque le lecteur. Il décrit cette relation père-fils avec une acuité rare. Tout comme la personnalité de Robin en décalage régulièrement avec la société qui l’entoure, notamment lors de ses crises de colère. L’Amérique qui se désagrège dans son climat et dans sa politique percute le destin de ces deux personnages, dans un roman unique, à la charge émotionnelle rare.

Sidérations, ed. 10/18, 8,90 euros, 408 pages.

Au printemps / Karl Ove Knausgaard

Un récit autobiographique touchant sur la paternité.

Je découvre le cycle autobiographique de l’auteur avec « Au printemps ». Un cycle appelé « Le quatuor des saisons » et dédié à sa fille, son quatrième enfant. Un nouveau-né de trois mois à qui il s’adresse tout au long du livre, tout au long d’un trajet avec elle dans la campagne suédoise. Avec un ton plein de sincérité, Karl Ove Knausgaard relate à sa petite fille une journée de sa vie et notamment un drame qui va directement impacter son quotidien. C’est aussi l’occasion pour lui de se confier sur comment il a traversé cette épreuve, ou comment il vit sa paternité et les relations au sein de sa famille nombreuse. Au final cela donne un texte touchant et qui ne ressemble à aucun autre. On se laisse porter par ce bouquin. J’ai apprécié y revenir et retrouver sur de petites plages de lecture la plume de l’auteur.

Au printemps, ed. Folio, 8,90 euros, 256 pages.

Les Affreux / Jedidiah Ayres

Un roman noir brutal et déjanté dans le Missouri.

Direction une petite ville du Missouri pour suivre les aventures de personnages plus véreux les uns que les autres. Du shérif corrompu au trafiquant de drogue en passant par un télévangéliste borderline ou encore deux loosers qui tentent d’arrondir leurs fins de mois avec de petits larcins. Le tableau est complet pour que tout dégénère bien comme il faut, et ça ne va pas louper. Jedidiah Ayres écrit un pur roman noir, bien sombre et bien déjanté. C’est assumé du début à la fin, dans l’excès et il faut reconnaitre que l’auteur sait mener sa barque. Le tout est rythmé et on est curieux de voir où vont les personnages. Droit dans le mur à n’en pas douter. On pense à du Harry Crews mais avec les curseurs du grotesque et de l’humour noir poussés au max.

Les Affreux, ed. Les Arènes, coll. Equinox, 20 euros, 352 pages.

Ordalie / Morgan of Glencoe

La suite des aventures du Yuri qui a bien évolué dans ce troisième tome.

Je continue la série de « La Dernière Geste » avec « Ordalie », le troisième tome des aventures de la jeune Yuri. Au début de ce troisième tome elle vit en Keltia depuis plusieurs mois, elle a muri et Louis-Philippe de son côté règne sur le royaume de France. Les deux pays ne s’entendent toujours pas et les choses vont déraper dans ce troisième roman. Une guerre mondiale couve mais des solutions existent. Yuri va devoir revenir dans le Royaume de France en tant qu’ambassadrice de Keltia pour apaiser les tensions mais elle ne sera pas la seule à agir dans ce sens. On retrouve avec beaucoup de plaisir les personnages de Morgan of Glencoe. Du jeune Pyro à Yuri en passant par le roi Louis-Philippe ou la capitaine Trente-Chênes. Les parallèles malins avec la société contemporaine et le monde imaginaire de l’autrice sont toujours aussi savoureux. C’est par exemple une altercation raciste envers les fées qui est en grande partie à l’origine des tensions entre les deux royaumes. Morgan of Glencoe rend ses personnages complexes, attachants et ils évoluent d’un bouquin à l’autre. On est embarqués dans les aventures et les passages touchants alternent avec les passages plus dramatiques. L’humour n’est pas en reste, comme dans les deux premiers romans. Je vous invite à découvrir cette très belle série de Fantasy où la diplomatie tient une place centrale dans les intrigues, que ce soit à petite échelle ou à grande échelle, les enjeux s’imbriquent très bien dans le Paris du XVIIIe siècle. C’est une pentalogie qui est annoncée et on ne peut que se réjouir de retrouver bientôt la suite (suite que l’on entraperçoit d’ailleurs à la fin du roman). On aime aussi retrouver l’art du dialogue de la romancière qui ne laisse rien au hasard, comme lorsqu’il est question du statut des personnages féminins par exemple. Du très bel ouvrage du début à la fin.

Ordalie, ed. ActuSF, 17,90 euros, 485 pages.

Arène / Négar Djavadi

Radiographie d’une ville qui sombre dans la violence sous toutes ses formes.

Direction Belleville dans ce roman de Négar Djavadi. Un quartier populaire de Paris à l’intersection de plusieurs arrondissements. La romancière tisse au fur et à mesure des histoires parallèles, jusqu’à un événement qui va faire éclater les trajectoires des personnages. Un jeune d’un quartier est retrouvé mort par une policière non loin d’un canal parisien. Chaque personnage va alors être mêlé de près ou de loin au drame. Un événement qui va littéralement mettre le feu aux poudres à plusieurs niveaux dans Paris. Négar Djavadi aborde dans ce roman sombre et urbain le pouvoir des images, du storytelling, le choc de différents mondes ou encore la ségrégation urbaine. On est happé par cette histoire qui questionnent de nombreuses thématiques. Une histoire plausible qui tend à plusieurs reprises vers le roman noir. « Arène » offre une galerie de personnages marquants qui restent en tête une fois le livre refermé.

Arène, ed. Liana Levi, 12,50 euros, 464 pages.

D’autres vies que la mienne / Emmanuel Carrère

L’auteur écrit sur des drames que des proches à lui ont traversés.

Emmanuel Carrèrent part de son vécu et relate des événements marquants de sa vie. Des événements à travers lesquels il a constaté de la souffrance ou du traumatisme dans son entourage. Avec une langue bien à lui il commence par relater l’après tsunami au Sri Lanka lorsqu’il était sur place avec sa conjointe. L’auteur échappe au tsunami dans son hôtel mais des proches à lui perdent leur fille dans la catastrophe. Il devient le spectateur d’un couple qui tente de traverser la perte d’un enfant. C’est aussi un livre sur la maladie, celle d’une autre proche de l’auteur. Sur la capacité de chacun et chacune à avancer malgré les épreuves.

D’autres vies que la mienne, ed. Folio, 8,70 euros, 334 pages.

Reste / Adeline Dieudonné

Un couple traverse un drame et réagit en conséquence.

Dès le début on entre dans la tête d’une femme qui réalise ce qu’elle traverse. Elle relate à la première personne son histoire, ce qu’elle a vécu. Elle passe un moment avec son conjoint dans un coin reculé à la campagne et sans trop en dire, le personnage va traverser un drame qui va chambouler ce quotidien. Adeline Dieudonné écrit un roman tendu et très bien écrit, qui sort complètement le lecteur de sa zone de confort. Comme souvent ses personnages sont ambiguës et c’est prenant du début à la fin. On suit les pensées de la narratrice en allant de découverte en découverte. Un nouveau roman et une nouvelle réussite pour une romancière qui renouvelle avec beaucoup de talent le paysage littéraire.

Reste, ed. L’iconoclaste, 20 euros, 350 pages.

La femme du deuxième étage / Jurica Pavicic

Un nouveau polar de Jurica Pavicic pour notre plus grand plaisir.

On découvre Bruna au début du roman dans une cuisine puis on se rend compte rapidement que c’est la cuisine d’une prison et qu’elle est détenue dans un centre de détention depuis dix ans à Pozega en Croatie. Le décor est vite posé. Jurica Pavicic va pouvoir remonter le fil des événements tout au long de ce roman noir, un régal du début à la fin. Avec des personnages ambivalents et très bien construits on réalise que tout débute le jour où Bruna rencontre Frane son futur mari et lorsqu’elle s’apprête à emménager dans une grande maison qui appartient à la famille de Frane. La mère de Frane, Anka, vit avec eux dans cette grande maison familiale. A partir de là l’auteur restitue l’atmosphère et l’engrenage dans lequel la jeune femme a mis le pied. J’avais adoré « L’eau rouge », roman noir ambitieux sur une disparition qui avait été une vraie surprise de cet auteur croate. J’ai autant apprécié « La femme du deuxième étage » qui nous révèle à nouveau le sens de l’observation de l’auteur et son talent pour camper ses personnages féminins complexes. C’est prenant et on a qu’une déception c’est de refermer le bouquin. Un excellent polar.

Traduit par olivier Lannuzel.

La femme du deuxième étage, ed. Agullo, 21,50 euros, 223 pages.

On dirait des hommes / Fabrice Tassel

Une juge enquête sur la mort accidentel d’un enfant et découvre qu’il y a rarement des histoires simples.

Thomas est loin de se douter que lorsqu’il sort de chez lui avec son fils Gabi pour aller se balader sur le bord de mer, un drame va se produire. Son fils tombe et est emporté par la mer sans que le père ne puisse rien y faire. Anna et Thomas sont détruits par cet événement et passé l’état de sidération, le couple décide de porter plainte en mettant en cause les infrastructures du bord de mer. La juge d’instruction Dominique Bontet est mise sur l’affaire et elle est connue pour ne rien laisser au hasard dans son travail. La juge, un personnage vraiment réussi je trouve, va chercher à comprendre petit à petit les événements, mais aussi comment fonctionne ce couple et comment il a pu leur arriver une telle tragédie. Fabrice Tassel écrit un roman noir avec des personnages fouillés et ambivalents. La narration fait monter crescendo la tension et à l’arrivée cela donne un récit plein d’humanité mais aussi de parts d’ombre et de mensonges. On y aborde la paternité, la vie de famille et les violences pas toujours visibles du quotidien. Le tout avec beaucoup de justesse.

On dirait des hommes, ed. La manufacture de livres, 19,90 euros, 288 pages.

Les Gentils / Michaël Mention

La lente descente aux enfers d’un père qui perd sa fille.

Franck perd sa fille de 8 ans dans des circonstances tragiques. La suite va être un très long calvaire pour lui, à commencer par sa séparation avec sa femme. Il tente de surnager dans son magasin de disques, mais un an après il n’y parvient toujours pas. Il décide alors de vendre sa boutique à un ami pour se lancer à la recherche de l’homme responsable de la mort de sa fille. Un homme qui n’a toujours pas été retrouvé et qui le hante nuit et jour. Le père de famille se lance dans une quête qui va durer des mois et qui va le faire passer par Toulouse, Marseille ou encore la Guyane. Une quête dans laquelle il tente de chercher des raisons de continuer à vivre et à lutter contre son mal être quotidien. La traque de cet homme avec un mystérieux tatouage devient une véritable obsession. Michaël Mention dans un roman rude et rythmé, décrit la psychologie d’un homme en bout de course. Un homme qui imagine un dialogue à certains moments avec sa fille décédée. Un homme qui tente de se donner un infime espoir à travers la vengeance. « Les Gentils » est un roman noir d’une grande intensité qui laisse peu de répit au lecteur et qui est comme souvent chez l’auteur très bien documenté pour le contexte dans lequel il se déroule. Franck le personnage évolue à la fin des années 70’s. La politique n’est jamais loin tout comme la passion pour la musique de l’auteur. On ressort de cette lecture un peu sonnée avec un sentiment d’avoir été pris dans une tension qui monte crescendo jusqu’à la fin.

Les Gentils, ed. Belfond, 20,50 euros, 352 pages.

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