Retour à l’âge ingrat / Alexis David-Marie

Le récit touchant de l’adolescence compliquée de l’auteur.

Alexis David-Marie est enseignant dans le Val-de-Marne et dans ce récit autobiographique il s’arrête sur son adolescence plutôt sportive. Il choisit de s’adresser à Nunus, l’adolescent qu’il a été. Un petit casse-cou prêt à mettre le boxon pour s’affirmer et se montrer. C’est aussi une adolescence marquée par les moqueries en raison de sa petite taille que l’on découvre. L’auteur dépeint les sentiments qui se bousculent pendant cette période de la vie, des sentiments souvent contradictoires et difficiles à percevoir aux premiers abords. Mais c’est aussi l’âge des premières expériences et des premières conneries et on retrouve tout cela dans le récit de l’auteur. J’ai bien aimé cette façon de prendre du recul sur les comportements qui posent problème aux adultes et qui sont souvent porteurs de sens au-delà de la simple manifestation violente chez les jeunes. J’ai bien aimé aussi cette façon d’adopter un regard qui met en perspective des comportements problématiques à l’époque, dans le rapport aux filles par exemple. « Retour à l’âge ingrat » est un récit autobiographique touchant qui est aussi la photographie d’une époque, celle dans laquelle l’auteur grandit dans les années 90.

Extrait : « Il y a longtemps de cela, quand je dis un soir à Romu que je comptais faire un jour le récit de nos quatre-cents coups, sais-tu ce qu’il me répondit ? Il me dit qu’il n’y aurait rien à raconter car c’est l’histoire de tout le monde. Et il n’avait pas tort.
On apprend à marcher à ses enfants alors que l’on boite soi-même. »

Retour à l’âge ingrat, ed. Aux forges de Vulcain, 21 euros, 304 pages.

Mungo / Douglas Stuart

Un roman marquant sur une relation impossible entre deux adolescents à Glasgow, dans les années 90.

J’ai redécouvert ce livre de Douglas Stuart suite à un retour de lecture sur Instagram et une fois démarré j’ai eu beaucoup de mal à le lâcher. Mungo est un jeune homme qui grandit dans la banlieue de Glasgow avec sa mère alcoolique et rarement là, et sa soeur et son frère. Son grand frère étant une fois sur deux violents avec lui, une brute qui érige des valeurs machistes avant tout le reste. Le personnage vit une adolescence compliquée du haut de ses seize ans, une adolescence marquée par la précarité et par les conflits qui gangrènent la ville. Mungo va tenter de grandir avec en fond ces rivalités entre les protestants et les catholiques. Les altercations entre bandes sont nombreuses et il n’est pas rare que des jeunes perdent la vie dans cette rivalité religieuse. Le jeune homme fait une rencontre qui va chambouler son quotidien et qui va faire naitre de nouveaux sentiments pour lui. « Mungo » est un roman qui touche comme rarement et qui à travers une langue âpre restitue la condition d’un jeune homme en décalage par rapport aux autres jeunes de son âge. Un personnage qui découvre son homosexualité et qui se rend compte rapidement qu’il risque gros à la dévoiler, que ce soit dans son entourage proche ou plus largement dans la banlieue dans laquelle il habite. Mungo finira par être envoyé par sa mère dans un voyage avec deux repentis, deux hommes censés lui apprendre les valeurs qui forgent un soi-disant vrai homme, viril. C’est rare les livres qui m’embarquent comme ça et qui marquent. Plus d’une scène et plus d’un dialogue font cet effet-là dans ce roman terrible de Douglas Stuart. Une histoire qui alterne entre les moments très difficiles et des passages plus lumineux. Difficile d’en dire plus tant on ressort sonnée de cette lecture et en même temps, en ayant le sentiment d’avoir lu un sacré bouquin. À lire, vraiment.

Mungo, ed. Globe, 24 euros, 480 pages.

Bien trop petit / Manu Causse

La découverte de la sexualité à travers le regard d’un lycéen qui tente de composer avec ses complexes.

Manu Causse s’attarde sur un lycéen qui reçoit des brimades de certains élèves de sa classe. Tout commence à la piscine lorsque la taille de son sexe est moquée. Grégoire a du mal avec ces moqueries et il finit par ne plus penser qu’à cela. Puis à ne plus aller en cours du tout. Ses parents commencent à s’inquiéter, mais lui pas tant que ça puisqu’il se réfugie dans l’écriture. L’écriture de petites fictions érotiques un peu à la manière des fanfictions. Il se prend au jeu et rencontre des lecteurs en ligne avec qui il échange, notamment un lecteur mystérieux qui se passionne pour ses textes. Manu Causse écrit un roman malin qui parlera à de nombreux adolescents (et adultes). Il est question de pouvoir de la fiction, du rapport au corps pendant les années lycée ou des imaginaires érotiques qui sont véhiculés ou non à cette période de la vie. « Bien trop petit » est roman plein de justesse qui vaut le détour et qui peut ouvrir des discussions. Ajoutez à cela de petites touches d’humour vous avez un très bon petit bouquin. Définitivement une collection à découvrir.

Bien trop petit, ed. Thierry Magnier, coll. L’Ardeur, 15,90 euros, 400 pages.

Ton absence / Guillaume Nail

La naissance d’un sentiment amoureux au milieu d’un groupe de potes.

Léo s’est formé un groupe de potes lors de son premier stage théorique pour obtenir le BAFA. Il a créé des liens forts et la bande est proche, à tel point qu’ils repartent ensemble pour le second stage, l’approfondissement. Un stage qui fait partie du parcours pour obtenir le BAFA et faire de l’animation. C’est pendant ce stage, le temps d’une semaine, que Léo voit naitre chez lui des sentiments pour Matthieu un autre stagiaire. Des sentiments qu’il refoule, qu’il tente de contrôler et qui en même temps, il le sent bien, le dépassent un peu. Le regard du groupe sur cette relation naissante va beaucoup jouer sur les comportements de Léo mais aussi sur ceux de Matthieu, qui lui de son côté est plutôt solitaire et dénote dans la bande qui réalise le stage. Il y a de tout dans ce court roman touchant de Guillaume Nail. Une forme d’écriture libre sur certaines pages, des passages qui côtoient de la poésie, une grande importance de la nature. On est embarqués par ce que traverse Léopold, ça sonne juste. Ce court roman est rythmé par les différentes activités animées par les jeunes qui passent le stage et qui veulent l’obtenir pour poursuivre vers le diplôme. C’est aussi une façon de voir évoluer un sentiment amoureux entre deux jeunes dans un environnement qui met des barrières à ce sentiment justement. Dans « ton absence », on questionne le désir chez ces jeunes adultes, le rapport aux normes et l’impact que cela peut avoir directement dans leurs vies. Un roman qui prouve encore une fois toute la vitalité de la littérature jeunesse. À découvrir.

Ton absence, ed. Rouergue, 12,80 euros, 160 pages.

Et au pire, on se mariera

Un roman nerveux et singulier, sur une adolescente qui tente de composer avec ses premiers sentiments.

Aïcha du haut de ses treize ans n’a pas un quotidien commun dans les rues de Montréal. Elle ne supporte plus sa mère et a des copines prostituées pour discuter de ses blessures. Dans un long monologue sans filtre, elle se confie à une personne inconnue dès le début du roman. Elle se raconte à la première personne, elle raconte ses sentiments pour un homme qui a le double de son âge. Mais elle raconte aussi son rapport complexe aux hommes qu’elle croise dans sa vie notamment son beau-père. On distingue des sentiments ambivalents qu’elle tente de maitriser, mais qui ont tendance à la submerger. Avec une lucidité désarmante, ce jeune personnage décode les comportements des adultes et dans un exercice loin d’être évident et qui pourrait facilement tomber dans le cliché, Sophie Bienvenu donne une voix réaliste à une adolescente qui se cherche. Ce court roman a une force rare, il fait réfléchir sur les premiers émois adolescents, sur la construction identitaire ou sur la gestion de ses émotions. On est complètement pris par la parole d’Aïcha qui rebondit d’une anecdote à une autre, qui envoie des punchlines. Je découvre l’écriture de Sophie Bienvenu avec ce livre qui sort de l’ordinaire et qui peut faire penser à des livres où la parole d’un ado ou d’un enfant est travaillée. Un peu comme dans « La colère et l’envie » par exemple d’Alice Renard. « Et au pire, on se mariera » donne un texte marquant.

Et au pire, on se mariera, ed. Noir sur Blanc, 13 euros, 128 pages.

Le Chant des innocents / Piergiorgio Pulixi

La première enquête de Strega (alors qu’il a été écarté des forces de police).

Les éditions Gallmeister ont décidé d’éditer le premier roman de Piergiorgio Pulixi après le succès des deux suivants en France. Avec « Le Chant des innocents » on retrouve Vitor Strega, le policier au charisme singulier et redoutable dans ses enquêtes. Sauf que Strega dans cet opus est mis à pied suite à un homicide mystérieux sur un de ses collègues. On découvre le personnage alors qu’il est chez une psychologue, qui doit rendre une expertise psychologique pour qu’il soit réhabilité dans les forces de policier. La réhabilitation s’annonce plus compliquée que prévu et pourtant Strega en a bien besoin, entre la rupture difficile avec son ex-compagne et la relation de dépendance à son travail, le fait de rester sans activité ne lui va pas du tout. Pendant ce temps là, ses collègues continuent de travailler et se mettent à plancher sur des meurtres qui se multiplient. Des crimes violents. De jeunes adolescents tuent des adultes dans des tableaux plus macabres les uns que les autres. Teresa, qui travaille habituellement avec Strega, va avoir besoin de son aide même si ce dernier est suspendu. Ce coup de main même officieux va s’avérer précieux. J’avais beaucoup aimé « L’illusion du mal », le dernier roman en date de l’auteur. Une belle surprise, un pur page-turner que j’ai eu beaucoup de mal à lâcher. Ça m’a fait la même chose dans celui-ci, on retrouve de courts chapitres efficaces et un juste dosage entre l’humour noir, les dialogues et l’intrigue. Foncez découvrir cet auteur si vous ne le connaissez pas encore.

Le Chant des innocents, ed. Gallmeister, 23,80 euros, 336 pages.

Juste avant que / Joanne Richoux

Une collection à découvrir.

De plus en plus, elle adore retrouver son meilleur pote dans sa chambre, chez lui. Elle se rend compte qu’elle a une attirance qui grandit pour lui et que ça dépasse les limites de l’amitié. Ça la trouble. Elle a du mal à suivre ce trop-plein qui la submerge. Et lorsque les deux amis se retrouvent de nouveau dans sa chambre à lui, les évènements vont aussi s’accélérer à l’extérieur. Est-ce que ce sont des manifestations qui dégénèrent ? Est-ce que le climat est définitivement en train de partir en live ? Le réseau saute, internet aussi. Les repères volent en éclat. Rien n’est certain, mais ce qui est sûr c’est qu’un sentiment d’urgence s’invite chez les deux adolescents au fil du récit. On apprend à les découvrir dans ce contexte et sous la plume de Joanne Richoux qui sonne juste. Leurs relations, leur façon d’appréhender leur corps, le corps des autres, la famille, le sentiment d’urgence permet de se dévoiler. « Juste avant que » est un roman étonnant et prenant, très bien écrit. Je découvre la collection « L’ardeur » chez Thierry Magnier et je suis très curieux d’en lire un autre.

extrait : « On regarde alentour. Plusieurs bagnoles freinent le trafic, elles sont en diagonale, leurs capots fument. Des pompiers klaxonnent, les dépassent. Y a plus urgent ailleurs ? »

Juste avant que, ed. Thierry Magnier, coll. L’ardeur, 13,90 euros, 119 pages.

Wendigo / Rebecca Lighieri

Des évènements étranges viennent chambouler une famille et leur deux adolescents.

Ivo et sa petite soeur Selma grandissent à Marseille dans une grande maison chez leurs parents, tous les deux universitaires. Selma est très proche de son grand frère, mais ce dernier a besoin de beaucoup d’autonomie. Ivo sort la nuit, parle peu et a peu de relations sociales au collège. Lorsque Selma arrive au collège, elle fonctionne à l’opposé de son frère et a besoin de discuter, de sortir et de profiter de ses amies. Mais depuis peu de temps, le comportement d’Ivo change et Selma ne comprend pas. Ses parents ne captent rien, mais elle est certaine qu’il se passe des choses étranges. Elle va bientôt en être certaine. Rebecca Lighieri avec sa façon unique de conter ses histoires raconte avec beaucoup de justesse l’adolescence d’Ivo et de Selma. Le fantastique n’est jamais loin, l’atmosphère sombre et mystérieuse non plus. Les questions autour de l’environnement et de la protection des animaux constituent un autre fil rouge de ce roman jeunesse réussi et prenant.

Wendigo, ed. L’école des loisirs, 14 euros, 256 pages.

Au nom de Chris / Claudine Desmarteau

Découverte de l’autrice avec ce roman sur le harcèlement dans lequel la tension monte crescendo.

Ce bouquin a récemment reçu le prix Vendredi, qui récompense un ouvrage en littérature jeunesse et qui a déjà vu passer des lauréats à découvrir sans hésiter (notamment Sylvain Pattieu et sa série Hypallage). Avec « Au nom de Chris » de Claudine Desmarteau, on découvre un jeune collégien qui vit avec sa mère. Sa mère qui l’élève en le surprotégeant et en étant sur son dos à chaque instant. Adrien vit très mal cette situation et a le sentiment d’étouffer chez lui. Et au collège ce n’est pas beaucoup mieux puisqu’il se fait harceler et vit un véritable calvaire. Adrien décide alors à plusieurs reprises de se rendre en forêt en vélo près de chez lui. C’est là, pendant une de ces sorties, que le jeune homme rencontre Chris. Un homme avec qui il sympathise et qui commence à lui apprendre des choses sur la vie en forêt. Adrien est subjugué dans un premier temps et cette rencontre est une vraie bulle d’oxygène dans un quotidien qui ressemble à un enfer. La suite est moins reluisante et avec une langue unique et des chapitres courts, Claudine Desmarteau écrit un roman tendu, sur le phénomène de l’emprise.

Au nom de Chris, ed. Gallimard Jeunesse, coll. Scripto, 13,90 euros, 336 pages.

Amour chrome / Sylvain Pattieu

Hypallage – Tome 1

« Amour chrome » inaugure la série Hypallage, une série avec quatre romans en littérature jeunesse édités à l’école des loisirs. Sylvain Pattieu s’attarde dans chaque bouquin sur un des personnages d’une bande de potes. Dans « Amour chrome » il est question de Mohammed-Ali, un 3e avec de bons résultats et qui termine son collège tranquillement. La nuit il a une passion à l’abri des regards et sort de chez lui à l’insu de ses parents pour taguer. Il se passionne pour le graff et éprouve un sentiment de liberté unique lorsqu’il tague. Le reste du temps, il vaque entre ses potes et ses sentiments pour Aimée, une fille de sa classe qui ne vit que pour le football. Sylvain Pattieu écrit un roman sur des jeunes qui se cherchent. Les réactions et les dialogues sonnent juste ce qui loin d’être évident et on voit des amis se questionner sur les relations ou sur le monde qui les entoure. L’auteur n’en rajoute pas et laisse ses personnages vivre leur amitié, rencontrer des galères ou faire leurs expériences. À l’image d’une jolie scène dans laquelle Mohammed-Ali demande à son père de lui apprendre à se raser pour la première fois. Ce dernier se met alors en quatre et rend la chose importante, rendant le passage touchant. « Amour chrome » c’est aussi le roman d’une adolescence qui passe, du passage à l’âge adulte avec une fin inattendue. Sylvain Pattieu écrit un premier tome qui recoupe de nombreuses problématiques adolescentes, un bouquin que l’on a envie de faire lire autour de soi. Hâte de lire la suite.

Amour chrome, ed. l’école des loisirs, 14 euros, 192 pages.

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