La nuit des pères / Gaëlle Josse

Un père qui vit seul dans ses montagnes retrouve sa fille après des années de séparation.

Isabelle est réalisatrice de documentaires, des films sur les fonds marins. Au début du roman, elle se rend non loin de Chambéry dans un paysage montagnard pour y retrouver son père après des années de séparation. Elle est de retour, car son frère Olivier qui habite encore dans la région lui a expliqué que la mémoire de leur père commençait à lui faire défaut. Elle décide de revenir et se doute que tous les souvenirs notamment de son enfance vont remonter à la surface. Et c’est ce qui arrive lorsqu’elle le retrouve. Des souvenirs dans lesquels elle revoit son paternel, un homme taciturne qui parlait peu voire pas du tout et qui vivait en grande partie à travers son métier de guide de montagne. L’autrice décide de s’attarder sur ces retrouvailles et sur ce qu’il va émerger suite à cela. Ce retour dans le village des Alpes là où ils sont nés ne sera pas sans conséquence. On découvre ce qu’ont traversé les personnages, ce qui les ont marqués. On découvre des secrets et des non-dits. Toujours à travers une plume sensible et au plus près des émotions, Gaëlle Josse écrit un nouveau roman marquant. Qui remue. Elle parvient à donner de l’épaisseur à ses personnages, à les rendre ambivalents. Les pages défilent, les images restent. Et encore une fois c’est un régal de lire Gaëlle Josse, son écriture singulière, son sens du détail.

La nuit des pères, ed. Noir sur Blanc, 16 euros, 192 pages.

Dis-moi pour qui j’existe ? / Abdourahman A. Waberi

Comment la maladie change une relation ente un père et sa fille.

J’ai beaucoup apprécié « Pourquoi tu danses quand tu marches » d’Abdourahman A. Waberi et j’avais hâte de retrouver sa plume et cette façon bien à lui de raconter un quotidien. Après avoir abordé son enfance à Djibouti, l’auteur s’attarde ici sur l’impact de la maladie de sa fille dans sa vie de famille. Une maladie qui touche Béa du haut de ses six ans et qui va nécessiter une longue hospitalisation à l’hôpital Robert Debré de Paris. Étant professeur à Washington l’auteur ne va pas pouvoir être au chevet de sa fille et c’est ainsi qu’un dialogue à distance s’instaure entre les deux. L’auteur appelant quotidiennement sa fille. À travers ce dialogue touchant et sensible, Abdourahman A. Waberi prend le temps de décortiquer les émotions qui le traversent. Il réfléchit au sens à donner à cette épreuve, à cette maladie (l’arthrite infantile) qui ressemble cruellement à la sienne lorsqu’il avait 14 ans. Dans ces échanges entre un père et sa fille, on distingue ce que l’évènement fait ressurgir pour tous les deux. Que ce soit le passé avec l’enfance de l’auteur à Djibouti ou le futur lorsque Béa se projette en s’imaginant courir à nouveau. « Dis-moi pour qui j’existe » est aussi un vibrant hommage au soin et aux soignants. Être capable pour certains et certaines de se montrer à l’écoute, de créer une relation de soin qui prend en compte toute la singularité du patient. Un très beau livre à découvrir.

Dis-moi pour qui j’existe ?, ed. JC Lattès, 20,90 euros, 276 pages.

De notre monde emporté / Christian Astolfi

Le roman d’un monde ouvrier, celui d’un chantier naval à la Seyne-sur-Mer.

Narval est ouvrier dans une usine de la Seyne-sur-Mer. Une usine qui répare les bateaux et qui fait vivre toute une région dès les années 70. Ce livre retrace les premiers pas du jeune Narval dans son travail, avant de découvrir les années qui vont suivre et qui vont être traversées par des luttes. Les franches amitiés et la fierté d’appartenir à une industrie crée ce sentiment d’appartenance au groupe, un groupe de potes autour de Narval que l’on suit jusqu’aux années 2000. Ce roman de Christian Astolfi campe des personnages marquants et rend un vibrant hommage au monde ouvrier. Cette histoire c’est aussi celle plus sombre des conditions de travail et plus particulièrement des revendications autour de l’amiante. L’amiante comme un autre fil directeur du roman qui est bien là, en toile de fond, et qui a de plus en plus de place dans l’histoire tout en ayant de plus en plus d’impact sur les corps des anciens ouvriers du chantier avec les années. On découvre au fil du bouquin la relation de Narval avec son père, un ancien ouvrier lui aussi. L’admiration du personnage pour son paternel est d’ailleurs palpable. Dans la région, l’usine rayonne au début du roman puis petit à petit la concurrence amène les licenciements et les temps deviennent difficiles. « De notre monde emporté » fait penser à « A la ligne » de Jospeh Ponthus dans son atmosphère, dans ce qu’il dégage. Un roman qui questionne le sens du travail ouvrier, les désillusions, à travers une écriture qui touche. Un vrai coup de coeur que j’avais hâte de découvrir et qui remue.

De notre emporté, ed. Le bruit du monde, 19 euros, 192 pages.

La plus secrète mémoire des hommes / Mohamed Mbougar Sarr

2018, un écrivain en herbe met la main sur un manuscrit oublié à Paris et se met en tête de retrouver son auteur.

Un mystérieux manuscrit et son auteur que personne n’a vu depuis bien longtemps sont au centre de ce singulier roman. Un roman qui aborde à la fois une réflexion sur l’écriture et la littérature tout en permettant au lecteur de suivre la quête de Diégane Latyr Faye un écrivain en herbe. La quête d’un mystérieux auteur qui va le faire voyager d’Amsterdam au Sénégal en passant par Buenos Aires. J’ai trouvé très intéressants les passages où Diegane et les personnages qu’il rencontre dans sa quête les amènent à digresser avec un regard aiguisé sur le monde. Les saillis sur l’écriture notamment sont à méditer. Ces regards portent sur les relations humaines (la relation parents/enfant au fil du temps, l’amour dans un couple, l’amitié, le poids des traditions) mais aussi sur l’importance de la littérature dans une vie, qui peut parfois sembler bien futile. J’ai pourtant rencontré quelques difficultés à entrer dans ce roman de Mohamed Mbougar Sarr, qui part à certains moments dans tous les sens. J’avais peut peut être trop d’attente mais je n’ai finalement pas été plus emporté que cela. Pas évident de savoir exactement pourquoi.

La plus secrète mémoire des hommes, ed. Philippe Rey, 22 euros, 448 pages.

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