Monstres en cavale / Cloé Mehdi

Damien est incarcéré à l’âge 13 ans et il attendra ses 19 ans pour avoir une chance de s’évader.

Damien est en prison depuis ses 13 ans pour de sombres raisons que je vous laisse découvrir. Au début de ce roman noir, il est transféré de sa prison à un zoo dans lequel les plus grands criminels sont rassemblés dans des enclos. Des criminels dont il fait partie et qui sont exposés comme des animaux aux visiteurs toujours plus nombreux. C’est dans cet endroit morbide que les choses vont s’accélérer pour Damien puisqu’il réussit à s’échapper tout en rencontrant Cab, une jeune fille issue du grand banditisme qui va lui ouvrir les portes d’un monde souterrain qu’il méconnait. Le futur ne s’annonce pas plus reposant pour le jeune homme fragile et abimé par les années de prison.

On retrouve dans « Monstres en cavale » les thèmes chers à l’autrice qui était déjà présents dans « Rien ne se perd », un roman noir édité chez Jigal en 2016 (une claque à lire d’urgence). Cloé Mehdi aborde dans ce premier roman les violences envers les enfants sous plusieurs formes (violences physiques, abandon) tout en questionnant la prison et la prise en charge de la maladie mentale dans la société. Ici on se situe à la frontière entre le thriller et le roman noir, le récit est mené tambour battant et une fois la fuite de Damien amorcée à travers l’Europe, l’autrice déroule les péripéties sans laisser ses personnages souffler bien longtemps. Ce premier roman écrit très jeune est déjà le reflet d’une autrice talentueuse et cela va se confirmer par la suite, notamment dans « Rien ne se perd » qui est pour moi une référence dans le polar.

Monstres en cavale, ed. du Masque, 7,90 euros, 624 pages.

Pirate n°7 / Élise Arfi

Le récit d’une avocate qui assiste un jeune Somalien jugé en France.

Élise Arfi dresse le portrait d’un système carcéral qui broie et d’une justice française qui dysfonctionne dans Pirate n°7. L’autrice est avocate commise d’office au début de son récit et est désignée pour assister un jeune prisonnier somalien, Fahran, dans une procédure pénale. En 2011, ce jeune a été engagé pour une attaque de piraterie au large de la Somalie, une attaque en direction du bateau de plaisance d’un couple français. L’attaque dégénère. Il est alors arrêté et rapatrié en France. Il va s’ensuivre pour lui un long parcours judiciaire en France où il va rapidement être dépassé. Un parcours dans lequel Élise Arfi ne peut que constater la chute de Fahran, d’une cellule de prison à l’hôpital psychiatrique, il subit et l’administration française ne lui facilite rien (doux euphémisme). C’est un court récit qui touche et qui sonne, écrit dans une forme d’urgence pour dénoncer la situation que l’avocate rencontre. C’est un récit dans lequel on discerne les sentiments de l’autrice, aussi bien la révolte de voir Fahran se faire traiter de la sorte que la résignation. Élise Arfi oscille entre les deux et se livre avec beaucoup de sincérité. Ça fait un petit moment que je n’ai pas été touché comme ça par un livre, une claque.

J’ai achevé ma plaidoirie la gorge sèche, nouée. J’étais finalement parvenue au bout de moi-même, de mes nerfs, de ma révolte, de ce parcours qui mène un individu de son interpellation à son jugement. M’entendant raconter pour la première fois l’histoire de Fahran devant la cour d’assises, j’ai moi-même été sidérée par l’horreur de mon récit […]

Pirate n°7, ed. Anne Carrière, 18 euros, 250 pages.

Les enfants de la Clarée / Raphaël Krafft

Un récit emplie d’humanité sur la situation migratoire des mineurs dans les Alpes.

Raphaël Krafft est grand reporter et se rend à la frontière franco-italienne dans les Alpes pour un reportage. Il part en maraude avec un habitant d’un petit village appelé Névache à la rencontre de migrants dans la montagne. Ils rencontrent alors quatre mineurs dont trois Guinéens et leur apportent de l’aide avant de se faire arrêter par la police. C’est à partir de là qu’il commence à questionner le parcours de ces jeunes migrants qui passent par le col de l’Échelle non loin de là. En parallèle aux rencontres et aux découvertes dans la région du col de l’Échelle, il décide de se rendre en Guinée pour rapporter des informations aux élèves de l’école communale du petit village de Névache. Il y découvre un pays où des années de dictature ont laissé des traces et où les flux migratoires sont bien plus complexes qu’il n’y parait, notamment au sein même du continent. Ce livre est écrit avec beaucoup de précision et d’objectivité sur la situation migratoire. C’est un récit qui touche le lecteur et le documentariste ne cache pas ses procédés et ses réactions face à ce qu’il découvre. Notamment la complicité de l’État et que cela arrange les institutions que les habitants viennent porter secours aux migrants dans les montagnes. L’État préserve son image en mobilisant les forces de l’ordre à la frontière tout en évitant trop de décès en laissant agir les habitants comme ils peuvent. On constate ce double jeu notamment dans le passage du livre des deux dernières photos. Un récit important.

Les enfants de la Clarée, ed. Marchialy, 19 euros, 250 pages.

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