Fille de / Christian Roux

L’histoire d’un trio de braqueurs sur le retour et qui ne ressemble à aucun autre.

Sam bosse dans son garage vers Cassis et du haut de ses 26 ans, elle mène très bien son affaire avec son associé Karim. Franck une ancienne connaissance débarque à son garage et s’apprête à faire remonter avec lui tout un tas de souvenirs. Des souvenirs dans lesquels Franck, Sam et son père Antoine étaient trois redoutables braqueurs. Un passé que Sam préfère oublier, mais dans lequel elle va être contrainte de remettre les pieds. Franck est très clair, il souhaite que Sam se rapproche de son père qui est dans une institution de soins. Antoine a des troubles de la mémoire suite un souci de santé. Il veut que Sam tire les verres du nez de l’ancien braqueur, car son père est le seul à avoir en tête la planque d’un butin, celui du dernier braquage qui a mal tourné. Sam n’a donc pas le choix et elle s’apprête à brasser tout un tas d’histoires, à commencer par celle de sa jeunesse, déjà en marge lorsque ses parents l’emmenaient partout pour leurs différents coups. D’une ville à une autre, la jeune Sam était déjà débrouillarde comme jamais. J’avais bien aimé « L’homme à la bombe » et « Que la guerre est jolie » de l’auteur, je retrouve l’empathie et toute la tendresse que Christian Roux a pour ses personnages dans « Fille de ». La musique n’est jamais loin dans les bouquins de l’auteur et ici on ne déroge pas à la règle, avec Tom Waits en bande sonore. J’aime beaucoup ces auteurs qui prennent le temps de camper des atmosphères, de saisir des instants de vie, que ce soit raconté au présent ou dans un flashback dans l’intrigue. Christian Roux le fait très bien et il campe un personnage féminin marquant et touchant. Du pur roman noir à savourer sans modération.

Fille de, ed. Rivages, coll. Rivages noir, 20 euros, 152 pages.

Une sale affaire / Virginie Linhart

Retour sur le procès que l’autrice a traversé avec son précédent livre.

Derrière « L’effet maternel », l’autrice a vécu un procès intenté par sa mère et son ex-compagnon, qui ont refusé tous les deux que des parties de son livre apparaissent. Les deux ont estimé que Virginie Linhart dévoilait leurs vies à leur insu. Ce livre relate l’affaire derrière la sortie du livre et l’impact dans la vie de l’autrice. Virginie Linhart se pose la question du sens d’écrire lorsque par la force des choses elle replonge dans son ouvrage, alors qu’elle s’apprêtait en théorie à participer à des rencontres pour la sortie de « L’effet maternel ». Elle revient sur la vie de sa famille, sur la relation forte avec sa fille qui va l’aider à traverser cette épreuve.

Une sale affaire, ed. Flammarion, 21 euros, 192 pages.

Une maman parfaite / Marie-Fleur Albecker

Une trentenaire et son rapport à la maternité, avec toutes les injonctions sous-jacentes.

Du désir d’enfant à l’accouchement en passant par le post-partum, Marie-Fleur Albecker prend le temps de décrire l’expérience d’une trentenaire de l’intérieur. Le regard des autres sur le corps de la femme enceinte, les changements dans la relation intime d’un couple, les injonctions toujours plus nombreuses provenant de la famille, du gynécologue, des amies. Anne est féministe et engagée et conçoit ce projet d’avoir un enfant comme celui d’un couple. Un projet réfléchi et qui renforce tous les acteurs. La réalité va être amère et bien plus complexe. Le sentiment fusionnel espéré (et ressenti par son amie Louise, mère célibataire) est loin de se mettre en place. Anne rame et lutte. La fatigue, le regard des autres toujours, le manque de sommeil, la dépression du post-partum, tout y est. Et pourtant Anne réalise qu’elle fait comme elle peut. Elle compose avec ses jugements, tâtonne, utilise son expérience de professeur des écoles mais surtout culpabilise de moins en moins. Marie-Fleur Albecker écrit sur la grossesse et tout ce qui l’entoure et un peu comme dans « In carna » de Caroline Hinault, ce livre offre un témoignage sensible et à partager sur un sujet qui charrie de nombreuses idées reçues.

extrait : « Les femmes sont quand même les seules à qui on arrive à faire croire que souffrir est un pouvoir.
Non, souffrir c’est souffrir : si les mecs accouchaient, on serait sur des césariennes programmées avec assistance post-partum depuis la fin du XIXe siècle, croyez-moi. »

A paraître le 26 janvier.

Une maman parfaite, ed. Aux forges de vulcain, 20 euros, 272 pages.

Stardust / Léonora Miano

L’autrice revient sur son arrivée en France avec sa fille lorsqu’elle avait 23 ans.

Léonora Miano revient dans ce livre sur une période de sa vie lorsqu’elle est arrivée en France avec sa fille. À 23 ans, elle découvre les conditions d’accueil du pays et sans domicile ni titre de séjour elle se retrouve dans un centre d’hébergement d’urgence dans le 19e arrondissement de Paris. Elle revient sur cette période et les stigmates qu’elle a subis dès son arrivée. « Stardust » est le récit d’une mère qui lutte pour sa fille, qui lutte pour survivre au quotidien, notamment face aux hommes. Il est aussi question de l’écriture et de l’importance qu’elle revêt à ce moment-là pour l’autrice. On perçoit déjà l’importance qu’elle va avoir dans sa vie. « Stardust » est un récit d’initiation émouvant et poignant, le parcours d’une femme courageuse.

Stardust, ed. Grasset, 18,50 euros, 220 pages.

Ma tempête / Eric Pessan

Un roman original où une pièce de théâtre s’invite dans la relation entre un père et sa fille.

David est un metteur en scène au bout du rouleau qui voit sa pièce « La tempête » (de Shakespeare) ne pas aboutir. Les relations se tendent dans son couple et il tourne en rond dans son appartement en voyant la précarité le guetter. Jusqu’au moment où la crèche de sa fille ferme à la suite d’un mouvement de grève. Il se retrouve alors seul à la maison avec sa fille et décide de lui interpréter une version de cette pièce de théâtre. Eric Pessan décrit à partir de là une relation touchante entre un père et sa fille. Une fille qui découvre le pouvoir de la fiction, qui n’en saisit pas toutes les nuances mais qui en même temps prend beaucoup de plaisir à suivre l’histoire de son père. David s’apprête alors à passer une drôle de journée dans laquelle les évènements météorologiques vont s’inviter tout comme son frère au fonctionnement opposé à lui. L’auteur s’amuse à dépeindre cette situation, une situation à mi chemin entre le burlesque et le tragique. On est touché par ce père qui au fil de sa journée fait défiler ses souvenirs mais aussi fait défiler les parallèles entre la pièce qu’il souhaitait monter et sa vie. « Ma tempête » est un roman malin et original qui est une très belle découverte. Un bouquin qui ne ressemble à aucun autre et qui aborde avec un angle unique la relation entre un père et sa fille.

Ma tempête, ed. Aux forges de vulcain, 18 euros, 160 pages.

La nuit des pères / Gaëlle Josse

Un père qui vit seul dans ses montagnes retrouve sa fille après des années de séparation.

Isabelle est réalisatrice de documentaires, des films sur les fonds marins. Au début du roman, elle se rend non loin de Chambéry dans un paysage montagnard pour y retrouver son père après des années de séparation. Elle est de retour, car son frère Olivier qui habite encore dans la région lui a expliqué que la mémoire de leur père commençait à lui faire défaut. Elle décide de revenir et se doute que tous les souvenirs notamment de son enfance vont remonter à la surface. Et c’est ce qui arrive lorsqu’elle le retrouve. Des souvenirs dans lesquels elle revoit son paternel, un homme taciturne qui parlait peu voire pas du tout et qui vivait en grande partie à travers son métier de guide de montagne. L’autrice décide de s’attarder sur ces retrouvailles et sur ce qu’il va émerger suite à cela. Ce retour dans le village des Alpes là où ils sont nés ne sera pas sans conséquence. On découvre ce qu’ont traversé les personnages, ce qui les ont marqués. On découvre des secrets et des non-dits. Toujours à travers une plume sensible et au plus près des émotions, Gaëlle Josse écrit un nouveau roman marquant. Qui remue. Elle parvient à donner de l’épaisseur à ses personnages, à les rendre ambivalents. Les pages défilent, les images restent. Et encore une fois c’est un régal de lire Gaëlle Josse, son écriture singulière, son sens du détail.

La nuit des pères, ed. Noir sur Blanc, 16 euros, 192 pages.

Les Gentils / Michaël Mention

La lente descente aux enfers d’un père qui perd sa fille.

Franck perd sa fille de 8 ans dans des circonstances tragiques. La suite va être un très long calvaire pour lui, à commencer par sa séparation avec sa femme. Il tente de surnager dans son magasin de disques, mais un an après il n’y parvient toujours pas. Il décide alors de vendre sa boutique à un ami pour se lancer à la recherche de l’homme responsable de la mort de sa fille. Un homme qui n’a toujours pas été retrouvé et qui le hante nuit et jour. Le père de famille se lance dans une quête qui va durer des mois et qui va le faire passer par Toulouse, Marseille ou encore la Guyane. Une quête dans laquelle il tente de chercher des raisons de continuer à vivre et à lutter contre son mal être quotidien. La traque de cet homme avec un mystérieux tatouage devient une véritable obsession. Michaël Mention dans un roman rude et rythmé, décrit la psychologie d’un homme en bout de course. Un homme qui imagine un dialogue à certains moments avec sa fille décédée. Un homme qui tente de se donner un infime espoir à travers la vengeance. « Les Gentils » est un roman noir d’une grande intensité qui laisse peu de répit au lecteur et qui est comme souvent chez l’auteur très bien documenté pour le contexte dans lequel il se déroule. Franck le personnage évolue à la fin des années 70’s. La politique n’est jamais loin tout comme la passion pour la musique de l’auteur. On ressort de cette lecture un peu sonnée avec un sentiment d’avoir été pris dans une tension qui monte crescendo jusqu’à la fin.

Les Gentils, ed. Belfond, 20,50 euros, 352 pages.

Pourquoi tu danses quand tu marches ? / Abdourahman A. Waberi

Le narrateur raconte son enfance à sa fille et l’histoire d’un pays, Djibouti.

Le narrateur de ce livre n’est autre que l’auteur lui même. Il raconte à sa fille Béa lors d’une balade dans Paris son passé à Djibouti et surtout l’origine de sa démarche singulière lorsqu’il marche. Tout part de là lorsque Béa sa fille lui demande pourquoi il boite ou plus précisément pourquoi il danse quand il marche. On découvre une enfance marquée par un accident mais aussi par tout un ensemble de personnages marquants. De la grand-mère à l’institutrice en passant par les petites frappes de l’école qui stigmatisent l’enfant qu’il a été. À travers une plume sensible, Abdourahman A. Waberi décrit une grande partie de sa jeunesse puis sa découverte de l’écriture et de la lecture, des moments importants très bien restitués. On est complètement embarqué par le ton du père qui se livre en toute transparence à sa fille. L’écrivain franco djiboutien écrit un très beau bouquin, une découverte.

Pourquoi tu danses quand tu marches ?, ed. JC Lattès, 19 euros, 250 pages.

Keep hope / Nathalie Bernard et Frédéric Portalet

Une policière spécialisée dans les disparitions d’enfants reprend du service.

Valérie Lavigne ne bosse plus depuis deux ans dans le service des enfants disparus de la police de Montréal. Le lecteur a du mal à comprendre les raisons de son écartement du terrain mais petit à petit les choses s’éclaircissent. Jusqu’au jour où tout se précipite lorsque Valérie croise le regard d’une jeune fille qui lui fait immédiatement penser à un vieux dossier sur lequel elle a travaillé à l’époque. C’est le début d’une quête où l’ancienne policière va être amenée à déterrer de vieux démons. Pendant ce temps là et non loin de là, Hope, une jeune fille indépendante vie avec son père sur les routes. Leur singulier mode de vie ne dérangeait pas la jeune fille mais depuis peu elle commence à se demander pourquoi le binôme qu’elle forme avec son père ne se pose jamais à un endroit pour y vivre. Ces deux personnages vont évoluer en parallèle dans ce roman écrit à quatre mains. Un roman qui tend progressivement vers le thriller et qui est de plus en plus prenant. Une jolie découverte dans cette littérature pour jeune adulte peu valorisée je trouve. « Keep hope » est un court roman très bien mené qui restitue le regard d’une adolescente et ses questionnements notamment sur la filiation. A noter au passage la très belle couverture des éditions Thierry Magnier.

Keep hope, ed. Thierry Magnier, 288 pages, 15,80 euros.

La tentation / Luc Lang

Un surprenant thriller en montagne, à l’atmosphère pesante.

François est chirurgien orthopédique et apprécie de se rendre en Savoie pour chasser dans un relais retranché qui appartient à sa famille. Le roman démarre sur une de ses chasses avec un cerf et sur l’arrivée imprévue de son fils dans le relais. Son fils qu’il a de plus en plus de mal à comprendre, un golden boy new-yorkais qu’il ne voit presque plus. Et sa fille n’est pas en reste non plus, une autre relation qui n’est pas des plus sereine. Il ne parvient pas à la joindre pour prendre de ses nouvelles au début de ce roman tendu et qui progresse vers le thriller au fil des pages. À travers une narration originale et qui met un petit temps à se mettre en place, Luc Lang reprend des scènes déjà évoquées et les répète en les précisant. Ça peut paraitre déroutant au premier abord, mais ça fonctionne. Le personnage principal se remémore une vie passée, sa famille, sa relation amoureuse, au gré des évènements inattendus. Un roman sombre et prenant qui est une belle surprise.

La tentation, ed. Folio, 8,90 euros, 352 pages.

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