Au nom de Chris / Claudine Desmarteau

Découverte de l’autrice avec ce roman sur le harcèlement dans lequel la tension monte crescendo.

Ce bouquin a récemment reçu le prix Vendredi, qui récompense un ouvrage en littérature jeunesse et qui a déjà vu passer des lauréats à découvrir sans hésiter (notamment Sylvain Pattieu et sa série Hypallage). Avec « Au nom de Chris » de Claudine Desmarteau, on découvre un jeune collégien qui vit avec sa mère. Sa mère qui l’élève en le surprotégeant et en étant sur son dos à chaque instant. Adrien vit très mal cette situation et a le sentiment d’étouffer chez lui. Et au collège ce n’est pas beaucoup mieux puisqu’il se fait harceler et vit un véritable calvaire. Adrien décide alors à plusieurs reprises de se rendre en forêt en vélo près de chez lui. C’est là, pendant une de ces sorties, que le jeune homme rencontre Chris. Un homme avec qui il sympathise et qui commence à lui apprendre des choses sur la vie en forêt. Adrien est subjugué dans un premier temps et cette rencontre est une vraie bulle d’oxygène dans un quotidien qui ressemble à un enfer. La suite est moins reluisante et avec une langue unique et des chapitres courts, Claudine Desmarteau écrit un roman tendu, sur le phénomène de l’emprise.

Au nom de Chris, ed. Gallimard Jeunesse, coll. Scripto, 13,90 euros, 336 pages.

Champion / Maria Pourchet

Un adolescent en marge livre ses pensées et son parcours.

Début des années 90, un jeune adolescent se retrouve dans un centre de repos et se met à écrire son parcours dans des cahiers, suite au conseil de sa psychiatre. Fabien est un garçon à la marge qui a déjà pas mal de casseroles derrière lui et que l’on découvre dans ce centre de repos au début du roman. On comprend au fil de ses cahiers et de son témoignage comment il en est arrivé là, avec une langue et un ton bien à lui. Car comme il le dit lui même il est friand des mots. Fabien a aussi un « double » qu’il a parfois du mal à maîtriser. Un double qui prend la forme d’un loup et qui lui dicte à certains moments ce qu’il doit faire. Maria Pourchet écrit un roman sur un jeune personnage en lutte avec ses démons, un adolescent bien plus complexe qu’il en a l’air. Fabien est lucide, insolent et en même temps il a de grandes difficultés à gérer ses relations sociales. Menteur invétéré, il va tenter d’être honnête dans ce passage à l’écrit et dans ses cahiers. En sous texte, on distingue une réflexion qui laisse à penser sur la psychiatrie et les stigmates que les patients charrient avec eux. Dans « Champion » on est pris par les jeux de mots, par la voix du jeune garçon et surtout par le rythme singulier de l’écriture de l’autrice.

Champion, ed. Folio, 8,70 euros, 256 pages.

Reste / Adeline Dieudonné

Un couple traverse un drame et réagit en conséquence.

Dès le début on entre dans la tête d’une femme qui réalise ce qu’elle traverse. Elle relate à la première personne son histoire, ce qu’elle a vécu. Elle passe un moment avec son conjoint dans un coin reculé à la campagne et sans trop en dire, le personnage va traverser un drame qui va chambouler ce quotidien. Adeline Dieudonné écrit un roman tendu et très bien écrit, qui sort complètement le lecteur de sa zone de confort. Comme souvent ses personnages sont ambiguës et c’est prenant du début à la fin. On suit les pensées de la narratrice en allant de découverte en découverte. Un nouveau roman et une nouvelle réussite pour une romancière qui renouvelle avec beaucoup de talent le paysage littéraire.

Reste, ed. L’iconoclaste, 20 euros, 350 pages.

Retour à Killybegs / Sorj Chalandon

Le roman d’une trajectoire de vie, celui d’un traitre au service de l’IRA.

Le journaliste Sorj Chalandon écrit avec « Retour à Killybegs » un roman sur une trahison, celle d’un militant irlandais de l’IRA, Tyrone Meehan. Le nom a été changé, mais les évènements sont inspirés de faits réels. Le livre s’arrête sur la découverte de l’IRA à 18 ans pour Tyrone Meehan et sur l’histoire de son enrôlement tôt. On suit le cheminement dans la tête du personnage, comment il en vient à la lutte armée et dans quel contexte. En parallèle, le récit alterne avec l’écriture des mémoires de ce même Tyrone Meehan lorsqu’il revient à Killybegs des décennies plus tard pour laisser ressurgir ses souvenirs. Il se sent d’ailleurs en danger lorsqu’il revient sur les terres de son passé, car il est maintenant un traitre au service du contrespionnage britannique aux yeux de tous. Sorj Chalandon avec l’acuité qu’on lui connait décrit l’intérieur du conflit nord-irlandais et le contexte avec beaucoup de précision. On est complètement emporté par l’écriture et le ton du livre. Petit à petit on découvre les zones d’ombre pour comprendre comment il devient un traitre. Et petit à petit on se rend compte que ses pairs se méfient de lui à raison. Sorj Chalandon questionne la place de la guerre et de la lute dans une vie avec beaucoup de justesse. Les romans de l’auteur sont marquants et celui-ci ne fait pas exception.

Retour à Killybegs, ed. Le livre de poche, 8,70 euros, 336 pages.

Jusque dans la terre / Sue Rainsford

Un roman surprenant qui promène le lecteur à la lisière de l’imaginaire.

À la frontière entre le fantastique et le réel, voilà où l’on pourrait situer ce roman de Sue Rainsford. Un père et sa fille Ada vivent retranchés et reçoivent régulièrement des habitants du coin pour leur prodiguer des soins. Ils appellent ces habitants les « cures ». Ils basent leur médecine sur une relation privilégiée avec la terre, mais là ce serait dommage d’en dire plus. L’autrice campe toute une atmosphère autour de ce duo aussi mystérieux qu’inquiétant à certains moments. Plusieurs passages dans le livre laissent la parole aux habitants qui donnent leur point de vue sur ces deux personnages. Une lecture originale et surprenante qui mérite vraiment le détour. C’est toute une langue qui se déploie et je vous invite à la découvrir.

Jusque dans la terre, ed. Aux forges de vulcain, 20 euros, 224 pages.

Minuit dans la ville des songes / René Frégni

Un récit autobiographique qui évoque une vie de lecture et en même temps une vie de lutte.

Tout démarre dans sa jeunesse dans le dernier livre de René Frégni, une jeunesse déjà bien mouvementée dans laquelle l’auteur fait les 400 coups. On suit ensuite son parcours accidenté dans la vie, de son opposition au milieu scolaire à la relation délicate qu’il entretient avec l’armée en passant par sa découverte de la littérature dans différents lieux (mais toujours avec une constante admiration). De Giono à Camus en passant par Dostoïevski, l’auteur découvre des auteurs au rythme de ses vagabondages, de ses voyages. L’auteur se livre sans fard. Il dévoile l’impact qu’a pu avoir les livres sur sa vie mais aussi l’importance de l’écriture, qu’on distingue petit à petit. Frégni ne s’est pas rêvé écrivain du jour au lendemain. Il a découvert et appréhender la puissance des mots, de la fiction. Son rapport au réel.

« Minuit dans la ville des songes » est un livre dense qui offre des réflexions sur la vie, sur notre condition. D’une écriture toujours aussi belle et accessible, on y découvre un auteur engagé qui lutte au quotidien face aux absurdités d’un monde qu’il a parfois des difficultés à comprendre. Encore une fois touché par la plume de l’auteur, je me retrouve avec un nouveau coup de coeur.

Minuit dans la ville des songes, ed. Gallimard, 19,50 euros, 256 pages.

Samouraï / Fabrice Caro

Fabcaro dans ses œuvres, toujours aussi décalé et drôle.

Un nouveau Fabcaro c’est souvent une nouvelle réjouissante. Et encore une fois l’auteur vise dans le mille avec « Samouraï » sorti cette année. On retrouve son ton si particulier, ce mélange d’humour noir et de cynisme. Cette fois-ci c’est la vie d’un auteur qui cherche l’inspiration que l’on suit. Une vie dans laquelle il vient de se séparer de sa conjointe tout en perdant un ami proche. Le personnage comme souvent chez l’auteur est complètement à la ramasse et se fait tout un tas de films sur ce qui lui arrive, sur son quotidien (palpitant). Il cherche l’inspiration, mais est-ce qu’il va arriver à ses fins, rien n’est moins sûr. Il y a eu « Broadway » que j’ai trouvé un peu en deçà dans les romans de l’auteur, mais avec cette nouvelle fournée Fabcaro réussit encore son coup. On termine la lecture un sourire en coin.

Samouraï, ed. Gallimard, 18 euros, 224 pages.

Je me suis tue / Mathieu Menegaux

Une femme sort de son mutisme la veille de son jugement et décide d’écrire sur ce qu’elle a traversé.

A la frontière du roman noir et du thriller, ce livre débute avec une femme qui se retrouve en prison. Le lecteur ne sait pas pour quelles raisons. Elle écrit dans sa cellule et remonte le cours des évènements. Une mécanique implacable se met en place pour comprendre ce qui l’a mené là et les pièces du puzzle s’imbriquent progressivement sous les yeux du lecteur. Cette mécanique est prenante et on discerne que l’indicible n’est pas loin. En peu de pages, l’auteur écrit un roman qui happe et qui donne à voir une violence qui touche souvent les mêmes personnes. Une violence qui impose le silence. Je découvre Mathieu Menegaux avec Je me suis tue son premier roman et c’est une histoire qui remue et qui met l’homme face à ses facettes les plus sombres.

Je me suis tue, ed. Points, 6,20 euros, 144 pages.

Le puits / Iván Repila

Un roman inclassable qui mélange beauté et âpreté.

Tout démarre dans un puits dans lequel le lecteur découvre deux frères coincés. Le Grand et le Petit. Alors qu’ils ramènent des provisions à leur mère, ils chutent sans que l’on sache pour quelle raison au début du livre. Les deux frères vont tout tenter pour se sortir de là et un long calvaire débute, dans lequel la faim et la folie se mettent à graviter petit à petit autour des deux personnages. Ce court roman est un huit-clos surprenant, qui fait ressentir aux lecteurs les sensations les plus désagréables comme rarement. Iván Repila avec une concision redoutable fait passer le lecteur par tous les états. En parallèle et sans alourdir le récit, il convoque à travers les pensées du Petit et du Grand de nombreuses images liées à l’enfermement, à ce que peut représenter l’humanité, la survie. Le puits est une expérience de lecture et un livre bien plus dense qu’il n’en a l’air. Impressionnant.

Traduit par Margot Nguyen-Béraud.

extrait : « L’orage éclate à l’instant où la mort se présente au bord du puits. »

Le puits, ed. Points, 6,10 euros, 128 pages.

Ici ça va / Thomas Vinau

Un texte plein de poésie.

Une pause. Une respiration (et une jolie découverte au passage ce roman). Thomas Vinau écrit un petit texte qui permet de déconnecter et de se laisser porter par l’emménagement dans une nouvelle maison de ce couple qui se recentre au contact de la nature. On se délecte des petites scènes du quotidien et des images qui naissent au fil de la lecture.

Ici ça va, ed. Points, 6,10 euros, 144 pages.

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