L’homme aux mille visages / Sonia Kronlund

Une enquête autour d’un imposteur insaisissable.

Un homme se fait passer pour ce qu’il n’est pas auprès des femmes qu’il rencontre. Ces dernières ne s’en rendent pas compte et le mensonge s’enracine jusqu’au jour où elles réalisent qu’elles ont été trompées. À partir de là elle ne le revoit plus, il ne laisse aucune trace. C’est sur cette affaire que Sonia Kronlund a fait des recherches, en allant à la rencontre des femmes victimes de ce mythomane en série. Derrière les apparences se cache un homme capable de tout, aux multiples prénoms et qui en même temps crée une fascination/répulsion pour l’autrice. Il va parfois loin dans la relation avec les femmes qu’il rencontre et joue sur de nombreux tableaux. Sonia Kronlund écrit un récit singulier qui se lit comme une enquête haletante et qui renvoie à de nombreux comportements masculins détestables de nos sociétés. Une enquête qui révèle un imposteur qui se joue de la réalité.

L’homme aux mille visages, ed. Grasset, 19 euros, 180 pages.

Amour fou / Denis Michelis

Du suspense et de l’humour noir dans ce roman choral à la construction diabolique.

Barnabé est un jeune adulte érotomane qui a bien du mal à gérer ses émotions, et qui a déjà fait un séjour en hôpital psychiatrique suite a des débordements passés. Il y a quatre ans, il a été le suspect numéro un d’un premier meurtre, une femme retrouvée morte noyée non loin du belvédère de la ville côtière. Il a finalement été acquitté faute de preuves, et revient chez lui après l’hospitalisation alors qu’un nouveau cadavre est retrouvé, au même endroit. Il n’en faut pas plus pour que la petite bourgade s’agite. « Amour fou » est une « comédie macabre » comme le dit si bien son auteur dans une interview, un roman noir dans lequel on se régale et qui s’inscrit dans la pure tradition des romans à énigme, avec des intrigues complexes et savoureuses. On suit les personnages pour chercher à comprendre qui est le responsable du meurtre. On se doute que les apparences sont trompeuses, mais on apprécie de se laisser porter. C’est toute une petite communauté qui se déploie devant le lecteur, dans cette petite ville touristique de bord de mer. Chaque personnage a son obsession, les points de vue changent, les dialogues fusent. Du policier municipal grand lecteur de polars au jardinier érotomane, du journaliste à la voisine indiscrète, du père psychiatre à la mère envahissante, chacun brouille les pistes à sa manière. Ça m’a donné envie de découvrir les autres romans de l’auteur. J’ai beaucoup aimé le ton et le rythme de ce bouquin.

Amour fou, ed. Noir sur Blanc, 23 euros, 416 pages.

La femme du deuxième étage / Jurica Pavicic

Un nouveau polar de Jurica Pavicic pour notre plus grand plaisir.

On découvre Bruna au début du roman dans une cuisine puis on se rend compte rapidement que c’est la cuisine d’une prison et qu’elle est détenue dans un centre de détention depuis dix ans à Pozega en Croatie. Le décor est vite posé. Jurica Pavicic va pouvoir remonter le fil des événements tout au long de ce roman noir, un régal du début à la fin. Avec des personnages ambivalents et très bien construits on réalise que tout débute le jour où Bruna rencontre Frane son futur mari et lorsqu’elle s’apprête à emménager dans une grande maison qui appartient à la famille de Frane. La mère de Frane, Anka, vit avec eux dans cette grande maison familiale. A partir de là l’auteur restitue l’atmosphère et l’engrenage dans lequel la jeune femme a mis le pied. J’avais adoré « L’eau rouge », roman noir ambitieux sur une disparition qui avait été une vraie surprise de cet auteur croate. J’ai autant apprécié « La femme du deuxième étage » qui nous révèle à nouveau le sens de l’observation de l’auteur et son talent pour camper ses personnages féminins complexes. C’est prenant et on a qu’une déception c’est de refermer le bouquin. Un excellent polar.

Traduit par olivier Lannuzel.

La femme du deuxième étage, ed. Agullo, 21,50 euros, 223 pages.

Rien, plus rien au monde / Massimo Carlotto

Un roman coup de poing sur une famille touchée par la précarité de plein fouet.

La narratrice raconte sa vie de famille prolétaire à Turin, son mari a perdu son job chez Fiat et les fins de mois sont compliquées. Ajoutez à cela des tensions avec sa fille de 20 ans et vous avez le tableau complet. Massimo Carlotto manie l’art du roman noir avec beaucoup de talent et c’est encore le cas dans ce court roman qui dresse le portrait d’une société Italienne peu reluisante. On sent que la mère de famille est prise dans un engrenage et on le comprend au fil des pages. Le racisme, la précarité et le statut des femmes dans une société italienne qui déraille sont abordées. En peu de pages l’auteur dresse un polar réaliste et redoutable.

Rien, plus rien au monde, ed. Métailié, 6 euros, 72 pages.

Jusque dans la terre / Sue Rainsford

Un roman surprenant qui promène le lecteur à la lisière de l’imaginaire.

À la frontière entre le fantastique et le réel, voilà où l’on pourrait situer ce roman de Sue Rainsford. Un père et sa fille Ada vivent retranchés et reçoivent régulièrement des habitants du coin pour leur prodiguer des soins. Ils appellent ces habitants les « cures ». Ils basent leur médecine sur une relation privilégiée avec la terre, mais là ce serait dommage d’en dire plus. L’autrice campe toute une atmosphère autour de ce duo aussi mystérieux qu’inquiétant à certains moments. Plusieurs passages dans le livre laissent la parole aux habitants qui donnent leur point de vue sur ces deux personnages. Une lecture originale et surprenante qui mérite vraiment le détour. C’est toute une langue qui se déploie et je vous invite à la découvrir.

Jusque dans la terre, ed. Aux forges de vulcain, 20 euros, 224 pages.

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