Wendigo / Rebecca Lighieri

Des évènements étranges viennent chambouler une famille et leur deux adolescents.

Ivo et sa petite soeur Selma grandissent à Marseille dans une grande maison chez leurs parents, tous les deux universitaires. Selma est très proche de son grand frère, mais ce dernier a besoin de beaucoup d’autonomie. Ivo sort la nuit, parle peu et a peu de relations sociales au collège. Lorsque Selma arrive au collège, elle fonctionne à l’opposé de son frère et a besoin de discuter, de sortir et de profiter de ses amies. Mais depuis peu de temps, le comportement d’Ivo change et Selma ne comprend pas. Ses parents ne captent rien, mais elle est certaine qu’il se passe des choses étranges. Elle va bientôt en être certaine. Rebecca Lighieri avec sa façon unique de conter ses histoires raconte avec beaucoup de justesse l’adolescence d’Ivo et de Selma. Le fantastique n’est jamais loin, l’atmosphère sombre et mystérieuse non plus. Les questions autour de l’environnement et de la protection des animaux constituent un autre fil rouge de ce roman jeunesse réussi et prenant.

Wendigo, ed. L’école des loisirs, 14 euros, 256 pages.

Au nom de Chris / Claudine Desmarteau

Découverte de l’autrice avec ce roman sur le harcèlement dans lequel la tension monte crescendo.

Ce bouquin a récemment reçu le prix Vendredi, qui récompense un ouvrage en littérature jeunesse et qui a déjà vu passer des lauréats à découvrir sans hésiter (notamment Sylvain Pattieu et sa série Hypallage). Avec « Au nom de Chris » de Claudine Desmarteau, on découvre un jeune collégien qui vit avec sa mère. Sa mère qui l’élève en le surprotégeant et en étant sur son dos à chaque instant. Adrien vit très mal cette situation et a le sentiment d’étouffer chez lui. Et au collège ce n’est pas beaucoup mieux puisqu’il se fait harceler et vit un véritable calvaire. Adrien décide alors à plusieurs reprises de se rendre en forêt en vélo près de chez lui. C’est là, pendant une de ces sorties, que le jeune homme rencontre Chris. Un homme avec qui il sympathise et qui commence à lui apprendre des choses sur la vie en forêt. Adrien est subjugué dans un premier temps et cette rencontre est une vraie bulle d’oxygène dans un quotidien qui ressemble à un enfer. La suite est moins reluisante et avec une langue unique et des chapitres courts, Claudine Desmarteau écrit un roman tendu, sur le phénomène de l’emprise.

Au nom de Chris, ed. Gallimard Jeunesse, coll. Scripto, 13,90 euros, 336 pages.

Amour chrome / Sylvain Pattieu

Hypallage – Tome 1

« Amour chrome » inaugure la série Hypallage, une série avec quatre romans en littérature jeunesse édités à l’école des loisirs. Sylvain Pattieu s’attarde dans chaque bouquin sur un des personnages d’une bande de potes. Dans « Amour chrome » il est question de Mohammed-Ali, un 3e avec de bons résultats et qui termine son collège tranquillement. La nuit il a une passion à l’abri des regards et sort de chez lui à l’insu de ses parents pour taguer. Il se passionne pour le graff et éprouve un sentiment de liberté unique lorsqu’il tague. Le reste du temps, il vaque entre ses potes et ses sentiments pour Aimée, une fille de sa classe qui ne vit que pour le football. Sylvain Pattieu écrit un roman sur des jeunes qui se cherchent. Les réactions et les dialogues sonnent juste ce qui loin d’être évident et on voit des amis se questionner sur les relations ou sur le monde qui les entoure. L’auteur n’en rajoute pas et laisse ses personnages vivre leur amitié, rencontrer des galères ou faire leurs expériences. À l’image d’une jolie scène dans laquelle Mohammed-Ali demande à son père de lui apprendre à se raser pour la première fois. Ce dernier se met alors en quatre et rend la chose importante, rendant le passage touchant. « Amour chrome » c’est aussi le roman d’une adolescence qui passe, du passage à l’âge adulte avec une fin inattendue. Sylvain Pattieu écrit un premier tome qui recoupe de nombreuses problématiques adolescentes, un bouquin que l’on a envie de faire lire autour de soi. Hâte de lire la suite.

Amour chrome, ed. l’école des loisirs, 14 euros, 192 pages.

À la base, c’était lui le gentil / Ramsès Kefi

Un travail journalistique de fond important, à faire lire.

Ramsès Kefi est journaliste et écrit un reportage littéraire poignant avec ce petit bouquin. « À la base, c’était lui le gentil » est un livre prolongé par un entretien pour approfondir avec un chercheur la question de l’urbanisme et de la mobilité, notamment en banlieue. L’auteur a choisi de se pencher sur la question des rixes dans les quartiers en partant de la mort d’un jeune, Aboubakar. Un jeune originaire de Bagnolet tué en 2018 aux Lilas lors d’une rixe. Il est question au fil du texte de l’origine de ces rixes, du lien avec les collèges ou les lycées, de la géographie des quartiers et du cercle vicieux dans lequel de nombreux jeunes se retrouvent. On y croise des éducateurs ou des enseignants et enseignantes lucides. Le format court permet une synthèse du sujet. N’hésitez pas à découvrir cette collection de la revue XXI.

A la base, c’était lui le gentil, ed. XXI, coll. XXI reportage, 9 euros, 96 pages.

L’anguille / Valentine Goby

Un court roman jeunesse touchant sur la différence.

Camille d’un côté et Halis de l’autre. Camille vient d’arriver dans le collège et a la particularité d’être née sans bras. Les gens étaient habitués là où elle vivait, mais dans ce nouveau collège le regard des autres élèves devient difficile à supporter. La jeune fille ne vit pas bien son déménagement. Halis, un petit gars de 13 ans d’origine turque, voit l’arrivée de Camille dans sa classe comme une opportunité pour lui de se mettre en retrait. Il est d’habitude la cible des critiques des autres dans la classe en raison de son surpoids. Valentine Goby écrit avec « L’anguille » un roman sur l’adolescence et notamment les questions autour du harcèlement scolaire. Elle restitue très bien l’âpreté des relations entre les collégiens, qui ne se laissent rien passer entre eux. On suit ces deux personnages attachants qui vont être capables de se réinventer pour passer outre les moqueries. Un court roman accessible qui touche, et toujours avec la plume remarquable de l’autrice.

L’anguille, ed. Thierry Magnier, 11,50 euros, 143 pages.

Vierge / Constance Rutherford

Un premier roman malin qui questionne avec justesse les normes autour du désir et du corps.

Maxine a vingt-cinq et se pose pas mal de questions. Le reste du temps, elle est surveillante dans un collège et observe les jeunes se chercher entre eux. Son entourage et ses potes ont des relations, font l’amour et elle de son côté est encore loin de se projeter dans tout ça. Elle vit chez sa grand-mère avec qui elle s’entend à merveille et qui va lui offrir un stage de théâtre. C’est dans ce stage que Maxine va être confrontée à ses angoisses et à ses obsessions. Constance Rutherford écrit un premier roman plein d’humour, avec un regard aiguisé sur toute une génération. On assiste à quelques scènes bien pensées, à tout un questionnement sur le corps et sur le désir. Merci à Babelio pour la découverte de ce titre original qui sort le 23 août chez Harper Collins et qui ne se résume pas au simple roman d’apprentissage.

Vierge, ed. Harper Collins, 19,90 euros, 208 pages.

Riposte / Louisa Reid

Un roman fort sur le harcèlement, qu’on lit comme un souffle.

Lily vit très mal ses années collège, elle est harcelée à cause de son poids. Comme un cercle vicieux, elle ne voit pas d’issue et tente de garder toute cette souffrance pour elle. Elle ne veut pas en rajouter auprès de ses parents, qui s’inquiètent quand même. Et son père décide un jour de l’inscrire à un cours de boxe pour qu’elle essaie. Qu’elle puisse avoir du répondant, que quelque chose change. Lily septique au début se prend au jeu et c’est pour elle le début d’une toute nouvelle période. Elle se redécouvre au contact de ce sport et cela va ensuite aller au-delà. « Riposte » aborde avec justesse la question du harcèlement, en utilisant une forme unique. Les phrases très courtes s’enchainent, se réduisent, s’étirent, au gré des sentiments qui traversent la jeune adolescente. On est au plus près de ce que vit le personnage et c’est bien vu. On ne tombe pas dans la caricature et sa vie est vraisemblable dans son collège. Tout comme les réactions des autres. Un roman jeunesse qui permet une porte d’entrée sur le harcèlement et sur la grossophobie.

Riposte, ed. Bayard, 14,90 euros, 256 pages.

La guerre des bouffons / Idir Hocini

Une enfance dans Bondy racontée avec un ton et un regard unique.

Idir est un jeune habitant de Bondy qui raconte sa jeunesse avec ses potes et la vie de sa famille. Avec une gouaille d’enfer, on suit les aventure du jeune Idir dans ce roman autobiographique au rythme soutenu. On découvre avec lui les affres d’une scolarité qui est loin d’être un long fleuve tranquille, il est d’ailleurs confronté tôt au racisme. Les tournures et les observations du quartier, tout comme les habitudes de chacun font sourire. Chaque personnage qui entoure Idir a une personnalité bien à lui qui détonne. « La guerre des bouffons » est un bouquin bourré de petites réflexions intéressantes et de références qui le sont tout autant, des années 80 aux années 90. On sent que l’auteur y a mis ses tripes et le tout offre un très bon moment de lecture.

La guerre des bouffons, ed. Clique, 20 euros, 400 pages.

Les incasables / Rachid Zerrouki

« Donner à voir et à ressentir »

C’est toujours délicat d’aborder la question des élèves en situation de handicap ou celle des élèves avec des difficultés scolaires importantes sans tomber dans les dogmes et les poncifs vus et revus. C’est pourtant ce que réussit à faire Rachid Zerrouki dans cet ouvrage revigorant, sur son parcours d’enseignant débutant en SEGPA. Un livre qui fait la part belle aux questionnements et aux expériences de terrain de l’auteur. Un bouquin très intéressant qui donne à voir une réalité tout en questionnant l’institution, le regard que l’on porte sur ces élèves ou encore le sens qu’a le métier d’enseignant.e aujourd’hui dans notre société. Ça fait du bien en cette rentrée. C’est typiquement le genre de bouquin à prêter autour de soi pour donner des perspectives à des sujets qui en manquent cruellement dans les discours courants.

« En enseignant en Segpa à des élèves âgés de 12 à 16 ans, je savais que je ne façonnerais pas des ingénieurs, des médecins ou des avocats, mais des manutentionnaires, carreleurs, tourneurs-fraiseurs ou professionnels de l’aide à domicile – des prolétaires sans qui tout s’effondrerait, mais que la société méprise, maltraite, sous-paye et exploite. En revanche, j’ignorais tout de ce que j’allais recevoir en retour : des leçons de vie en pagaille, des souvenirs impérissables et un sens à mon métier.« 

Les incasables, ed. Robert Laffont, 19 euros, 270 pages.

Samedi 14 Novembre / Vincent Villeminot

Confronter la fiction au réel.

Vincent Villeminot est un auteur de littérature jeunesse (plutôt pour adolescents) que j’ai découvert à l’époque avec la trilogie fantastique, Instinct. J’avais trouvé génial et plein d’inventivité cet univers fantastique et je m’étais complètement laissé prendre au jeu en mettant de côté à raison, les à priori que je pouvais avoir sur la littérature jeunesse. En croisant à nouveau cet auteur à l’occasion d’une interview sur le réseau social dédié à la littérature jeunesse « kibookin », j’ai eu envie de lire celui-ci.

Le sujet est difficile et l’auteur décide de le traiter sous la forme d’un huis clos qui fait monter la tension chez le lecteur. Vincent Villeminot mêle habilement dialogues et actions autour d’un rythme soutenu. On retrouve des traits caractéristiques avec l’écriture ciselée qui va droit au but, les chapitres (avec le canevas d’une pièce de théâtre) courts, voire très courts, et enfin des questionnements chez les jeunes personnages que je trouve très bien pensés (la place de la famille, le rapport à la mort, le rapport à la religion, le vécu d’un tel événement lorsque l’on est jeune). Ce livre est une mine pour se poser des questions et échanger sur les attentats, mais pas uniquement. Les thèmes sont multiples. J’ai pu lire à la fin qu’il avait été écrit à la suite d’un échange avec une classe de BTS notamment. Et c’est vrai que je le vois très bien circuler dans les classes au collège ou au lycée pour en discuter, comprendre, relire des passages à plusieurs.

Samedi 14 Novembre, ed. Sarbacane, coll. Exprim’, 216 pages, 15,50 euros.

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