Une sale affaire / Virginie Linhart

Retour sur le procès que l’autrice a traversé avec son précédent livre.

Derrière « L’effet maternel », l’autrice a vécu un procès intenté par sa mère et son ex-compagnon, qui ont refusé tous les deux que des parties de son livre apparaissent. Les deux ont estimé que Virginie Linhart dévoilait leurs vies à leur insu. Ce livre relate l’affaire derrière la sortie du livre et l’impact dans la vie de l’autrice. Virginie Linhart se pose la question du sens d’écrire lorsque par la force des choses elle replonge dans son ouvrage, alors qu’elle s’apprêtait en théorie à participer à des rencontres pour la sortie de « L’effet maternel ». Elle revient sur la vie de sa famille, sur la relation forte avec sa fille qui va l’aider à traverser cette épreuve.

Une sale affaire, ed. Flammarion, 21 euros, 192 pages.

Pour mourir, le monde / Yan Lespoux

Un pur roman d’aventure qui embarque le lecteur au large.

Dans la grande tradition des romans d’aventure, « Pour mourir, le monde » offre une fresque épique au XVIIe siècle. On suit des personnages embarqués dans la grande histoire, des hommes et des femmes qui survivent dans des conditions difficiles, sur mer et sur terre. L’empire colonial portugais est vaste durant cette période et s’étend du Brésil à l’Inde. Fernando Teixeira est un soldat qui va embarquer dans ce contexte sur un navire qui se dirige vers Goa. Sur le chemin du retour, Fernando fait naufrage. On le découvre en train d’essayer de survivre au début du roman, peu de temps après le naufrage. La suite de l’histoire est un long flash-back qui retrace le parcours du voyageur, avec son lot de rebondissements et de rencontres. On pense à des ambiances comme dans les romans de Stevenson. Un réel plaisir de lecture.

Pour mourir, le monde, ed. Agullo, 23,50 euros, 432 pages.

Le livre de Daniel / Chris de Stoop

Un agriculteur, l’oncle de l’auteur, meurt dans des circonstances troublantes dans sa ferme.

Ce livre est l’histoire d’un homme, un agriculteur isolé qui a été assassiné dans sa ferme suite à un cambriolage. Un groupe de jeunes venu pour récupérer l’argent liquide du vieil homme laisse le vieil homme pour mort. L’auteur Chris de Stoop, le neveu de Daniel, s’est penché sur cette affaire pour comprendre comment ces jeunes en étaient arrivés là et dans quelles circonstances son oncle est mort. Dans ce récit enquête, l’auteur revient dans la région près de Roubaix et découvre la vie de son oncle qui peu de temps avant sa mort ne voyait déjà plus grand monde. Chris de Stoop décide de se porter partie civile au procès des jeunes. Toute une partie du livre est dédiée à ce procès. « Le livre de Daniel » est un livre âpre, dans lequel on découvre ce que c’est que la vie d’agriculteur et les dettes qui se multiplient ces dernières années dans le monde agricole. Ce livre est aussi la peinture d’une jeunesse désœuvrée qui comme le vieil homme solitaire, est stigmatisée mais pour d’autres raisons. Le récit est précis, l’auteur ne cherche pas à prendre parti, mais souhaite avant tout comprendre, mettre des mots sur les réactions de chacun, les chaines de conséquences. « Le livre de Stoop » est le récit fouillé d’un fait divers, mais aussi le reflet d’une époque.

Le livre de Daniel, ed. Globe, 22 euros, 288 pages.

Western / Maria Pourchet

Radiographie d’une époque avec le regard aiguisé de Maria Pourchet.

Alexis est un comédien célèbre qui fuit du jour au lendemain sa troupe de théâtre parisienne dans laquelle il joue Dom Juan. Ses collègues sont perplexes jusqu’au jour où une affaire avec une jeune fille ressort. Alexis a fui dans une maison de campagne dont il a fait l’acquisition, mais qui est déjà occupée par Aurore et son fils Cosma. Aurore est mère célibataire et a décidé de se mettre au vert, car elle ne supporte plus la pression du quotidien, du travail et de ses pairs. S’ensuit une étrange rencontre entre le célèbre comédien et une femme qui a fui son quotidien épuisant. C’est là que le roman accélère et que l’on découvre plus en détail la vie d’Alexis et celle d’Aurore. On retrouve la langue unique et qui sonne de la romancière même si j’ai moins été embarqué que dans « Champion », un autre roman découvert il y a peu. Alexis est un homme détestable et on découvre rapidement qu’il peut faire penser à de nombreux hommes que l’on croise ou que l’on a croisés, un homme dans une société patriarcale violente. À l’arrivée cela donne un roman bien construit, teinté d’un humour bien sombre et qui met en évidence comme rarement les travers de notre époque. C’est souvent le cas chez Maria Pourchet et encore une fois ici, c’est réussi.

Western, ed. Stock, 20,90 euros, 304 pages.

Ce qu’il nous faut c’est un mort / Hervé Commère

Un ville en Normandie vit au rythme d’une usine jusqu’à la menace de la délocalisation.

Tout commence la nuit du 12 juillet 1998 lors de la finale de la coupe du monde. Une soirée mémorable, mais pas pour tout le monde, vous allez le découvrir pour certains personnages. Dans ce polar social très bien construit comme c’est souvent le cas chez Hervé Commère, direction un petit village de Normandie qui vit en grande partie grâce à une usine, les ateliers « Cybelle ». Des ateliers qui confectionnent de la lingerie et qui font vivre une grande partie de la région depuis l’après-guerre, en octroyant de nombreux emplois pour la population aux alentours. Oui, mais voilà depuis peu, comme dans de nombreux cas un fonds de pension décide de mettre le nez dans les affaires de l’usine essayant de la racheter (le risque de délocalisation se précise). Les personnages que l’on découvre au début du roman pendant cette fameuse nuit en 98 vont être amenés à se recroiser des années plus tard alors que l’on apprend que ce rachat de l’usine est en jeu. L’auteur écrit un roman noir qui rend hommage aux luttes ouvrières et on voit passer les époques et les enjeux qui vont avec. Les trajectoires personnelles des uns croisent les trajectoires collectives des autres. « Ce qu’il nous fait, c’est un mort » offre un bon moment de lecture, qui questionne avec justesse les luttes sociales en cours un peu à la manière de Nicolas Mathieu dans « Aux animaux de la guerre ».

Ce qu’il nous faut, c’est un mort, ed. Pocket, 8,60 euros, 440 pages.

Vierge / Constance Rutherford

Un premier roman malin qui questionne avec justesse les normes autour du désir et du corps.

Maxine a vingt-cinq et se pose pas mal de questions. Le reste du temps, elle est surveillante dans un collège et observe les jeunes se chercher entre eux. Son entourage et ses potes ont des relations, font l’amour et elle de son côté est encore loin de se projeter dans tout ça. Elle vit chez sa grand-mère avec qui elle s’entend à merveille et qui va lui offrir un stage de théâtre. C’est dans ce stage que Maxine va être confrontée à ses angoisses et à ses obsessions. Constance Rutherford écrit un premier roman plein d’humour, avec un regard aiguisé sur toute une génération. On assiste à quelques scènes bien pensées, à tout un questionnement sur le corps et sur le désir. Merci à Babelio pour la découverte de ce titre original qui sort le 23 août chez Harper Collins et qui ne se résume pas au simple roman d’apprentissage.

Vierge, ed. Harper Collins, 19,90 euros, 208 pages.

Le Grand Soir / Gwenaël Bulteau

La disparition d’une jeune fille de bonne famille dans le Paris du début XXème siècle.

Le livre débute en janvier 1905 avec l’enterrement de Louise Michel, une façon de rappeler que les acquis quel qu’il soit sont fragiles. L’auteur l’explique très bien dans une interview avec Patrick Cagnelotti dans son émission « Des polars et des notes ». Comme dans l’excellent « La République des faibles », on fait aussi un bon en arrière au début du XXeme siècle dans « Le Grand Soir ». Une jeune femme de bonne famille Jeanne Desroselles disparaît lors de cet enterrement et un an plus tard, sa cousine Lucie Desroselles décide d’entreprendre ses propres recherches de son côté. Elle découvre un Paris où la révolte gronde que ce soit pour les droits des femmes ou pour les droits des travailleurs. En parallèle, le lecteur découvre François un ouvrier régulièrement gréviste qui fait des petits boulots par ci par là pour arrondir ses fins de mois. L’auteur construits des personnages réalistes et attachants et qui se retrouvent face à leurs contradictions tout au long du bouquin. Gwenaël Bulteau mène vraiment bien sa barque et comme dans son précédent roman, à peine démarré on est au coeur de l’époque et des troubles qui l’agitent.

Le Gand Soir, ed. La Manufacture de livres, 20,90 euros, 368 pages.

La République des faibles / Gwenaël Bulteau

Un roman noir Lyonnais qui se déroule à la fin du 18e siècle. Une vraie réussite.

Nous sommes à Lyon en 1898, le roman démarre sur la découverte d’un cadavre d’enfant par un chiffonnier. Le corps a été abandonné sur une décharge à ciel ouvert dans le quartier de la Croix Rousse. L’homme panique et s’en va en faire part à la police qui se lance alors dans une longue et laborieuse enquête. Cette enquête est confiée au commissaire Soubielle et à sa brigade. Une brigade qui n’est d’ailleurs pas homogène du tout politiquement et en pleine affaire Dreyfus les tensions affleurent même au sein de la police. Dès les premières pages, on est transportés dans ce Lyon de la fin du 18e siècle. On a le sentiment de sentir les odeurs de la ville, de visualiser les ruelles lyonnaises crasseuses et de découvrir toute une époque. La Commune est passée et est encore dans toutes les têtes. L’auteur porte une attention toute particulière au contexte historique et à l’environnement dans « La république des faibles » sans délaisser pour autant l’intrigue. On découvre les recoins les plus sombres et les quartiers pauvres (à l’époque) de Lyon. On suit les personnages sur les pentes de la Croix-Rousse. Les chapitres courts complètent bien le tout en rythmant avec un bon dosage le récit. « La république des faibles » est une belle découverte avec des personnages marquants.

La Républiques des faibles, ed. La Manufacture de livres, 19,90 euros, 368 pages.

Un colosse / Pascal Dessaint

L’histoire d’un homme à la stature hors normes au 19 eme siècle.

L’auteur s’éloigne de ses romans noirs habituels dans « Le colosse ». Il se penche sur le cas d’un homme au 19eme siècle, Jean-Paul Mazias. Ce dernier est né en 1847 dans le sud-ouest de la France. Il est issu d’un milieu paysan et à une taille et une stature hors normes. Il va en faire les frais toute sa vie et Pascal Dessaint qui a fouillé les archives de Haute-Garonne déterre un ensemble d’anecdotes qui vont former ce singulier bouquin. L’auteur restitue la vie d’un paysan dans un contexte politique que l’on redécouvre. Un voyage dans le temps qui se rapproche tout de même des thèmes que l’auteur affectionne, notamment la paysannerie et les rapports à la nature. On découvre un homme que l’on a défini neuf fois sur dix en fonction de sa singularité. Un homme qui a connu une ascension surprenante notamment dans le milieu de la lutte. Jean-Paul Mazias va malheureusement connaître l’ascenseur dans l’autre sens et sa vie va finir par se compliquer. Pascal Dessaint écrit un roman à la frontière entre fiction et documentaire. On découvre une période de l’histoire de France à travers sa ruralité. On découvre comment les singularités physiques étaient vécues à cette époque. Un livre original et bien ficelé.

Un colosse, ed. Rivages, 14 euros, 112 pages.

Feu / Maria Pourchet

Une écriture qui claque et une réflexion sur l’amour à base d’humour noir et de personnages torturés.

Avec un ton acerbe, un regard désabusé et juste ce qu’il faut d’humour noir, Maria Pourchet écrit avec Feu un roman décapant et qui dépayse sur l’amour. Pas évident au début d’entrer dans cette langue scandée mais une fois lancé on se laisse porter. Je découvre l’autrice avec ce roman et je suis agréablement surpris par le rythme et la façon de décrire les petites compromissions de chacun et les travers de nos pairs. Laure, une professeur d’université mariée rencontre Clément, un célibataire qui travaille dans la finance. Tableau pas forcément très original mais qui devient prenant à suivre sous la plume de la romancière. A partir de cette rencontre, l’apparent confort dans lequel les deux personnages pensait se trouver vole en éclat. Les deux personnages sont ambivalents et parfois vraiment détestables en ce qui concerne Clément mais pour autant, on ne peut s’empêcher d’apprécier la précision avec laquelle l’autrice rapporte les pensées de ces deux êtres torturés. Quelques réflexions se glissent sur la famille lorsque l’on découvre la fille de Laure, Véra. Adolescente rebelle à ses heures et extra lucide sur les comportements ridicules des adultes qui l’entoure, notamment sur leurs relations amoureuses. Un très bon roman, bien sombre comme on aime et qui bouscule.

Feu, ed. Fayard, 20 euros, 360 pages.

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