Le plus court chemin / Antoine Wauters

Un singulier bouquin sur le rapport à l’écriture de l’auteur.

Antoine Wauters se plonge dans ses souvenirs et fait ressurgir les sensations de son enfance. Une enfance dans laquelle il grandit à la campagne dans un petit village Belge. Une enfance au plus près de la nature et qui porte déjà en elle les premiers questionnements sur le monde qui l’entoure, les prémices d’un imaginaire qu’il souhaitera développer plus tard. L’auteur avec une grande attention dans le choix des mots écrit par fragment sur ce qu’il a vécu, sur ses proches, que ce soit ses parents ou son frère qu’il considère alors comme son « jumeau ». « Le plus court chemin » est un très beau bouquin sur l’enfance et sur l’écriture, sur le rôle qu’elle peut avoir (ou non) dans une vie. Dans ce texte on y parle de l’importance des mots, ceux qui sont dits avant d’être posés sur le papier. Ceux de l’enfance notamment. Je découvre Antoine Wauters avec ce texte et son talent pour transmettre les instants ou les évènements du quotidien est rare. Un livre qui décrit avec justesse les sentiments d’un enfant qui se cherche, et qui chemine sans vraiment le savoir vers le désir d’écrire.

Le plus court chemin, ed. Verdier, 19,50 euros, 256 pages.

Vierge / Constance Rutherford

Un premier roman malin qui questionne avec justesse les normes autour du désir et du corps.

Maxine a vingt-cinq et se pose pas mal de questions. Le reste du temps, elle est surveillante dans un collège et observe les jeunes se chercher entre eux. Son entourage et ses potes ont des relations, font l’amour et elle de son côté est encore loin de se projeter dans tout ça. Elle vit chez sa grand-mère avec qui elle s’entend à merveille et qui va lui offrir un stage de théâtre. C’est dans ce stage que Maxine va être confrontée à ses angoisses et à ses obsessions. Constance Rutherford écrit un premier roman plein d’humour, avec un regard aiguisé sur toute une génération. On assiste à quelques scènes bien pensées, à tout un questionnement sur le corps et sur le désir. Merci à Babelio pour la découverte de ce titre original qui sort le 23 août chez Harper Collins et qui ne se résume pas au simple roman d’apprentissage.

Vierge, ed. Harper Collins, 19,90 euros, 208 pages.

La guerre des bouffons / Idir Hocini

Une enfance dans Bondy racontée avec un ton et un regard unique.

Idir est un jeune habitant de Bondy qui raconte sa jeunesse avec ses potes et la vie de sa famille. Avec une gouaille d’enfer, on suit les aventure du jeune Idir dans ce roman autobiographique au rythme soutenu. On découvre avec lui les affres d’une scolarité qui est loin d’être un long fleuve tranquille, il est d’ailleurs confronté tôt au racisme. Les tournures et les observations du quartier, tout comme les habitudes de chacun font sourire. Chaque personnage qui entoure Idir a une personnalité bien à lui qui détonne. « La guerre des bouffons » est un bouquin bourré de petites réflexions intéressantes et de références qui le sont tout autant, des années 80 aux années 90. On sent que l’auteur y a mis ses tripes et le tout offre un très bon moment de lecture.

La guerre des bouffons, ed. Clique, 20 euros, 400 pages.

Le Sanctuaire / Laurine Roux

Un roman qu’on ne lâche pas, sur une famille qui vit en autarcie après une catastrophe.

Dans un monde où une catastrophe a réduit à peau de chagrin la population mondiale, une famille se retrouve retranchée dans les montagnes et vit en autarcie dans une cabane. Un lieu appelé « Le sanctuaire » et qui est préservé du monde extérieur par le père de la famille notamment, très protecteur envers ses deux filles. Le monde d’avant resurgit par bribes de temps à autre, lorsque le père s’absente pour récupérer des denrées et qu’il croise d’autres survivants. Pour la mère, c’est par le discours que la nostalgie se met en place lorsqu’elle raconte des scènes du monde d’avant à ses filles. Laurine Roux emmène le lecteur au sein de cette famille et plusieurs thèmes sont abordés autour de la parentalité, de ce que peut représenter le fait de protéger ses enfants ou encore les différentes facettes qui peuvent naitre chez des parents lorsqu’ils élèvent des enfants, y compris les facettes plus sombres. Entre les deux sœurs, il y a des caractères qui divergent au début du récit avec Gemma qui est née dans « Le sanctuaire » et qui ne connait que cet environnement sauvage dans lequel elle a grandi et qui avec l’aide de son père, a fait d’elle une chasseuse hors pair. June de son côté connait le monde d’avant et a un rapport totalement différent à la nature qui l’entoure. Elle ne ressent pas le même sentiment de liberté que sa sœur.

Je découvre Laurine Roux avec ce roman que j’ai dévoré. Un récit à la lisière du roman noir et de l’imaginaire. Un récit parfois sombre, parfois lumineux. L’écriture sans fioriture n’y est pas étrangère et évoque en quelques mots des images chez le lecteur. Une petite pépite ce bouquin.

Le Sanctuaire, ed. du Sonneur, 16 euros, 160 pages.

Combats et métamorphoses d’une femme / Édouard Louis

Un très beau livre sur la vie d’une mère prisonnière de sa condition et qui lutte pour en changer.

Édouard Louis écrit un très beau récit sur sa mère et sur les changements qu’il a vu s’opérer chez elle au fil des années, notamment depuis la séparation avec son père. C’est l’histoire d’une métamorphose qu’il a vue avec ses yeux d’enfant puis avec ses yeux d’adulte. Le récit est court et plein de sincérité, il y a quelques photos qui viennent compléter le propos et cela forme un ouvrage touchant et d’une honnêteté rare. La condition d’une femme transparaît dans un foyer à la campagne avec un mari violent et des enfants à charge. Tous les mécanismes sont décrits par l’auteur avec beaucoup de justesse en quelques lignes sans un mot de trop. On sent la voix d’un fils derrière ces mots. C’est aussi l’occasion pour lui de jeter un œil en arrière sur les comportements qu’il a pu avoir à son égard et qu’il voit différemment aujourd’hui. Des façons de faire parfois oppressives lorsqu’il ne réalisait pas dans quelles conditions sa mère gérait déjà le quotidien. Un texte touchant et qui ne laisse pas indifférent.

Combats et métamorphoses d’une femme, Ed. Du Seuil, 14 euros, 128 pages.

Surf City / Kem Nunn

Le surf a parfois plusieurs facettes. En voici une moins reluisante.

J’avais adoré de Kem Nunn « Tijuana Straits » lu il y a longtemps, une lecture marquante pour moi. C’était un bouquin qui m’avait donné envie de lire du roman noir et qui de mémoire traitait le sujet de la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Je retourne vers cet auteur un peu tardivement avec « Surf City » son premier livre. Et on peut dire que sa plume et sa façon de raconter les histoires me touchent toujours autant. On sent que Kem Nunn n’est pas encore à son meilleur mais il y a déjà les ingrédients qui forme un bon polar qu’on ne lâche pas. Ici il est question du surf et de la drogue en Californie. J’ai parfois pensé à la « patrouille de l’aube » de Don Winslow durant cette lecture, un autre romancier qui a amené le surf dans ses intrigues. Une raison supplémentaire de découvrir Kem Nunn.

Surf City, ed. Folio, coll. Folio Policier, 5,90 euros, 352 pages.

Grande couronne / Salomé Kiner

Histoire d’une adolescence marginale en Île-de-France.

Salomé Kiner écrit un premier roman avec une langue que l’on n’oublie pas. L’autrice donne une voix à une adolescente qui grandit en région parisienne. Une ado qui doit faire face au départ de son père et à l’humeur triste de sa mère tout en s’occupant de ses frères. La jeune narratrice a un ton bien à elle et un regard souvent très juste sur les événements qu’elle traverse. Un mélange de lucidité et de fatalisme qui donne un personnage particulièrement bien construit dans ce récit qui n’épargne rien à une jeunesse en marge. Les références des années 90 sont savoureuses (alimentation, jeux, etc.) et permettent une plus grande immersion. L’orientation scolaire de certains jeunes en difficulté, la justice des mineurs, le traitement de la maternité, tous ces thèmes sont très bien traités et même si le récit se déroule dans les années 90, ils peuvent facilement être transposables aujourd’hui. « Grande couronne » est une réussite du début à la fin.

Grande couronne, Ed. Bourgeois, 18,50 euros, 288 pages.

Génération Q / Dr Kpote

Chroniques.

Dr Kpote est militant et animateur de prévention en milieu scolaire. La maison d’édition La ville brûle a eu la très bonne idée de rassembler ses chroniques parues dans la magazine Causette entre 2012 et 2018. Des chroniques sur l’éducation à la sexualité et sur la vie affective des élèves.

Les rencontres avec les lycéens et lycéennes à l’origine des textes, sont aussi l’occasion pour l’auteur d’aborder de nombreux autres sujets au détour des discussions (l’égalité, le consentement, la religion, la prostitution, etc.).

C’est un livre important qui peut être une excellente entrée pour débattre et dialoguer avec les élèves (si l’on partage la lecture d’une chronique par exemple). Je ne suis pas d’accord sur tout notamment les questions autour du rap mais pour autant, c’est un petit bouquin précieux. Ces thèmes et ces questions sont peu (voire pas du tout) traités dans les essais en règle générale.

Génération Q, ed. La ville brûle, 15 euros, 184 pages.

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