Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri / Valerio Varesi

Onzième enquête du commissaire Soneri, toujours un régal.

Ils ne sont pas si nombreux les personnages que l’on a hâte de retrouver. Des personnages avec lesquels on est quasi sûr de retrouver une atmosphère singulière, un truc difficile à cerner, mais reconnaissable dès les premières pages. On récupère le bouquin et neuf fois sur dix on sait que l’on va se régaler. Le commissaire Soneri de Valerio Varesi en fait partie et on peut remercier les éditions Agullo pour la découverte. Dans « Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri », déjà onzièmes enquêtes du commissaire, un jeune homme est retrouvé pendu dans un vieux hôtel, puis peu de temps après un autre homme, Boselli, ancien leadeur charismatique du mouvement du soixante huit parmesan, subit une attaque au couteau devant chez lui qui va lui couter la vie. Le commissaire commence ses recherches et une partie de son propre passé commence à remonter à la surface. Les convictions politiques ressurgissent, tout comme les contradictions de chacun et chacune. L’intrigue entraine le lecteur d’une fausse piste à une autre avec juste ce qu’il faut de descriptions pour immerger le lecteur dans Parme et ses environs. On entre dans la psyché torturée, mais lucide de Soneri. Une nouvelle master class de Valerio Varesi qui mène toujours aussi bien sa barque dans le roman noir italien.

Le livre de Daniel / Chris de Stoop

Un agriculteur, l’oncle de l’auteur, meurt dans des circonstances troublantes dans sa ferme.

Ce livre est l’histoire d’un homme, un agriculteur isolé qui a été assassiné dans sa ferme suite à un cambriolage. Un groupe de jeunes venu pour récupérer l’argent liquide du vieil homme laisse le vieil homme pour mort. L’auteur Chris de Stoop, le neveu de Daniel, s’est penché sur cette affaire pour comprendre comment ces jeunes en étaient arrivés là et dans quelles circonstances son oncle est mort. Dans ce récit enquête, l’auteur revient dans la région près de Roubaix et découvre la vie de son oncle qui peu de temps avant sa mort ne voyait déjà plus grand monde. Chris de Stoop décide de se porter partie civile au procès des jeunes. Toute une partie du livre est dédiée à ce procès. « Le livre de Daniel » est un livre âpre, dans lequel on découvre ce que c’est que la vie d’agriculteur et les dettes qui se multiplient ces dernières années dans le monde agricole. Ce livre est aussi la peinture d’une jeunesse désœuvrée qui comme le vieil homme solitaire, est stigmatisée mais pour d’autres raisons. Le récit est précis, l’auteur ne cherche pas à prendre parti, mais souhaite avant tout comprendre, mettre des mots sur les réactions de chacun, les chaines de conséquences. « Le livre de Stoop » est le récit fouillé d’un fait divers, mais aussi le reflet d’une époque.

Le livre de Daniel, ed. Globe, 22 euros, 288 pages.

Ce qu’il nous faut c’est un mort / Hervé Commère

Un ville en Normandie vit au rythme d’une usine jusqu’à la menace de la délocalisation.

Tout commence la nuit du 12 juillet 1998 lors de la finale de la coupe du monde. Une soirée mémorable, mais pas pour tout le monde, vous allez le découvrir pour certains personnages. Dans ce polar social très bien construit comme c’est souvent le cas chez Hervé Commère, direction un petit village de Normandie qui vit en grande partie grâce à une usine, les ateliers « Cybelle ». Des ateliers qui confectionnent de la lingerie et qui font vivre une grande partie de la région depuis l’après-guerre, en octroyant de nombreux emplois pour la population aux alentours. Oui, mais voilà depuis peu, comme dans de nombreux cas un fonds de pension décide de mettre le nez dans les affaires de l’usine essayant de la racheter (le risque de délocalisation se précise). Les personnages que l’on découvre au début du roman pendant cette fameuse nuit en 98 vont être amenés à se recroiser des années plus tard alors que l’on apprend que ce rachat de l’usine est en jeu. L’auteur écrit un roman noir qui rend hommage aux luttes ouvrières et on voit passer les époques et les enjeux qui vont avec. Les trajectoires personnelles des uns croisent les trajectoires collectives des autres. « Ce qu’il nous fait, c’est un mort » offre un bon moment de lecture, qui questionne avec justesse les luttes sociales en cours un peu à la manière de Nicolas Mathieu dans « Aux animaux de la guerre ».

Ce qu’il nous faut, c’est un mort, ed. Pocket, 8,60 euros, 440 pages.

Et vous passerez comme des vents fous / Clara Arnaud

Un très beau roman dans lequel une région Pyrénéenne vit au rythme des histoires et des rencontres autour de l’ours.

Gaspard est berger dans les Pyrénées et il s’apprête à monter dans les montagnes avec ses bêtes pour la saison des estives. Alma de son côté est docteur en biologie et elle travaille à l’observation des ours en milieu naturel. Elle est dans la région pour cette raison et c’est une spécialiste de la question. On s’apprête à suivre les deux personnages dans la montagne, dans un environnement à la fois magnifique et dangereux. Et dans une région au passé trouble notamment en ce qui concerne les ours, le lecteur voit se déployer toute une atmosphère dans ce très beau roman qui fait penser sur certains points à « Pleine terre » de Corinne Royer, dans le rapport à la terre et à la vie animale par exemple. Dans le coin, un drame l’année passée a fait ressurgir une relation complexe entre les habitants du coin et les ours. Des ours chassés ou capturés au siècle passé pour du dressage. La vallée pyrénéenne dans laquelle se déploie l’histoire voit alors les tensions s’accumuler. Clara Arnaud avec une plume qui fait la part belle aux ressentis de ses personnages écrit un roman qui mêle violence, moment plus doux et ode à une nature magnifique mais redoutable. Un livre abouti et très bien écrit.

Et vous passerez comme des vents fous, ed. Actes Sud, 22,50 euros, 384 pages.

La langue chienne / Hervé Prudon

Hervé Prudon dans ses œuvres avec un roman noir qui tâche.

Ce livre est inspiré d’un fait réel dans lequel une femme et son amant font vivre un enfer au mari, jusqu’à un tragique dénouement. Hervé Prudon fait le choix d’utiliser ce fait divers comme base et dans une langue crue et imagée, l’auteur retranscrit une atmosphère pesante et dérangeante dans un pavillon de Marquebuse, une petite cité maritime du Pas-de-Calais. C’est un roman bien sombre à l’humour grinçant que l’on découvre avec La langue chienne. Les personnages sont des laissés pour compte qui tentent de s’en sortir de toutes les manières et de percevoir des parcelles de lumière dans des vies bien moroses où les désillusions ne sont jamais loin. Et lorsque Franck débarque chez Gina et Martin, ce grand champion de char à voile qui est du coin ne va pas améliorer les choses. Ce roman noir est aussi la radiographie d’une région, le nord de la France. Sur la quatrième de couverture Manchette est cité parlant en bien de Prudon et à la lecture de ce singulier roman noir on comprend pourquoi. Si vous souhaitez lire un polar qui vous sort de votre zone de confort notamment dans le travail de la langue, foncez.,

La langue chienne, ed. Gallimard, coll. La petit vermillon, 8,70 euros, 320 pages.

La bête en cage / Nicolas Leclerc

Un roman noir rythmé et très bien construit, qui se déroule en Franche-Comté.

Très fort. Nicolas Leclerc embarque dès le début le lecteur dans une région qu’il connait très bien. La région de Pontarlier, en Franche-Comté. On ressent tout de suite l’atmosphère du coin et l’écriture est nette et sans bavure. Ajoutez à cela une dose de trafic de drogue et des personnages très bien construits et l’intrigue peut démarrer crescendo. On peut d’ailleurs tout de suite préciser que le crescendo va loin.

À mi chemin entre le roman noir avec des personnages en bout de course et le thriller, l’auteur livre un très bon roman. À découvrir sans hésiter.

La bête en cage, ed. du Seuil, 19 euros, 288 pages.

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