Moscow / Edyr Augusto

Un court roman noir tendu et violent. Une claque.

Moscow est le surnom de l’île de Mosqueiro, une île dans l’état brésilien du Para. Une île qui voit sa population tripler grâce au tourisme et à une jeunesse qui vient de Belém pour faire la fête. Un groupe de jeune qui vit la majorité du temps la nuit en profite pour faire les 400 coups sur l’île, terroriser les touristes ou se servir là où ils trouvent de l’argent. Tinho Santos fait partie de cette bande et c’est loin d’être le moins agressif du lot. Tinho avec un détachement bien à lui profite avec ses potes de sa jeunesse. Et ce personnage cache en plus en lui des démons qu’il a parfois bien du mal à maîtriser. Ajoutez à cela le talent et la plume d’Edyr Augusto qui mélange la narration et les dialogues sans un temps mort, et on a un petit bouquin redoutable. Un excellent roman noir. À noter le très bon travail de Diniz Galhos à la traduction.

Moscow, ed. Asphalte, 12 euros, 144 pages.

Bonhomme / Yvan Robin

Un adolescent passe l’été chez sa grand mère et n’est pas au bout de ses surprises.

J’avais hâte de relire Yvan Robin après avoir découvert l’auteur avec « Après nous le déluge ». Avec « Bonhomme » édité chez In8 dans la collection « Faction », une collection pour les plus jeunes, l’auteur dresse le portrait d’un adolescent qui se cherche et qui débarque chez sa grand-mère le temps d’un été. Un été pas tout à fait comme les autres pour Milo puisque des secrets de famille vont ressurgir. Ajoutez à cela de nouveaux potes dans la piscine municipale dans laquelle il a l’habitude d’aller, de futures soirées et vous avez au final un petit bouquin très bien amené qui se dévore. Les premiers émois, les premiers doutes, mais aussi les premières confrontations avec un monde des adultes bien sombre, tout y est. Et on passe un excellent moment dans ce petit bouquin qui dégage une singulière poésie.

Bonhomme, ed. In8, coll. Faction, 8,90 euros.

Le soleil ne brille pas pour tout le monde / Audrey Sabardeil

Un premier roman noir qui fait penser à Izzo et à sa manière singulière de camper une atmosphère.

Audrey Sabardeil écrit un roman noir qui prend son temps et qui se déroule à Marseille. On découvre Stéphane un personnage un peu en galère qui vaque de job en job et qui finit toujours par atterrir dans le bar de son compère Fredo à un moment dans la journée. Steph est un personnage un peu à la marge qui aime se retrouver dans le troquet de son pote plutôt réac pour déconnecter d’un quotidien compliqué. D’autant plus qu’une jeune serveuse qu’il croise régulièrement là-bas, Kahina, a tendance à rendre ses journées plus belles lorsqu’il la voit et qu’il discute avec elle. Il finit par trouver un job temporaire dans une pizzeria au début du roman, mais son quotidien plutôt morose bascule le jour où une ancienne connaissance à lui débarque en lui demandant un service. Il doit cacher une arme un moment sans préciser pour quelle raison. C’est le début de nouvelles emmerdes pour Steph, des emmerdes d’une autre envergure. L’autrice prend le temps de camper ses personnages et l’environnement marseillais, on pense à Izzo sur certains passages comme l’a très bien relevé Guillaume Chérel sur une chronique du livre sur son blog. On se laisse porter par cette histoire, par cette atmosphère et on se laisse surtout porter par des personnages bien amenés. L’intrigue n’est pas forcément la plus originale mais je trouve que le sel de ce roman noir n’est pas là uniquement. Lorsque les choses s’accélèrent dans la deuxième partie le roman devient vraiment prenant. « Le soleil ne brille pas pour tout le monde » est une belle découverte, dans la lignée des polars où la ville peut devenir un personnage à part entière. Je suis curieux de lire un nouveau roman de l’autrice et de voir comment va évoluer son travail.

Le soleil ne brille pas pour tout le monde, ed. M+ éditions, 15,80 euros, 168 pages.

Ces femmes-là / Ivy Pochoda

Un tueur en série revient dans un quartier de Los Angeles pour s’en prendre à une communauté de prostituées.

Dans un quartier plutôt laissé à l’abandon à Los Angeles, West Adams, Ivy Pochoda dresse les portraits de plusieurs femmes. Une communauté de prostituées soudée qui doit faire face à de vieux démons qui ressurgissent. Un tueur en série ayant sévi dans le coin il y a plusieurs années semble avoir refait surface. Les mauvais souvenirs reviennent et les personnages doivent de nouveau composer avec leurs peurs. En adoptant directement les points de vue des femmes en question, le lecteur est au plus près des victimes. L’autrice décortique les sentiments que ce soit l’insécurité ressentie par ces femmes, les contacts quotidiens avec la misogynie ou encore la volonté farouche d’avancer et de s’en sortir. C’est un roman noir qui change dans sa construction et en même temps on a du mal à le déposer une fois débuté. Les dialogues, les situations de ces femmes (les prostituées, mais aussi les femmes au sein même de la police), leurs conditions, tout sonne juste. Ivy Pochoda écrit avec « Ces femmes-là » un polar abouti et bien en phase avec son temps.

Ces femmes-là, ed. Globe, 23 euros, 400 pages.

Deux secondes d’air qui brûle / Diaty Diallo

Une bande de potes fait face à un drame.

Lecture coup de poing ce roman de Diaty Diallo. Un premier roman qui aborde la question des violences policières mais aussi les répercutions sur le quartier, les vies de chacun, les quotidiens qui basculent. « Deux secondes d’air qui brûle » campe une atmosphère pleine de sons et d’amitiés. On y croise les paroles de SCH, des X-Men ou encore de PNL. On y croise un groupe de potes qui connaît les rouages aussi bien du quartier que les réactions prévisibles de la police. Il y a vraiment une forme de débrouille mise en évidence par l’autrice qui marque le lecteur. La violence et le stigmate que subissent ces jeunes quotidiennement sont loin d’être les seuls propos. Diaty Diallo s’arrête sur ce qui fait le quotidien des quartiers. Les motos à réparer, les barbecues montés, la solidarité. C’est tout un environnement qui se déploie sous la très belle plume de cette autrice, des parkings à une dalle de béton en passant par les toits des tours.

Deux secondes d’air qui brûle, ed. Seuil, 17,50 euros, 176 pages.

Grande couronne / Salomé Kiner

Histoire d’une adolescence marginale en Île-de-France.

Salomé Kiner écrit un premier roman avec une langue que l’on n’oublie pas. L’autrice donne une voix à une adolescente qui grandit en région parisienne. Une ado qui doit faire face au départ de son père et à l’humeur triste de sa mère tout en s’occupant de ses frères. La jeune narratrice a un ton bien à elle et un regard souvent très juste sur les événements qu’elle traverse. Un mélange de lucidité et de fatalisme qui donne un personnage particulièrement bien construit dans ce récit qui n’épargne rien à une jeunesse en marge. Les références des années 90 sont savoureuses (alimentation, jeux, etc.) et permettent une plus grande immersion. L’orientation scolaire de certains jeunes en difficulté, la justice des mineurs, le traitement de la maternité, tous ces thèmes sont très bien traités et même si le récit se déroule dans les années 90, ils peuvent facilement être transposables aujourd’hui. « Grande couronne » est une réussite du début à la fin.

Grande couronne, Ed. Bourgeois, 18,50 euros, 288 pages.

Trois hommes, deux chiens et une langouste / Iain Levison

Les combines de trois losers magnifiques pour se faire des ronds.

Doug, Mitch et Kévin vivotent entre la fumette, des jobs plus ou moins précaires et des journées moroses. Les trois potes s’entendent très bien et se voit régulièrement pour casser la routine. Malheureusement le chômage n’épargne pas la petite ville dans laquelle ils vivent non loin de Pittsburgh et le manque d’argent reste un problème de première ordre.

Les trois losers magnifiques vont chercher à y remédier. Ils ne peuvent tout simplement pas s’empêcher de réfléchir au prochain coup sur lequel ils vont « travailler » pour se remplir les poches. Même si ce plan est à l’évidence bancale, ils vont faire preuve d’une grande inventivité. Certains passages sont toujours aussi drôles. Un roman réussi de Iain Levison où l’on reconnaît aisément sa patte.

Trois hommes, deux chiens et une langouste, Ed. Liana Levi, 18,25 euros, 270 pages.

Manger Bambi / Caroline de Mulder

Une ado lutte et tente de fuir un chemin de vie en carton.

Bambi a trouvé un plan pour gagner un peu d’argent et elle compte bien le mettre en place. Du haut de ses quinze ans, elle décide de répondre à des annonces d’escort girl pour dépouiller ensuite ses prétendants. Sauf qu’il manque une donnée, Bambi est loin d’être une ado calme et posée. Elle est plutôt du genre énervée et à convoquer la violence en cas de besoin (plutôt deux fois qu’une). Ses accès de colère vont-ils lui jouer des tours ? Est-ce que ses amies vont la suivre dans ses plans qui peuvent tous déraper en deux secondes ? Rien de certain.

Caroline de Mulder crée un personnage ambivalent, qui laisse transparaître à certains moments du roman une forme de fragilité. Une fragilité qui est le fruit de l’environnement dans lequel Bambi grandit. Un environnement avec une mère violente et où l’alcool n’est jamais loin. Un environnement où les hommes sont dangereux.

Ce roman noir est âpre. Que ce soit dans la langue, dans les thèmes traités ou dans les scènes, rien n’est fait pour ménager le lecteur ou la lectrice. C’est aussi ce qui fait la force de ce bouquin à découvrir. Un bouquin sur une jeunesse en quête de sensations et en même temps qui tente de survivre face à des mondes violents et sans scrupules.

« C’est des insectes, elles pensent niquer la lumière et elles se retrouvent collées sur le phare d’une Benz. »

Manger Bambi, Ed. Gallimard, coll. La Noire, 18,50 euros, 208 pages.

Le Chien tchétchène / Michel Maisonneuve

Un mystérieux chien est convoité par des personnages plus ou moins farfelus.

Ça démarre tout doucement avec la mort de mémé dans une cité marseillaise. Ça monte crescendo ensuite avec l’apparition d’une voiture sombre qui rôde autour de l’appartement de mémé. Cette mort n’est pas due au hasard et les personnages que l’on va découvrir vont vite nous le faire comprendre. Ça décolle ensuite avec un petit groupe de voisins qui tente de comprendre pourquoi Hassan le chien de mémé, bien vivant celui-là, devient le sujet de tant de convoitises.

L’auteur nous offre du roman noir bien campé avec des personnages attachants. Un polar entre voisins, qui prend son temps dans la narration. J’ai apprécié ce retour à Marseille avec ce livre de Michel Maisonneuve réédité chez Actes Sud en 2006. Pas transcendant non plus, mais une lecture agréable.

Le Chien tchétchène, ed. Actes Sud, coll. Babel Noir, 7,70 euros, 266 pages.

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