L’Ile de Yule / Johana Gustawsson

Un manoir avec ses secrets sur une petite île suédoise, pas de doute on est bien sur un bon petit polar.

Emma Lindahl se rend sur une ile non loin de Stockholm pour estimer les biens d’une richissime famille. Des biens qui valent une fortune et qui sont accumulés dans le manoir de la famille en question. Le cadre idéal pour que les choses dérapent et qu’une intrigue prenne racine. Une femme a été retrouvée morte pendue il y a neuf ans dans le domaine et lorsqu’Emma se rend sur place pour estimer les biens, une nouvelle femme est retrouvée noyée non loin de là, ce qui laisse à penser que l’assassin rôde toujours. Karl, un commandant mis sur la première affaire il y a neuf ans remet le nez dans l’enquête lorsque la deuxième victime est retrouvée. Johana Gustawsson écrit un pur thriller, très bien construit et qui s’avère être une belle surprise dans l’efficacité avec laquelle il embarque le lecteur. Les chapitres courts défilent et on se doute que les faux semblants ne sont pas bien loin, ce qui n’empêche pas de poursuivre. Sans être forcément un roman qui se démarque par son originalité, « L’ile de Yule » fonctionne très bien et offre un bon moment de lecture pour celles et ceux qui aiment les ambiances mystérieuses dans les manoirs qui le sont tout autant.

L’Ile de Yule, ed. Livre de poche, 8,90 euros, 336 pages.

L’Enfer / Marin Ledun

Un court roman noir réaliste et saisissant sur les bagnes en Guyane.

Les « îles du Salut » forment un archipel appartenant à la Guyane. Une partie des bagnes de Guyane sont situés sur ces îles et de nombreux prisonniers sont envoyés en détention par la France jusqu’à leur fermeture en 1947. Dans ce petit roman noir, nous sommes au milieu du XIXe siècle. Ahmed, un jeune homme de 19 ans fait partie de ces prisonniers et est loin d’imaginer l’enfer qu’il s’apprête à découvrir. Il est envoyé en détention pour non-respect du couvre-feu, alors qu’il cherchait à rejoindre la jeune fille dont il est amoureux, un soir d’été à Oran. Ahmed arrive dans ce bagne après plusieurs étapes et découvre les travaux forcés dans des conditions météorologiques difficiles, sept jours sur sept. Il se lie avec André un autre détenu qui est là depuis plus de quatre ans, mais malgré cette protection son quotidien est quasi invivable. Ahmed repère un jour une jeune fille qu’il imagine avoir pas plus de dix ans. La petite fait des allers et retours à l’hôpital en étant accompagnée d’un officier. Les journées du jeune homme changent et il attend de croiser le regard de cette jeune fille qui lui offre un tout petit moment d’espoir dans ses journées de douze heures à tailler de la pierre. Marin Ledun écrit un roman noir qui touche le lecteur et qui se lit d’une traite. La beauté peut aussi côtoyer le pire et c’est le cas dans ce court polar pour la jeunesse. On est touché par le destin de ce détenu et par son incompréhension face à la violence du monde et face à la détention. Ahmed a des forces insoupçonnées et lorsqu’il croise le regard de cette petite fille cela va l’aider à lutter au quotidien contre la fatigue, la faim et la solitude. Encore une très belle trouvaille de la collection « Faction » chez in8.

L’Enfer, ed. in8, coll. Faction, 8,90 euros, 112 pages.

Moscow / Edyr Augusto

Un court roman noir tendu et violent. Une claque.

Moscow est le surnom de l’île de Mosqueiro, une île dans l’état brésilien du Para. Une île qui voit sa population tripler grâce au tourisme et à une jeunesse qui vient de Belém pour faire la fête. Un groupe de jeune qui vit la majorité du temps la nuit en profite pour faire les 400 coups sur l’île, terroriser les touristes ou se servir là où ils trouvent de l’argent. Tinho Santos fait partie de cette bande et c’est loin d’être le moins agressif du lot. Tinho avec un détachement bien à lui profite avec ses potes de sa jeunesse. Et ce personnage cache en plus en lui des démons qu’il a parfois bien du mal à maîtriser. Ajoutez à cela le talent et la plume d’Edyr Augusto qui mélange la narration et les dialogues sans un temps mort, et on a un petit bouquin redoutable. Un excellent roman noir. À noter le très bon travail de Diniz Galhos à la traduction.

Moscow, ed. Asphalte, 12 euros, 144 pages.

L’enragé / Sorj Chalandon

Un nouveau roman de Sorj Chalandon sur un centre pénitentiaire pour enfants à Belle-Ile-en-Mer.

Sorj Chalandon découvre l’existence d’un centre pénitentiaire pour mineurs à Belle-Ile-en-Mer en 1977, alors qu’il travaille à Libération. Un centre qui enferme des enfants qui ont 12 ans pour les plus jeunes. Des cancres, des marginaux qui ont déjà quelques casseroles derrière eux, des orphelins. Ce centre a pour objectif de rééduquer d’une manière bien particulière ces jeunes. L’auteur découvre après un travail de documentation fouillé que le centre a tout d’une prison et dans « L’enragé », il décide de se mettre dans la peau d’un des jeunes. Un enfant surnommé la Teigne à l’enfance difficile et violente. En 1934, dans ce même centre, de nombreux enfants se révoltent et tentent de fuir. Ils sont récupérés les uns après les autres dans les jours qui suivent sauf un. La Teigne a semble-t-il réussi à s’enfuir. Sorj Chalandon écrit un roman poignant sur des enfances maltraitées, sur des jeunes qui cherchent à se révolter. Des enfants qui ont parfois des difficultés à contrôler une colère enfouie qui ne demande qu’à ressurgir. Ce livre est aussi la chronique d’un échec, celui des bagnes pour enfants ou des méthodes d’encadrement violentes.

L’enragé, ed. Grasset, 22,50 euros, 416 pages.

Qui voit son sang / Élisa Vix

Une histoire de famille bien sombre, de la Martinique à l’île d’Ouessant.

Rose et Lancelot vivent sur l’île de la Martinique et profitent de la vie dans les terres natales du jeune homme. Malheureusement le tableau va s’assombrir lorsque Rose apprend qu’elle est atteinte d’une leucémie. Commence alors un long parcours du combattant pour lutter contre la maladie. Une greffe est possible et fortement recommandée, pour cela Lancelot doit prendre contact avec son beau père David pour que ce dernier fasse des tests dans l’optique de participer au don pour sa fille. C’est lors de ce test qu’un second chamboulement vient heurter le jeune couple, le père de Rose s’avère ne pas être son père biologique. Lorsque Lancelot s’empresse de retourner voir son beau père pour le prévenir des résultats du test, ce dernier a disparu et a laissé une carte indiquant l’île d’Ouessant comme seul indice. Lancelot se lance alors dans une plongée dans le passé de sa compagne, en la laissant à l’hôpital et en se rendant en Bretagne sur l’île d’Ouessant. C’est là que tout le polar peut se déployer avec un passé qui resurgit, des personnages surprenants et de courts chapitres tendus et qui font avancer de manière implacable le récit. Je découvre Élisa Vix avec « Qui voit son sang » et je suis conquis. Tous les ingrédients d’un bon roman noir sont là. Même si on n’est pas sur de l’inattendu dans les procédés narratifs le tout fonctionne très bien et on est pris par cette intrigue. L’air marin qui plane au-dessus du bouquin n’est pas non plus pour me déplaire. Un excellent roman noir avec une histoire de famille bien sombre.

Qui voit son sang, ed. du Rouergue, 18,50 euros, 208 pages.

Les marins ne savent pas nager / Dominique Scali

De l’aventure, des marins et une touche de poésie.

Dans un roman plein de poésie et d’images marines, Dominique Scali invite le lecteur à découvrir l’île d’Ys. Une île imaginaire isolée qui vit au rythme des marées. Tous les personnages de ce récit original ont un lien plus ou moins éloigné avec la mer et tout ce qu’elle charrie. Une mer qui ne fait pas de cadeau et qui peut se montrer redoutable. Je ne suis peut être pas aussi emballé que les nombreuses critiques vues sur ce bouquin mais je reconnais que l’autrice laisse transparaître les émotions de ses personnages avec beaucoup de talent. On se laisse porter derrière les aventures de Danaé, la jeune nageuse et on passe un agréable moment de lecture.

Les marins ne savent pas nager, ed. La peuplade, 24 euros, 728 pages.

L’eau de toutes parts / Leonardo Padura

Vivre et écrire à Cuba.

Après avoir découvert Leonardo Padura avec « L’automne à Cuba », je découvre l’envers du décor avec cette essai sur son écriture et sur l’île de Cuba, son fief de coeur. L’auteur s’attarde sur son environnement, sur les raisons qui l’ont poussé à rester vivre à Cuba toutes ces années. Il questionne l’évolution de son écriture dans ce contexte et l’impact que peut avoir cette île dans son oeuvre. C’est passionnant d’entrer dans la fabrique de ses romans, ça donne envie de continuer la lecture des aventures de son personnage Mario Conde. On en apprend beaucoup sur l’histoire de Cuba, ses orientations politiques ces dernières années mais aussi sur les influences de Leonardo Padura.

L’eau de toutes parts, ed. Métailié, 24 euros, 400 pages.

L’Automne à Cuba / Leonardo Padura

Un polar cubain à l’atmosphère singulière.

Je découvre le lieutenant Conde avec « L’automne à Cuba ». Le lieutenant au début du roman est un personnage fatigué et usé par son métier de policier, il vient de donner sa démission au commissariat central de La Havane. Malheureusement certains de ses supérieurs ne sont pas prêts à accepter sa démission en un claquement de doigts. Mario Conde est un élément précieux qui a déjà plusieurs résolutions d’enquête derrière lui et sa démission sera acceptée uniquement si il travaille sur une dernière affaire. C’est donc en se lançant sur une dernière enquête, dans laquelle un corps est retrouvé, celui d’un haut fonctionnaire qui a fui Cuba il y a un certain temps déjà. Il y a toute une atmosphère qui se dégage de ce roman noir. De l’environnement cubain en passant par le climat et l’humeur des personnages, c’est tout un univers singulier qui se déploie devant le lecteur. Leonardo Padura prend le temps sur quelques passages de se perdre avec justesse dans les pensées de son personnage principal parfois torturé. Pour autant, il n’y a pas de longueurs et on dévore ce roman noir cubain, bien sombre.

L’Automne à Cuba, ed. Métailié, 236 pages.

Inestimable / Zygmunt Miloszewski

Un récit haletant et rythmé qui fait voyager de Paris à Abidjan.

Tout démarre dans une quête à la Indiana Jones. Zofia est une directrice de musée de renom qui va s’associer en début de roman à Bogdan, un scientifique taciturne et mystérieux. Les deux personnages se lancent dans une aventure qui débute sur l’île de Sakhaline, un environnement plutôt hostile, et qui doit permettre de mettre la main sur une collection d’artefacts. Le lecteur se retrouve petit à petit au milieu d’un conflit de plus grande ampleur entre grandes firmes pharmaceutiques et des scientifiques indépendants. Ce polar rythmé et très bien documenté permet de faire le plein de péripéties en tout genre, d’une attaque de pirate en pleine mer à une drôle de de rencontre avec un ours en passant par une course poursuite en plein Paris. On ne s’ennuie pas une seconde sans tomber dans certains clichés sur les scènes d’action. Zygmunt Miloszewski recoupe plusieurs thématiques contemporaines dans son bouquin, notamment des réflexions intéressantes sur l’espérance de vie, la maladie ou le climat. L’auteur a le bon dosage je trouve entre action et scènes plus posées. « Inestimable » est une belle surprise, un polar haletant teinté d’humour noir.

Inestimable, ed. Fleuve Noir, 21,90 euros, 492 pages.

Tropique de la violence / Nathacha Appanah

Un roman magnifique à Mayotte où la violence se mêle à l’enfance.

Une plongée saisissante à Mayotte. Nathacha Appanah capte toutes les nuances d’une île sans détour et écrit merveilleusement bien. La violence et la jeunesse sont au centre du propos. Une claque cette lecture et un énorme coup de coeur.

Tropique de la violence, Ed. Folio, 6,90 euros, 192 pages.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer