Le silence / Dennis Lehane

La trajectoire d’une mère face à l’indicible, dans le Boston des 70’s.

Le retour de Dennis Lehane était très attendu l’année dernière avec ce roman noir édité chez Gallmeister. « Le silence » se déroule à Boston en 1974, dans un contexte dans lequel les écoles publiques de la ville mettent en place un système de bus scolaire pour réduire la ségrégation entre les quartiers. C’est pendant cet été caniculaire que l’intrigue de l’auteur prend racine. Une mère de famille habitant South Boston, le quartier irlandais, voit sa fille de dix-sept ans disparaitre et ne plus donner signe de vie. Dans le même temps, un jeune homme noir meurt dans des circonstances troubles sur les rails du métro. Les disparitions sont nombreuses dans les polars ou dans les thrillers et on peut vite tomber dans du déjà vu, sauf que chez Dennis Lehane, l’épaisseur de ses personnages et toutes les connaissances sur le contexte urbain et politique font la différence. On est embarqués dans cette histoire derrière Mary Pat, un personnage féminin à la volonté de fer. La question de la parentalité, de la filiation est une des thématiques centrales tout au long du roman et c’est traité avec beaucoup de justesse. L’ensemble fonctionne bien et on entre en empathie avec les personnages, plus complexes et ambivalents les uns que les autres. À noter des dialogues toujours aussi réussis ce qui est loin d’être évident. J’avais déjà apprécié les dialogues de l’auteur dans « Sacré », le dernier Dennis Lehane lu.

Le silence, ed. Gallmeister, 25,40 euros, 448 pages.

À la base, c’était lui le gentil / Ramsès Kefi

Un travail journalistique de fond important, à faire lire.

Ramsès Kefi est journaliste et écrit un reportage littéraire poignant avec ce petit bouquin. « À la base, c’était lui le gentil » est un livre prolongé par un entretien pour approfondir avec un chercheur la question de l’urbanisme et de la mobilité, notamment en banlieue. L’auteur a choisi de se pencher sur la question des rixes dans les quartiers en partant de la mort d’un jeune, Aboubakar. Un jeune originaire de Bagnolet tué en 2018 aux Lilas lors d’une rixe. Il est question au fil du texte de l’origine de ces rixes, du lien avec les collèges ou les lycées, de la géographie des quartiers et du cercle vicieux dans lequel de nombreux jeunes se retrouvent. On y croise des éducateurs ou des enseignants et enseignantes lucides. Le format court permet une synthèse du sujet. N’hésitez pas à découvrir cette collection de la revue XXI.

A la base, c’était lui le gentil, ed. XXI, coll. XXI reportage, 9 euros, 96 pages.

Les mots nus / Rouda

Voir grandir un gamin des quartiers dans les années 90 puis 2000.

Ben est un collégien lambda de banlieue qui traîne son ennui et ses potes dans un quotidien plutôt morose. Le lecteur le voit grandir dans les années 90 et assister à des évènements marquants de cette décennie puis de la suivante. De La Brousse son quartier d’où il vient jusqu’à Belleville, Ben grandit et apprend de la vie, des bons moments comme des désillusions. Le personnage de Rouda devient attachant au fil des pages et ce bouquin est une très bonne surprise au final. J’ai été embarqué par l’écriture de l’auteur qui sonne juste. Il parsème son texte de quelques belles images. On a envie de suivre cet ado qui lutte avec ses sentiments ou avec le monde qui l’entoure jusqu’aux premières émeutes de 2005 et celles qui vont suivre. Un roman plein d’humanité à découvrir sans hésiter.

Les mots nus, ed. Liana Levi, 17 euros, 160 pages.

Charbon / Sébastien Aja

Deux adolescents tentent de survivre au milieu des trafics de drogue.

Deux jeunes adolescents des quartiers nords marseillais réalisent un braquage dès le début de ce roman. Abou et Zine ont 16 ans. Ils sont plein d’énergie et ont surtout plein d’idées derrière la tête. Les petits vols leur apparaissent insuffisants et ils commencent à côtoyer les différents chefs des cités pour gagner plus et s’associer. Tout va alors beaucoup plus vite et les règlements de compte vont se multiplier. Abou et Zine ne sont pas encore dépassés par les événements mais ça ne devrait tarder, et on sent qu’ils ne réalisent pas dans quels engrenages ils mettent les pieds. Sébastien Aja sait de quoi il parle et on sent que son roman noir est réaliste, qu’il part de faits réels ou que son expérience personnelle transparaît. Malheureusement les descriptions un petit trop cliniques des scènes d’action et le rythme qui parfois s’essouffle rend le récit moins prenant. Plus compliqué de développer de l’empathie pour les personnages dans ce cadre là et d’entrer dans le roman. Dommage.

Charbon, ed. Gaussen, 15 euros, 208 pages.

Shit ! / Jacky Schwartzmann

Le CPE d’un bahut non loin de Besançon fait une rencontre inattendue.

Thibault est CPE dans un bahut de la Planoise, un quartier en banlieue de Besançon. On découvre un CPE au taquet dans son taf qui connait les combines de son établissement scolaire et qui mène bien sa barque. Et comme on est dans un Jacky Schwartzmann on sait qu’à un moment ou à un autre Thibault le personnage principal va mettre les pieds dans une emmerde à son insu. Tout commence lorsqu’il entend des coups de feu dans son bâtiment au rez-de-chaussée et qu’il se rend sur place avec sa voisine pour voir ce qu’il s’y trame avant l’arrivée de la police. Et là tout part en live. Et la petite vie plutôt rangée du CPE va changer du tout au tout. Évidement ce serait dommage d’en dire plus à ce stade, mais rassurez vous on retrouve le ton de l’auteur qui fonctionne très bien. Avec de l’humour noir, des dialogues qui donnent le sourire et quelques scènes d’anthologie. On est bien dans un polar de Jacky Schwartzmann et honnêtement on dévore cette dernière fournée en date.

Shit !, ed. Seuil, 19,50 euros, 320 pages.

Quartier rouge / Simone Buchholz

Premier roman noir avec Chastity Riley la procureure barrée de Simone Buchholz. Et première réussite.

Après avoir découvert la procureure Chastity Riley dans « Nuit bleue », je continue de lire les romans noirs de l’autrice Simone Buchholz avec « Quartier rouge » et c’est toujours aussi prenant. On prend beaucoup de plaisir à se retrouver de nouveau à Hambourg. Cette fois-ci Chastity se retrouve face au cadavre d’une jeune femme scalpée. À priori une stripteaseuse et malheureusement ça ne sera pas la seule victime dans cette histoire. Dans ce premier roman noir de la série, on distingue déjà le ton singulier de la romancière qui n’a pas son pareil pour camper une ambiance ou une atmosphère. On est embarqué avec Chastity et son entourage de bras cassés, de Faller le commissaire au ton paternel à Klatsche avec qui la procureure noue des relations épisodiques, sans oublier Clara la bonne pote du bar qui devient souvent le QG de Chastiy, lorsqu’elles ne sont pas toutes les deux devant un match de Santk Pauli en troisième division. Il semblerait que le meurtrier manipule ses victimes dans l’affaire qui occupe la procureure. Les filles le suivent sans hésiter. En passant par des moyens pas toujours légaux, Chastiy va se lancer dans l’enquête avec son tact légendaire et encore une fois on est complètement embarqué dans ce roman noir aux dialogues savoureux. Même si c’est le premier de la série il y a déjà une forme de maturité dans la plume de Simone Buchholz.

Traduit de l’Allemand par Joël Falcoz.

Quartier rouge, ed. Piranha, 16,90 euros, 208 pages.

Mathilde ne dit rien / Tristan Saule

Chroniques de la Place Carrée – Tome 1

La place carrée est un quartier dans une ville moyenne. On va retrouver cette place dans plusieurs romans de cette nouvelle série de Tristan Saule intitulée « Chroniques de la place carrée » et éditée chez la très recommandable maison d’édition Le Quartanier. « Mathilde ne dit rien » est le premier tome de cette série. Mathilde justement est une travailleuse sociale et au début du roman on ne sait pas grand-chose d’autre sur son passé qui semble flou. C’est un personnage sensible qui cache bien des choses mais qui pour autant, ne semble pas résigné. Même si elle ne dit pas grand-chose elle à l’habitude d’aider ses voisins. C’est d’ailleurs en aidant une famille qui habite non loin de chez elle qu’elle se retrouve dans une galère. La famille en question est menacée d’expulsion car la fin de la trêve hivernale approche et Mathilde va agir. Elle ne peut pas laisser passer cela. L’auteur restitue très bien les conditions de vie de ses personnages marginaux qui peuplent ce roman et qui rencontrent des difficultés à boucler les fins de mois. Des personnages qui luttent au quotidien notamment contre le stigmate des populations plus aisées et qui trempent une fois sur deux dans de petites combines. « Mathilde ne dit rien » est un roman noir réaliste aux personnages attachants. On a très envie de retrouver son atmosphère et son cadre dans la suite des chroniques de la place carré. A partir d’une première scène mémorable, la tension monte ensuite progressivement et on est pris dedans en ayant du mal à lâcher le bouquin.

Mathilde ne dit rien, ed. Folio, 8,90 euros, 320 pages.

La guerre des bouffons / Idir Hocini

Une enfance dans Bondy racontée avec un ton et un regard unique.

Idir est un jeune habitant de Bondy qui raconte sa jeunesse avec ses potes et la vie de sa famille. Avec une gouaille d’enfer, on suit les aventure du jeune Idir dans ce roman autobiographique au rythme soutenu. On découvre avec lui les affres d’une scolarité qui est loin d’être un long fleuve tranquille, il est d’ailleurs confronté tôt au racisme. Les tournures et les observations du quartier, tout comme les habitudes de chacun font sourire. Chaque personnage qui entoure Idir a une personnalité bien à lui qui détonne. « La guerre des bouffons » est un bouquin bourré de petites réflexions intéressantes et de références qui le sont tout autant, des années 80 aux années 90. On sent que l’auteur y a mis ses tripes et le tout offre un très bon moment de lecture.

La guerre des bouffons, ed. Clique, 20 euros, 400 pages.

Deux secondes d’air qui brûle / Diaty Diallo

Une bande de potes fait face à un drame.

Lecture coup de poing ce roman de Diaty Diallo. Un premier roman qui aborde la question des violences policières mais aussi les répercutions sur le quartier, les vies de chacun, les quotidiens qui basculent. « Deux secondes d’air qui brûle » campe une atmosphère pleine de sons et d’amitiés. On y croise les paroles de SCH, des X-Men ou encore de PNL. On y croise un groupe de potes qui connaît les rouages aussi bien du quartier que les réactions prévisibles de la police. Il y a vraiment une forme de débrouille mise en évidence par l’autrice qui marque le lecteur. La violence et le stigmate que subissent ces jeunes quotidiennement sont loin d’être les seuls propos. Diaty Diallo s’arrête sur ce qui fait le quotidien des quartiers. Les motos à réparer, les barbecues montés, la solidarité. C’est tout un environnement qui se déploie sous la très belle plume de cette autrice, des parkings à une dalle de béton en passant par les toits des tours.

Deux secondes d’air qui brûle, ed. Seuil, 17,50 euros, 176 pages.

Tropique de la violence / Nathacha Appanah

Un roman magnifique à Mayotte où la violence se mêle à l’enfance.

Une plongée saisissante à Mayotte. Nathacha Appanah capte toutes les nuances d’une île sans détour et écrit merveilleusement bien. La violence et la jeunesse sont au centre du propos. Une claque cette lecture et un énorme coup de coeur.

Tropique de la violence, Ed. Folio, 6,90 euros, 192 pages.

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