Plexiglas / Antoine Philias

Deux personnages vivent en périphérie de Cholet et tentent de s’en sortir avec de petits boulots.

On découvre un duo qui va vite devenir attachant pour le lecteur dans ce livre d’Antoine Philias. D’un côté Elliot qui du haut de ses trente ans décide de revenir dans la ville de son enfance pour y chercher du travail. Il loge dans la maison vide de son grand-père non loin de la ville sur un bord de route. Une banlieue qui vit au rythme des voitures et des centres commerciaux. De l’autre côté on a Lulu qui a soixante ans et bosse en tant que caissière chez Carrefour. Les deux vont finir par se rencontrer et lier une très belle amitié. L’auteur décrit avec beaucoup de justesse les mondes du travail dont il est question, que ce soit la grande distribution ou tous les emplois qui gravitent autour. Les personnages ont un humour noir, un ton désabusé, mais aussi une lucidité rare. On se laisse porter par la plume de l’auteur et par les alternances entre les scènes de la vie quotidienne à pôle emploi, dans la galerie marchande, dans une EHPAD ou dans la galerie marchande. J’ai particulièrement été touché par les scènes dans la maison de retraite et le regard acéré et réaliste de l’auteur sur l’accueil des résidents et les conditions de travail des personnels. Un bouquin qui marque plein d’humanité.

Plexiglas, ed. Asphalte, 21 euros, 240 pages.

Bonhomme / Yvan Robin

Un adolescent passe l’été chez sa grand mère et n’est pas au bout de ses surprises.

J’avais hâte de relire Yvan Robin après avoir découvert l’auteur avec « Après nous le déluge ». Avec « Bonhomme » édité chez In8 dans la collection « Faction », une collection pour les plus jeunes, l’auteur dresse le portrait d’un adolescent qui se cherche et qui débarque chez sa grand-mère le temps d’un été. Un été pas tout à fait comme les autres pour Milo puisque des secrets de famille vont ressurgir. Ajoutez à cela de nouveaux potes dans la piscine municipale dans laquelle il a l’habitude d’aller, de futures soirées et vous avez au final un petit bouquin très bien amené qui se dévore. Les premiers émois, les premiers doutes, mais aussi les premières confrontations avec un monde des adultes bien sombre, tout y est. Et on passe un excellent moment dans ce petit bouquin qui dégage une singulière poésie.

Bonhomme, ed. In8, coll. Faction, 8,90 euros.

L’enragé / Sorj Chalandon

Un nouveau roman de Sorj Chalandon sur un centre pénitentiaire pour enfants à Belle-Ile-en-Mer.

Sorj Chalandon découvre l’existence d’un centre pénitentiaire pour mineurs à Belle-Ile-en-Mer en 1977, alors qu’il travaille à Libération. Un centre qui enferme des enfants qui ont 12 ans pour les plus jeunes. Des cancres, des marginaux qui ont déjà quelques casseroles derrière eux, des orphelins. Ce centre a pour objectif de rééduquer d’une manière bien particulière ces jeunes. L’auteur découvre après un travail de documentation fouillé que le centre a tout d’une prison et dans « L’enragé », il décide de se mettre dans la peau d’un des jeunes. Un enfant surnommé la Teigne à l’enfance difficile et violente. En 1934, dans ce même centre, de nombreux enfants se révoltent et tentent de fuir. Ils sont récupérés les uns après les autres dans les jours qui suivent sauf un. La Teigne a semble-t-il réussi à s’enfuir. Sorj Chalandon écrit un roman poignant sur des enfances maltraitées, sur des jeunes qui cherchent à se révolter. Des enfants qui ont parfois des difficultés à contrôler une colère enfouie qui ne demande qu’à ressurgir. Ce livre est aussi la chronique d’un échec, celui des bagnes pour enfants ou des méthodes d’encadrement violentes.

L’enragé, ed. Grasset, 22,50 euros, 416 pages.

Mai 67 / Thomas Cantaloube

Le dernier polar de Thomas Cantaloube s’intéresse aux Antilles, toujours avec en toile de fond la politique française des 60’s.

Troisième roman et troisième réussite pour Thomas Cantaloube. Dans « Mai 67 », il mêle de nouveau avec beaucoup de talent la politique française des années 60, les luttes de cette période et les aventures de ses personnages. Et justement les trois personnages des romans précédents ont évolué, que ce soit Luc Blanchard l’ancien flic reconverti en journaliste qui vit maintenant en Guadeloupe, Sirius Volkstrom le marginal toujours dans les mauvais coups et qui adore entretenir de l’ambivalence dans tout ce qu’il fait. Ou Antoine Luchesi, le marin corse qui après avoir travaillé plusieurs années dans l’illégalité du côté de Marseille a décidé de devenir skipper pour de riches propriétaires afin de calmer un peu les risques qu’il prenait au quotidien. On retrouve ces trois personnages avec quelques clins d’œil aux polars précédents. Dans celui-ci il est question de la condition des Antillais et Antillaise, de leur indépendance. On comprend vite que la métropole et ses magouilles ne s’arrêtent pas à la France métropolitaine, notamment les violences policières. L’auteur est souvent à la frontière entre le réel et la fiction et ses romans noirs sont toujours aussi passionnants. Après la France de Papon dans « Requiem pour une République » et la Françafrique dans « Frakas », direction la Guadeloupe dans ce nouveau roman. Peut-être un peu moins rythmé que les précédents, il reste un roman noir prenant et vraiment bien amené. Un nouveau coup de coeur.

Mai 67, ed. Gallimard, coll. Série Noire, 19 euros, 355 pages.

Pilgrim / Terry Hayes

Un redoutable agent secret doit faire face à une menace planétaire.

Le narrateur est un agent secret d’un genre un peu particulier. Il est missionné par les hautes autorités américaines pour enquêter sur les services de renseignement du pays. Un peu à la manière de l’IGPN, le personnage principal est un espion qui enquête sur d’autres espions. Évidemment il est redoutable. Du 11 septembre aux dernières menaces planétaires, Terry Hayes en met plein la vue à son lecteur. Malgré quelques répétitions dans certains procédés narratifs, on passe un très bon moment de lecture en traversant le globe. Un page turner à découvrir qui offre un juste dosage entre action, intrigues diplomatiques et personnages complexes. Du tout bon.

Pilgrim, ed. Le livre de poche, 11,90 euros, 912 pages.

Bien sûr que les poissons ont froid / Fanny Ruwet

Un premier roman qui oscille entre des réflexions sur notre condition et un humour noir bien senti.

La narratrice de cette histoire décide de partir à la recherche du garçon avec qui elle a entretenu une relation à distance sur MSN lorsqu’elle avait 15 ans. Un moment de sa vie qu’elle a toujours gardé en tête depuis le jour où ce mystérieux interlocuteur a disparu sans donner de raisons. Dix ans plus tard elle décide de chercher à le retrouver. Dans ce premier roman à mi chemin entre fiction et autobiographie, on retrouve le ton unique de l’humoriste mais aussi un juste dosage avec des passages qui touchent lorsque l’on découvre les névroses ou la vie de l’autrice. C’est toujours bien vu, Fanny Ruwet est une observatrice redoutable de nos petites habitudes, de notre condition. Ça donne à la fin un roman qui sort de l’ordinaire et qui touche. Un réel plaisir de lecture qui sort du lot.

Bien sûr que les poissons ont froid, ed. L’iconoclaste, 19 euros, 266 pages.

Vierge / Constance Rutherford

Un premier roman malin qui questionne avec justesse les normes autour du désir et du corps.

Maxine a vingt-cinq et se pose pas mal de questions. Le reste du temps, elle est surveillante dans un collège et observe les jeunes se chercher entre eux. Son entourage et ses potes ont des relations, font l’amour et elle de son côté est encore loin de se projeter dans tout ça. Elle vit chez sa grand-mère avec qui elle s’entend à merveille et qui va lui offrir un stage de théâtre. C’est dans ce stage que Maxine va être confrontée à ses angoisses et à ses obsessions. Constance Rutherford écrit un premier roman plein d’humour, avec un regard aiguisé sur toute une génération. On assiste à quelques scènes bien pensées, à tout un questionnement sur le corps et sur le désir. Merci à Babelio pour la découverte de ce titre original qui sort le 23 août chez Harper Collins et qui ne se résume pas au simple roman d’apprentissage.

Vierge, ed. Harper Collins, 19,90 euros, 208 pages.

Manhattan Grand-Angle / Shannon Burke

Une plongée dans le quotidien d’un ambulancier de Manhattan.

Un peu comme dans l’excellent 911 (un roman noir réédité récemment chez Sonatine que je vous conseille les yeux fermés), Shannon Burke s’inspire à nouveau de son expérience en tant qu’ambulancier à New York pour écrire ses fictions. C’est à partir de là que l’on se retrouve avec ce roman noir réaliste qui suit Frank, un ambulancier photographe à ses heures perdues. Mais un genre de photographie un peu particulier vous le découvrirez par vous-même. On est au milieu d’un quotidien sombre dans un quartier qui épargne peu de monde, y compris au sein de la brigade des ambulanciers. Un peu plus loin dans le roman le personnage va faire une rencontre qui va justement faire évoluer ce quotidien.L’auteur écrit un très bon polar qui zoome avec beaucoup de justesse sur de petites existences de Manhattan. On découvre les galères, les poisses dans lesquelles sont empêtrés certains, les marginaux. L’auteur a écrit « Manhattan Grand-Angle » avant « 911 » et on repère déjà le talent singulier de ce romancier dans ces chapitres courts qui s’enchaînent et qui posent une véritable atmosphère. Un bouquin âpre et sans pathos, à découvrir.

Manhattan Grand-Angle, ed. Gallimard, coll. Série Noire, 17,15 euros, 225 pages.

Le Syndrome du canal carpien / John Boyne

Chronique d’une famille accro aux réseaux.

La famille Beverley est une riche famille, entre le père qui est un présentateur reconnu de la BBC, la mère qui est une romancière a succès et les trois enfants qui grandissent au milieu de ces richesses. La famille Beverley a une autre particularité, elle est accro aux réseaux sociaux et à tout ce qui tourne autour. George, le père de la famille, va écrire le tweet de trop et les évènements vont se mettre à dérailler petit à petit pour la famille à partir de là. Dans un bouquin qui fait la part belle aux dialogues, on découvre un humour avec une bonne dose de cynisme et à d’autres moments une bonne dose de burlesque. John Boyne est très bon pour mettre en évidence nos comportements contradictoires ou les travers des réseaux sociaux. L’histoire illustre parfaitement les effets de ces réseaux avec des personnages réussis qui vont finir dépassés. J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire au début, mais une fois lancé on a bien envie de savoir où vont mener les excès de cette famille pas si singulière. Un bon moment de lecture qui se lit tout seul, parfait pour la saison.

Le Syndrome du canal carpien, ed. JC Lattès, 22,90 euros, 480 pages.

Arène / Négar Djavadi

Radiographie d’une ville qui sombre dans la violence sous toutes ses formes.

Direction Belleville dans ce roman de Négar Djavadi. Un quartier populaire de Paris à l’intersection de plusieurs arrondissements. La romancière tisse au fur et à mesure des histoires parallèles, jusqu’à un événement qui va faire éclater les trajectoires des personnages. Un jeune d’un quartier est retrouvé mort par une policière non loin d’un canal parisien. Chaque personnage va alors être mêlé de près ou de loin au drame. Un événement qui va littéralement mettre le feu aux poudres à plusieurs niveaux dans Paris. Négar Djavadi aborde dans ce roman sombre et urbain le pouvoir des images, du storytelling, le choc de différents mondes ou encore la ségrégation urbaine. On est happé par cette histoire qui questionnent de nombreuses thématiques. Une histoire plausible qui tend à plusieurs reprises vers le roman noir. « Arène » offre une galerie de personnages marquants qui restent en tête une fois le livre refermé.

Arène, ed. Liana Levi, 12,50 euros, 464 pages.

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