Ordalie / Morgan of Glencoe

La suite des aventures du Yuri qui a bien évolué dans ce troisième tome.

Je continue la série de « La Dernière Geste » avec « Ordalie », le troisième tome des aventures de la jeune Yuri. Au début de ce troisième tome elle vit en Keltia depuis plusieurs mois, elle a muri et Louis-Philippe de son côté règne sur le royaume de France. Les deux pays ne s’entendent toujours pas et les choses vont déraper dans ce troisième roman. Une guerre mondiale couve mais des solutions existent. Yuri va devoir revenir dans le Royaume de France en tant qu’ambassadrice de Keltia pour apaiser les tensions mais elle ne sera pas la seule à agir dans ce sens. On retrouve avec beaucoup de plaisir les personnages de Morgan of Glencoe. Du jeune Pyro à Yuri en passant par le roi Louis-Philippe ou la capitaine Trente-Chênes. Les parallèles malins avec la société contemporaine et le monde imaginaire de l’autrice sont toujours aussi savoureux. C’est par exemple une altercation raciste envers les fées qui est en grande partie à l’origine des tensions entre les deux royaumes. Morgan of Glencoe rend ses personnages complexes, attachants et ils évoluent d’un bouquin à l’autre. On est embarqués dans les aventures et les passages touchants alternent avec les passages plus dramatiques. L’humour n’est pas en reste, comme dans les deux premiers romans. Je vous invite à découvrir cette très belle série de Fantasy où la diplomatie tient une place centrale dans les intrigues, que ce soit à petite échelle ou à grande échelle, les enjeux s’imbriquent très bien dans le Paris du XVIIIe siècle. C’est une pentalogie qui est annoncée et on ne peut que se réjouir de retrouver bientôt la suite (suite que l’on entraperçoit d’ailleurs à la fin du roman). On aime aussi retrouver l’art du dialogue de la romancière qui ne laisse rien au hasard, comme lorsqu’il est question du statut des personnages féminins par exemple. Du très bel ouvrage du début à la fin.

Ordalie, ed. ActuSF, 17,90 euros, 485 pages.

L’Ange rouge / François Médéline

Un roman noir (très) sombre et prenant dans la ville des gones.

Alain Dubak et son équipe de la police criminelle vont se retrouver sur une affaire sordide fin des années 90. Un cadavre est retrouvé alors qu’il dérive sur la Saône sur un radeau. Mutilé, il est retrouvé dans une mise en scène glauque et Alain Dubak n’est pas au bout de ses peines pour donner du sens à ce premier meurtre qui en appelle d’autres. Le commandant peut compter sur son équipe. Flic intègre et qui traîne ses vieux démons notamment lorsqu’il travaillait pour les STUPS ou lorsqu’il pense encore à son ex compagne, il ne va rien lâcher. Entre les médias aux aguets et la hiérarchie qui préfère trouver un coupable au plus vite, l’équipe de Dubak va être embarquée dans une enquête complexe. Le tueur n’a pas prévu de s’arrêter. C’est rythmé, sombre et très efficace. On sent que François Médéline a une affection toute particulière pour Ellroy. « L’ange rouge » est un pur roman noir qui ne s’essouffle pas et qui nous montre une part sombre de Lyon. La ville et son atmosphère font parties intégrantes du récit tout comme la politique. Les personnages sortent de l’ordinaire et restent ambivalents tout au long de l’histoire. Mention spéciale à Mamy, seconde dans l’équipe de Dubak et lucide comme jamais sur ce qui se déroule devant leurs yeux. J’avais un très bon souvenir de « Les rêves de guerre » et je retrouve avec plaisir François Médéline dans « L’ange rouge », un polar qui envoie du bois et à la construction précise. On est à la limite du thriller et on a beaucoup de mal à lâcher ce roman noir. Redoutable.

L’Ange rouge, ed. La manufacture de livres, 20,90 euros, 506 pages.

Dernière station avant l’autoroute / Hugues Pagan

Le classique de Pagan, pur roman noir.

Un député est retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel. L’homme s’est suicidé et a laissé derrière une lui une disquette avec des données importantes que personne ne retrouve. Le commandant divisionnaire du 12ème arrondissement de Paris et qui travaille de nuit se rend sur les lieux et s’occupe de cette affaire. Malheureusement ces données vont attirer toutes les convoitises et elles demeurent introuvables. Le commandant devient une cible lorsque l’on apprend qu’il est arrivé le premier sur les lieux et qu’il a potentiellement embarqué avec lui cette fameuse disquette (une autre époque). L’intrigue n’est pas forcément des plus originales mais tout le sel des romans d’Hugues Pagan ne se trouve pas là. L’auteur écrit avec des images marquantes et campe comme dans « Le carré des indigents » son dernier roman noir en date, une ambiance pesante et poisseuse. Son personnage a bien d’autres problèmes à traiter que cette histoire de disquette et l’on apprend à le connaître au fil du roman. Un homme désabusé, torturé, en quête de sens dans son quotidien et mélomane à ses heures perdues. Un homme qui connaît comme personne la misère humaine et qui décèle avec une acuité rare les parts d’ombre chez ses interlocuteurs. Il travaille de nuit et ça lui va très bien. Il est embarqué à son insu dans cette histoire de disquette et même si au début il en a strictement rien à faire, les choses ne vont pas se simplifier pour lui. « Dernière station avant l’autoroute » est un polar bien sombre, plein de poésie dans lequel on retrouve le ton unique et travaillé de Pagan.

Dernière station avant l’autoroute, ed. Rivages, coll. Rivages noir, 8,50 euros, 432 pages.

Sous la ville rouge / René Frégni

Trajectoire d’un écrivain marseillais qui ne parvient pas à se faire éditer, sous la plume de René Frégni.

Charlie vit à Marseille et fait de la boxe dans un petit club de son quartier. Le reste du temps, il écrit chez lui et tente de se faire publier. Après de nombreux refus dans différentes maisons d’édition parisiennes, Charlie n’est plus très loin de se décourager. Pourtant il prend le pouls de sa ville comme personne. Mais rien à faire l’inspiration ne suffit pas et cela ne fonctionne pas. Jusqu’au jour où un éditeur le rappelle, son écriture lui plait et il souhaite le rencontrer à Paris. On retrouve les thèmes qui parcourent l’œuvre de René Frégni, de la prison au désir d’écriture en passant par la description de sa région et de Marseille. Les rencontres sont aussi très importantes et les personnages qui entourent Charlie sont marquants. L’auteur s’attarde sur des atmosphères et il saisit très bien celle de Marseille dans ce court roman qui peut se lire d’une traite. L’écriture est pleine de poésie et comme souvent chez l’auteur on passe un très bon moment de lecture.

Sous la ville rouge, ed. Folio, 6,90 euros, 144 pages.

Le livre de Daniel / Chris de Stoop

Un agriculteur, l’oncle de l’auteur, meurt dans des circonstances troublantes dans sa ferme.

Ce livre est l’histoire d’un homme, un agriculteur isolé qui a été assassiné dans sa ferme suite à un cambriolage. Un groupe de jeunes venu pour récupérer l’argent liquide du vieil homme laisse le vieil homme pour mort. L’auteur Chris de Stoop, le neveu de Daniel, s’est penché sur cette affaire pour comprendre comment ces jeunes en étaient arrivés là et dans quelles circonstances son oncle est mort. Dans ce récit enquête, l’auteur revient dans la région près de Roubaix et découvre la vie de son oncle qui peu de temps avant sa mort ne voyait déjà plus grand monde. Chris de Stoop décide de se porter partie civile au procès des jeunes. Toute une partie du livre est dédiée à ce procès. « Le livre de Daniel » est un livre âpre, dans lequel on découvre ce que c’est que la vie d’agriculteur et les dettes qui se multiplient ces dernières années dans le monde agricole. Ce livre est aussi la peinture d’une jeunesse désœuvrée qui comme le vieil homme solitaire, est stigmatisée mais pour d’autres raisons. Le récit est précis, l’auteur ne cherche pas à prendre parti, mais souhaite avant tout comprendre, mettre des mots sur les réactions de chacun, les chaines de conséquences. « Le livre de Stoop » est le récit fouillé d’un fait divers, mais aussi le reflet d’une époque.

Le livre de Daniel, ed. Globe, 22 euros, 288 pages.

Tout part à la nuit / Louis Cabaret

Une mère de famille qui élève seule ses deux enfants fait une rencontre sans imaginer une seule seconde la suite.

Tiffanie élève seule ses deux enfants depuis que son conjoint est en prison suite à un braquage. Chris l’ainée de quinze ans est plutôt impulsif et a parfois du mal à se contenir, ce qui va compliquer sa scolarité au collège. Joris de son côté est plus tempéré du haut de ses sept ans. Tiffanie lutte dans ce quotidien qui ne lui fait pas de cadeau et la fatigue s’accumule. Aide-soignante, elle tente de concilier vie personnelle et vie professionnelle, mais c’est une lutte au quotidien en étant seule avec ses deux fils. Le soir d’un 14 juillet lors d’une fête, elle fait la rencontre de Marvin, un homme qui va entrer dans sa vie et qui va finir par l’aider à gérer ses enfants. La pilule passe pour Chris au bout d’un moment, mais Joris le cadet n’a de cesse de se méfier de cet homme qui est entré dans la vie de sa mère. Louis Cabaret écrit un roman noir tendu. La tension monte crescendo et on a rapidement le sentiment qu’il ne faut pas se fier aux apparences. « Tout part à la nuit » est aussi un texte qui sonne juste dans les descriptions de cette famille qui tente de continuer à vivre après l’incarcération du père et malgré les comportements marginaux des deux enfants. Curieux de lire à nouveau la plume cet auteur.

Tout part à la nuit, ed. Liana Levi, 19 euros, 208 pages.

La prochaine que tu mordras la poussière / Panayotis Pascot

Le récit de soi et d’une relation au père.

En revenant sur son parcours et sur sa relation à son père, Panayotis Pascot écrit un récit autobiographique dans lequel chaque mot est pesé. L’auteur est un fin observateur de nos comportements et ça se sent. Que ce soit lorsqu’il revient sur son enfance ou sur ses premières découvertes de la sexualité, Panayotis Pascot se livre sans détour en choisissant l’image juste, en mettant en évidence le ressenti qu’il a perçu à ce moment-là de sa vie. Il est aussi question de nos contradictions, à commencer par les siennes. Ce récit plein de lucidité touche le lecteur, notamment cette relation à son père qui évolue, mais qui est loin d’être simple. Passer à l’écriture, poser des mots sur ses sentiments, il a très tôt procédé de la sorte et cela fonctionne très bien dans « La prochaine fois que tu mordras la poussière ». Après avoir travaillé pour la télé puis après avoir tourné avec son spectacle, l’humoriste prend le temps de s’arrêter sur sa vie, sur ses épreuves. Le temps de l’écriture a toute son importance. La lecture est fluide et on prend beaucoup de plaisir à suivre les pensées de ce narrateur qui se cherche.

extrait : « Moi aussi j’avais cet équilibre « ça ne sort pas, ça ne rentre pas ». Puis j’ai décidé de me battre contre. J’ai commencé à vouloir faire l’inverse de mon père, à vouloir tout faire sortir. Et j’ai choisi ce métier. Parler de soi, tout le temps, partout. Vider son sac, sur scène, à la télé, dans un bouquin. Ça me fait du bien, ça m’aide à me comprendre, à me sentir, à me constater, comme on constate un accident. On voit là où il y a des dégâts puis on essaie de combler, de repeindre, de réparer. On répare mieux quand c’est dehors, quand c’est visible, concret. »

La prochaine fois que tu mordras la poussière, ed. Stock, 19,50 euros, 240 pages.

La dernière place / Négar Djavadi

La radiographie d’un pays à travers un évènement impliquant la famille de la romancière.

Tout démarre avec le vol 752 qui décolle de Téhéran le 8 janvier 2020 et qui se crash peu de temps après avec 176 passagers à son bord. Un vol qui devait relier Téhéran à Kiev et dans lequel Niloufar Sadr la cousine de la romancière se trouvait. Le crash a lieu dans un contexte où les tensions sont exacerbées entre les États-Unis et l’Iran. L’autrice questionne tout au long de ce livre les raisons d’un tel crash en creusant au delà la communication politique de l’époque. Elle retrace le parcours de sa cousine qui devait se rendre à Toronto après son vol jusqu’à Kiev pour rentrer chez elle. A mi chemin entre le récit d’une famille qui évolue dans l’Iran d’aujourd’hui et une enquête fouillée sur le crash de cet avion, Négar Djavadi écrit avec « La dernière place » un témoignage fort qui résonne avec les évènements qui vont suivre en Iran, notamment le mouvement révolutionnaire qui s’est emparé du pays à l’automne 2022. A partir d’une tragédie impliquant sa famille, l’autrice finit par élargir sa focale en travaillant un point de vue plein de lucidité sur la situation politique dans son pays. Comme elle le dit très bien dans une interview cette histoire n’est pas uniquement celle de la chute d’un avion mais aussi celle des mensonges d’un régime.

La dernière place, ed. Stock, 20,50 euros, 320 pages.

Les hommes / Richard Morgiève

Un roman touchant sur un truand sur le retour.

« Les hommes » c’est l’histoire de Mietek, un personnage qui sort de prison dans les années 70 et qui pendant les années Giscard, va tenter de se réinsérer à sa façon. Autrement dit retomber dans ses combines et pas forcément faire l’apologie de la légalité. Le lecteur suit la vie de ce personnage sur le retour qui se cherche, qui est ambiguë, qui tombe amoureux d’une femme alors que cet amour est impossible. Certaines scènes marquent, les personnages sont complexes mais ce qui fait tout le charme pour moi de ce bouquin c’est la plume de Richard Morgiève. Une plume que je découvre et qui sans détour dépeint des vies avec une justesse rare, toute une atmosphère, des émotions. On a aussi le sentiment de lire des passages qui sortent du lot. On peut croiser de la poésie au détour d’un passage notamment lorsque se pose la question de la paternité pour Mietek. C’est toute une vie qui défile sous nos yeux, celle d’un escroc sur le retour qui va constater amèrement que ce retour ne sera pas si simple. Un très bon roman qui est aussi une forme d’hommage aux gangsters d’une époque et à tout un imaginaire autour de ces bandits des années 70. Je découvre le ton sensible voire amer de l’auteur avec ce livre sur un marginal. Un personnage qui nous reste en tête une fois la dernière page tournée.

extrait : « On ferait partie de l’histoire des gens, de la chaîne, on ne serait plus orphelins, ni elle ni moi. »

Les hommes, ed. Joelle Losfeld, 22,50 euros, 368 pages.

Mapuche / Caryl Férey

Un roman noir haletant avec en toile de fond les conséquences de la dictature de Videla en Argentine.

Direction l’Argentine dans ce roman noir de Caryl Ferey. Une argentine post dictature, dans laquelle Jana une jeune sculptrice mapuche rencontre un détective privée, Rubén. Rubén recherche les enfants disparus suite à la dictature de Videla instaurée à partir de 1976 jusqu’en 1983. Le régime a changé mais ces méthodes dictatoriales ont laissé des traces. Les Mères de la Place de Mai, une association de mères argentines, continuent de chercher les enfants de prisonniers disparus pendant la dictature et Rubén apporte son aide. Des enfants qui étaient enlevés aux prisonniers pour être placés dans des familles proche du pouvoir. Jana et Rubén vont finir par se rencontrer au croisement de la grande Histoire, dans un pays en reconstruction qui a bien du mal à composer avec son passé. L’auteur malgré quelques tournures discutables écrit un polar prenant avec un bon équilibre entre les apports documentaires et l’histoire de ces deux personnages. Deux personnages qui deviennent attachants au fil de l’histoire. C’est rythmé, efficace. Caryl Ferey est redoutable pour embarquer son lecteur.

Mapuche, ed. Folio, 9,70 euros, 560 pages.

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