Littérature et révolution / Joseph Andras et Kaoutar Harchi

Un riche dialogue qui questionne le statut du politique dans la littérature.

Le livre est un long entretien entre Joseph Andras et Kaoutar Harchi. Différentes thématiques sont abordées au fil du dialogue. Le statut d’un auteur ou d’une autrice par rapport à son oeuvre, le rapport à l’écriture, le rapport au politique ou encore le rapport au salariat d’une profession finalement très précaire. On suit avec beaucoup d’intérêt les réflexions et notamment lorsque Kaoutar Harchi et Jospeh Andras reviennent sur la genèse de leurs bouquins ou sur la réception du grand public. « Littérature et révolution » est un essai qui ouvre de nombreuses perspectives et un peu comme le livre précédent de Clémentine Beauvais, il questionne notre rapport à la lecture en profondeur. Un riche essai à découvrir qui donne envie de relire les livres des deux auteurs. J’avais beaucoup aimé « De nos frères blessés » de Joseph Andras, une lecture qui m’avait soufflé à l’époque.

À paraitre le 12 janvier.

Littérature et révolution, ed. Divergences, 16 euros, 240 pages.

Rouvrir le roman / Sophie Divry

Un nouvel essai sur l’art du roman mais surtout un essai à l’approche originale.

Un essai stimulant sur le roman et ses définitions multiples. L’autrice s’attarde sur ce qui forme une fiction, de l’accueil en maison d’édition au contenu en passant par la question du temps de création, l’art du dialogue ou le genre littéraire. « Rouvrir le roman » est un essai clair et documenté qui donne aussi envie de découvrir de nouvelles lectures. Un peu comme dans le livre de David Meulemans aux forges de vulcain sur la question de la création, l’approche est originale ici aussi. C’est percutant, ça laisse à penser et si vous ne connaissez pas la romancière ça fait une jolie porte d’entrée dans son travail.

Rouvrir le roman, ed. J’ai lu, 7,10 euros, 196 pages.

Sous la ville rouge / René Frégni

Trajectoire d’un écrivain marseillais qui ne parvient pas à se faire éditer, sous la plume de René Frégni.

Charlie vit à Marseille et fait de la boxe dans un petit club de son quartier. Le reste du temps, il écrit chez lui et tente de se faire publier. Après de nombreux refus dans différentes maisons d’édition parisiennes, Charlie n’est plus très loin de se décourager. Pourtant il prend le pouls de sa ville comme personne. Mais rien à faire l’inspiration ne suffit pas et cela ne fonctionne pas. Jusqu’au jour où un éditeur le rappelle, son écriture lui plait et il souhaite le rencontrer à Paris. On retrouve les thèmes qui parcourent l’œuvre de René Frégni, de la prison au désir d’écriture en passant par la description de sa région et de Marseille. Les rencontres sont aussi très importantes et les personnages qui entourent Charlie sont marquants. L’auteur s’attarde sur des atmosphères et il saisit très bien celle de Marseille dans ce court roman qui peut se lire d’une traite. L’écriture est pleine de poésie et comme souvent chez l’auteur on passe un très bon moment de lecture.

Sous la ville rouge, ed. Folio, 6,90 euros, 144 pages.

Même les monstres / Thierry Illouz

L’auteur revient sur sa vie et son expérience d’avocat.

Thierry Illouz parle de son parcours avec pudeur dans ce court récit autobiographique. Après sa naissance à Sétif en 1961, il grandit dans une cité avant de devenir avocat. Un avocat qui s’intéresse très vite aux marginaux et au statut de l’agresseur. Pour finir par défendre en majorité des agresseurs, des coupables. Les « monstres » comme certains les appellent selon l’affaire dont il est question. Un mot qui déshumanise et dont il est question à plusieurs reprises. Thierry Illouz en profite pour développer une réflexion sur la notion de justice, sur la place de la prison ou sur tout ce que représentent les tribunaux dans l’imaginaire collectif. Il se demande pourquoi il souhaite aussi ardemment défendre les coupables, les agresseurs. Pourquoi ces mêmes agresseurs provoquent une fascination morbide lorsque par exemple de nombreux lecteurs et lectrices lisent et dévorent des polars avec des meurtres et des coupables. « Même les monstres » donne un texte sincère, plein d’humanité et tout en nuance.

Même les monstres, ed; L’Iconoclaste, 13 euros, 105 pages.

L’eau de toutes parts / Leonardo Padura

Vivre et écrire à Cuba.

Après avoir découvert Leonardo Padura avec « L’automne à Cuba », je découvre l’envers du décor avec cette essai sur son écriture et sur l’île de Cuba, son fief de coeur. L’auteur s’attarde sur son environnement, sur les raisons qui l’ont poussé à rester vivre à Cuba toutes ces années. Il questionne l’évolution de son écriture dans ce contexte et l’impact que peut avoir cette île dans son oeuvre. C’est passionnant d’entrer dans la fabrique de ses romans, ça donne envie de continuer la lecture des aventures de son personnage Mario Conde. On en apprend beaucoup sur l’histoire de Cuba, ses orientations politiques ces dernières années mais aussi sur les influences de Leonardo Padura.

L’eau de toutes parts, ed. Métailié, 24 euros, 400 pages.

Comment écrire de la fiction ? / Lionel Davoust

Rêver, construire, terminer ses histoires.

Lionel Davoust rassemble dans ce bouquin une grande partie de l’expérience acquise lors de ses différents ateliers d’écriture, des romans qu’il a écrit ou encore des articles sur son blog sur le thème de l’écriture. L’auteur questionne avec une curiosité contagieuse les procédés d’écriture dans la fiction depuis un moment déjà. Ce livre en est un nouvel exemple. Il décortique comment un scénario peut s’agencer et comment on peut mener jusqu’à son terme un projet d’écriture. Il donne aussi quelques conseils qu’il aurait bien aimé avoir à ses débuts notamment des conseils très pratiques. C’est un livre qui ne donne pas de recettes mais qui avec un ton bien à lui renouvelle l’approche. Quelques extraits de romans, des références bibliographiques intéressantes et des schémas parsèment le tout. Un essai stimulant et que l’on a envie d’annoter régulièrement. On sent le passionné derrière la page. Un riche petit bouquin qui aborde aussi bien la question de la création que celle de l’écriture.

Comment écrire de la fiction ?, ed. Argyll, 14,90 euros, 162 pages.

Certains coeurs lâchent pour trois fois rien / Gilles Paris

Un très beau texte sur une lutte contre la dépression.

Gilles Paris revient sur une grande partie de sa vie dans « Certains cœurs lâchent pour trois fois rien ». Une vie marquée par la dépression, le thème central de cette autobiographie. Du vécu de la dépression à ses représentations dans la société, Gilles Paris compose un récit sensible et plein de justesse. Que ce soit dans la relation avec son père ou dans sa vie quotidienne, l’auteur décrit comment il s’est construit mais aussi comment il a composé avec ses boulets. La dépression est une maladie sournoise, peu prise en compte dans notre société et qui agit dans un travail de sape sur le long terme. On discerne un regard sur la psychiatrie à travers ses lignes, mais aussi un regard sur la différence. Un très beau témoignage qui touche.

Certains coeurs lâchent pour trois fois rien, ed. Flammarion, 19 euros, 224 pages.

Écrire son premier roman en dix minutes par jour / David Meulemans

Un livre bien construit et plein de bonnes idées sur l’écriture.

Avec beaucoup de pédagogie et une approche de l’écriture qui s’inspire de son expérience d’éditeur Aux forges du Vulcain, David Meulemans écrit un livre stimulant sur l’écriture et sur la fiction. L’auteur a recueilli au fil des rencontres, et de ses expériences en ateliers d’écriture des conseils qui peuvent servir les auteur.e.s débutant.e.s ou non. C’est intéressant comme approche car David Meulemans ne délivre pas des conseils à la suite et nuance régulièrement son propos. Il s’appuie sur des retours d’expérience, des petits exercices qui peuvent aider notamment à écrire ou encore des invariants qu’il a repérés pour faciliter la création, l’improvisation. Le panorama est complet, de l’écriture à la réécriture en passant par le cœur de la fiction avec les personnages et l’intrigue. C’est un livre très riche qu’on a envie de relire pour l’annoter et qui est pour moi un des plus intéressants sur la question.

Écrire son premier roman en dix minutes par jour, ed. Aux forges de Vulcain, 18 euros, 192 pages.

Le second disciple / Kenan Görgün

Un roman noir dérangeant et impressionnant sur la radicalisation.

Xavier, ancien militaire envoyé en Irak, se retrouve en prison après une rixe dans un bar. Il y rencontre Abu Brahim, un prédicateur islamiste et peu de temps avant sa remise en liberté, il se convertit. Xavier devient Abu Kassem, l’un des noms du prophète de l’islam.

C’est à partir de ce personnage que l’auteur construit son récit. Un roman noir impressionnant et dérangeant, qui interroge des zones d’ombre du terrorisme. Les hommes derrière les terroristes, les mécanismes qui amènent à la radicalisation, les familles et les relations autour des terroristes. Tout cela est dépeint et questionné d’une manière remarquable par l’auteur Kenan Görgün. Ce roman dense fait réfléchir et remue le lecteur jusqu’aux dernières pages. Encore une belle trouvaille croisée sur le blog polar « Nyctalopes ».

Le second disciple, Ed. Les arènes, coll. Equinox, 20 euros, 400 pages.

Manuel d’écriture et de survie / Martin Page

Et voilà le premier article d’une série à venir pour faire un point sur les dernières lectures en date, ça fait un petit moment que je n’avais pas publié, l’occasion pour moi de partager les livres lus durant ces dernières semaines (spoiler : avec des coup de cœur dedans).

Dans un premier temps une belle découverte à travers un court récit édité en poche chez Points et intitulé Manuel d’écriture et de survie. Je ne connaissais pas Martin Page et je suis tombé sur ce livre en recherchant des bouquins autour de l’écriture. L’auteur choisit de construire son récit sous la forme d’un dialogue à la façon des Lettres à un jeune poète de Rilke. Le dialogue se déroule entre une jeune auteure Daria et Martin Page. Les échanges prennent des formes diverses et plus actuelles (les mails par exemple). Les conversations entre les deux se lisent très bien et tournent autour de l’écriture, du monde littéraire mais aussi sur le quotidien et le rapport au monde d’une jeune auteure (la précarité, les doutes liés au regard des autres sur son travail, sur soi et plein d’autres choses encore).

C’est un récit qui n’est pas dénué d’humour et on sent que l’auteur a vécu de nombreuses situations similaires à Daria. Il ressort du livre une forme de sagesse à travers les conseils de l’auteur sans pour autant donner l’impression d’enchaîner des « recettes » sur l’écriture ou d’adopter un ton supérieur par rapport à son interlocutrice. C’est très bien vu et c’est aussi riche lorsque les réflexions portent sur la vie et le quotidien, au delà de l’écriture.

À noter que la plume de l’auteur me plaît beaucoup et en me penchant sur son travail, j’ai très envie de lire son roman de science-fiction (adapté au cinéma il me semble) et intitulé La nuit a dévoré le monde. À vous de jeter un oeil au thème c’est aussi tentant.

Manuel d’écriture et de survie, ed. cercle Points (poche), 6,50 euros, 216 pages.

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