L’Ange rouge / François Médéline

Un roman noir (très) sombre et prenant dans la ville des gones.

Alain Dubak et son équipe de la police criminelle vont se retrouver sur une affaire sordide fin des années 90. Un cadavre est retrouvé alors qu’il dérive sur la Saône sur un radeau. Mutilé, il est retrouvé dans une mise en scène glauque et Alain Dubak n’est pas au bout de ses peines pour donner du sens à ce premier meurtre qui en appelle d’autres. Le commandant peut compter sur son équipe. Flic intègre et qui traîne ses vieux démons notamment lorsqu’il travaillait pour les STUPS ou lorsqu’il pense encore à son ex compagne, il ne va rien lâcher. Entre les médias aux aguets et la hiérarchie qui préfère trouver un coupable au plus vite, l’équipe de Dubak va être embarquée dans une enquête complexe. Le tueur n’a pas prévu de s’arrêter. C’est rythmé, sombre et très efficace. On sent que François Médéline a une affection toute particulière pour Ellroy. « L’ange rouge » est un pur roman noir qui ne s’essouffle pas et qui nous montre une part sombre de Lyon. La ville et son atmosphère font parties intégrantes du récit tout comme la politique. Les personnages sortent de l’ordinaire et restent ambivalents tout au long de l’histoire. Mention spéciale à Mamy, seconde dans l’équipe de Dubak et lucide comme jamais sur ce qui se déroule devant leurs yeux. J’avais un très bon souvenir de « Les rêves de guerre » et je retrouve avec plaisir François Médéline dans « L’ange rouge », un polar qui envoie du bois et à la construction précise. On est à la limite du thriller et on a beaucoup de mal à lâcher ce roman noir. Redoutable.

L’Ange rouge, ed. La manufacture de livres, 20,90 euros, 506 pages.

La République des faibles / Gwenaël Bulteau

Un roman noir Lyonnais qui se déroule à la fin du 18e siècle. Une vraie réussite.

Nous sommes à Lyon en 1898, le roman démarre sur la découverte d’un cadavre d’enfant par un chiffonnier. Le corps a été abandonné sur une décharge à ciel ouvert dans le quartier de la Croix Rousse. L’homme panique et s’en va en faire part à la police qui se lance alors dans une longue et laborieuse enquête. Cette enquête est confiée au commissaire Soubielle et à sa brigade. Une brigade qui n’est d’ailleurs pas homogène du tout politiquement et en pleine affaire Dreyfus les tensions affleurent même au sein de la police. Dès les premières pages, on est transportés dans ce Lyon de la fin du 18e siècle. On a le sentiment de sentir les odeurs de la ville, de visualiser les ruelles lyonnaises crasseuses et de découvrir toute une époque. La Commune est passée et est encore dans toutes les têtes. L’auteur porte une attention toute particulière au contexte historique et à l’environnement dans « La république des faibles » sans délaisser pour autant l’intrigue. On découvre les recoins les plus sombres et les quartiers pauvres (à l’époque) de Lyon. On suit les personnages sur les pentes de la Croix-Rousse. Les chapitres courts complètent bien le tout en rythmant avec un bon dosage le récit. « La république des faibles » est une belle découverte avec des personnages marquants.

La Républiques des faibles, ed. La Manufacture de livres, 19,90 euros, 368 pages.

U4 : Stéphane / Vincent Villeminot

Une épidémie se propage et les jeunes entre 15 et 18 ans survivent d’une manière bien mystérieuse.

Un étrange virus se répand dans la population en quelques jours. Les adultes meurent les uns après les autres, mais les adolescents entre 15 et 18 ans survivent sans explication. C’est dans ce contexte où chacun tente de survivre que Vincent Villeminot emmène son lecteur dans la ville de Lyon au début du roman. On y suit quelques personnages et notamment Stéphane une jeune fille qui tente de savoir si son père a survécu ou non à cette épidémie foudroyante. En effet son père est un médecin reconnu qui travaille sur les épidémies et il a mystérieusement disparu après l’apparition des premiers symptômes dans la population. On suit donc des ados qui tentent de survivre dans un environnement devenu hostile où chacun souhaite sauver sa peau. Vincent Villeminot comme toujours amène un récit rythmé et prenant. On retrouve une façon bien à lui d’aborder les relations notamment les relations familiales. Ça donne envie de lire les trois autres titres qui se passent dans le même environnement et qui ont été écrits par trois autres auteurs. Chaque roman se focalise sur les péripéties d’un jeune qui tente de surnager au sein de l’épidémie.

Stéphane, ed. PKJ, 7,95 euros, 456 pages.

Tenir jusqu’à l’aube / Carole Fives

Une femme seule élève son enfant et tente de surnager.

Lyon. Une femme élève seule son enfant et tente de surnager en continuant à travailler et en s’occupant de son fils. Malheureusement il est bien compliqué pour elle de payer son loyer et de tout faire. Lorsque ce n’est pas son conjoint qui lui impose des contraintes par son absence, c’est le fonctionnement de la société qui lui rappelle sa condition. Rien n’est facilité et le seul moyen pour elle de tenir consiste à s’aménager de petites balades dans le quartier lorsque son fils est endormi le soir. Un temps suspendu. Une soupape. Un temps de réflexion.

Carole Fives met très bien en évidence dans ce récit plein de justesse les difficultés d’une mère célibataire. Les injonctions qui pèsent sur elles. Il faut pouvoir être là toute la journée pour son enfant. Il faut savoir « s’organiser » pour être disponible dans son travail. Il faut palier à l’absence du père et aux questionnements de l’enfant. Une charge. Un quotidien qui laisse peu de respiration. L’autrice intègre dans son récit des moments où le personnage se rend sur des forums pour discuter de sa situation. Une occasion supplémentaire pour la lectrice ou le lecteur de constater comment les gens réagissent face au célibat et à la maternité. Les remarques acerbes fusent, provenant parfois d’autres mères célibataires. Comme en écho au thème du livre de Samira El Ayachi lu il y a peu, ce roman de Carole Fives vise juste.

Tenir jusqu’à l’aube, ed. Folio, 7 euros, 192 pages.

Enfant de salaud / Sorj Chalandon

Sorj Chalandon lève le voile sur le passé de son père durant la seconde guerre mondiale. Poignant.

Sorj Chalandon se penche sur le passé de son père, un passé obscur qu’il entrevoit lorsqu’il décide d’assister à ses côtés au procès de Klaus Barbie entre le 11 mai et le 3 juillet à 1987 à Lyon. Les réactions de son père face aux témoignages des victimes durant le procès lui semblent bizarre et son comportement laisse un sentiment de malaise chez l’auteur. C’est à partir de ce moment là qu’il commence à se questionner sur ses agissement pendant la seconde guerre mondiale. Un père qui a longtemps raconté des histoires prenantes sur sa jeunesse à son enfant et qui s’avère pour beaucoup d’entre elles fausses. On discerne petit à petit la raison du titre du livre.

Ce n’est que récemment en 2020 que Sorj Chalandon découvre l’histoire de son père en exhumant un extrait de casier judiciaire dans des archives lilloises. Un casier qui mentionne son emprisonnement en 1945. L’auteur se rend compte qu’il ignore une grande partie de la vie de son père. Le récit alterne entre le procès de Klaus Barbie et le passé de son père. Un récit écrit avec la force des mots de Sorj Chalandon et avec beaucoup de sincérité. L’histoire personnelle se mêle à la grande et on sent l’auteur qui se dévoile beaucoup au fil des pages. Certaines passages sont poignants à la frontière entre le roman et l’autobiographie. Je suis très curieux de découvrir à la lumière de celui-ci les deux romans précédents du journaliste qui abordent la figure paternelle, Profession du père et La légende de nos pères.

Enfant de salaud, ed. Grasset, 336 pages, 20,90 euros.

Demain c’est loin / Jacky Schwartzmann

Une rencontre et une cavale.

Un titre en référence à un classique du groupe marseillais I am, évidemment ça attise ma curiosité. J’aime beaucoup la gouaille et le flow des groupes marseillais, la Fonky Family en tête. Bah j’ai le plaisir de vous dire que j’ai retrouvé cette gouaille dans le roman de Jacky Schartzmann. Initialement paru au Seuil en 2017, je m’étais mis de côté ce roman noir après avoir découvert l’auteur dans sa dernière parution tout aussi perché, Pension complète. Dans Demain c’est loin, on découvre un récit rythmé plein d’autodérision, qui fait la part belle à l’action et aux jeux de mots et qui se déroule en grande partie à Lyon. L’écriture va droit au but (sans charrier l’OL bien sûr) et on est curieux de voir le résultat de la cavale des deux personnages principaux, François et Juliane, que tout oppose.

Je suis parfois déçu lorsque je me note un roman et que je tourne autour longtemps avant de le lire. Ça n’a pas été le cas ici, avec ce roman noir original et que je conseillerai pour passer un bon moment bien déjanté.

Demain c’est loin, ed. Seuil, coll. Cadre noir, 17 euros, 192 pages.

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