Les hommes / Richard Morgiève

Un roman touchant sur un truand sur le retour.

« Les hommes » c’est l’histoire de Mietek, un personnage qui sort de prison dans les années 70 et qui pendant les années Giscard, va tenter de se réinsérer à sa façon. Autrement dit retomber dans ses combines et pas forcément faire l’apologie de la légalité. Le lecteur suit la vie de ce personnage sur le retour qui se cherche, qui est ambiguë, qui tombe amoureux d’une femme alors que cet amour est impossible. Certaines scènes marquent, les personnages sont complexes mais ce qui fait tout le charme pour moi de ce bouquin c’est la plume de Richard Morgiève. Une plume que je découvre et qui sans détour dépeint des vies avec une justesse rare, toute une atmosphère, des émotions. On a aussi le sentiment de lire des passages qui sortent du lot. On peut croiser de la poésie au détour d’un passage notamment lorsque se pose la question de la paternité pour Mietek. C’est toute une vie qui défile sous nos yeux, celle d’un escroc sur le retour qui va constater amèrement que ce retour ne sera pas si simple. Un très bon roman qui est aussi une forme d’hommage aux gangsters d’une époque et à tout un imaginaire autour de ces bandits des années 70. Je découvre le ton sensible voire amer de l’auteur avec ce livre sur un marginal. Un personnage qui nous reste en tête une fois la dernière page tournée.

extrait : « On ferait partie de l’histoire des gens, de la chaîne, on ne serait plus orphelins, ni elle ni moi. »

Les hommes, ed. Joelle Losfeld, 22,50 euros, 368 pages.

De chair et de fer / Charlotte Puiseux

Vivre et lutter dans une société validiste.

À travers son parcours, de son enfance à son engagement militant, Charlotte Puiseux livre un récit sensible et plein de justesse. Un récit qui questionne le rapport entre la société française et les personnes handicapées. Plusieurs notions sont explicitées par l’autrice, du validisme à l’intersectionnalité. On comprend l’impact négatif que peut avoir une émission comme le téléthon et comment cela peut être perçu. On comprend aussi les injonctions qui pèsent sur les personnes handicapées notamment lorsque la société encense des sportifs de haut niveau pendant les jeux paralympiques. La personne handicapée est alors essentialisée, c’est-à-dire résumée à son handicap. L’autrice déconstruit avec beaucoup de clarté toutes ces violences non visibles du quotidien. Le validisme en tête. Des violences qui parfois peuvent revêtir l’apparence d’une fausse bienveillance, à l’école, au travail, à la maternité, etc. « De chair et de fer » est un excellent bouquin sur la question du handicap, une synthèse des questionnements qui ont émergés ces dernières années. Le parcours personnel de l’autrice qui est rapporté ici rend compréhensible ces évolutions.

extrait : « À travers le partage de mon expérience, j’ai tenté de rendre compte des réalités du validisme, et j’espère que ce récit aura permis de faire émerger une autre perspective. En rembobinant le film de ma vie, en rendant publics des instantanés de mon parcours, j’ai voulu montrer que tout peut être pensé différemment, que rien n’est figé. »

De chair et de fer, ed. La découverte, 17 euros, 160 pages.

Collapsus / Thomas Bronnec

De la politique et de l’écologie dans un pur roman noir.

Pierre Savidan, un grand gourou qui œuvre dans une association pour les comportements responsables dans l’ouest de la France se retrouve à candidater pour devenir président de la République. Contre toutes attentes il est élu et commence alors son quinquennat par la mise en place de mesures drastiques en faveur du climat et contre l’industrie et les conduites polluantes. Le président a bien l’intention de mettre les hommes face à leurs comportements qu’il estime irresponsables. Vu comme ça, ça pourrait donner des résultats intéressants et devenir un tournant dans la politique française, mais lorsque le président fait passer ses lois de manière de plus en plus arbitraire, les choses se compliquent dans la société et même dans son propre camp on commence à regretter de l’avoir soutenu. Dans ce roman noir d’un réalisme glaçant, Thomas Bronnec imagine une société où la dictature pourrait rimer avec écologie. Loin de prendre parti, l’auteur écrit une fiction qui fait réfléchir sur notre futur et sur les possibilités qui s’offrent à nous aujourd’hui pour limiter le réchauffement climatique. Pas mal de propositions sont mises en perspective et donnent à réfléchir, pour autant les magouilles des politiques sont toujours de la partie et cet auteur n’a pas son pareil pour les restituer. Un polar prenant qu’on ne lâche pas et qui donne envie de découvrir les autres romans de l’auteur. Du costaud cette première lecture de l’année.

Collapsus, ed. Gallimard, 20 euros, 480 pages.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer