Hervé Le Corre, mélancolie révolutionnaire / Entretien par Yvan Robin

Un long échange entre deux auteurs de romans noirs passionnés.

Découvrir le parcours d’un auteur de roman noir, comment son métier et sa vie infuse dans son oeuvre. C’est une partie de ce que l’on découvre dans ce riche entretien consacré au travail du romancier Hervé Le Corre, un échange mené par Yvan Robin. L’auteur se livre et questionne sa pratique au prisme de son métier d’enseignant, de son regard politique. Il ébauche une définition du roman noir tout en nuances au fil des pages et c’est passionnant. On navigue de références en phrase bien trouvée, un régal. Foncez découvrir cette petite collection éditée par les éditions Playlist Society. Il me reste l’entretien avec DOA à lire dans la même collection et jai juste hâte.

Mélancolie révolutionnaire, ed. Playlist Society, 12 euros, 184 pages.

Premier roman, mode d’emploi / Laure Pécher

Un essai stimulant sur l’écriture, qui déconstruit avec beaucoup de précision les petits travers des premiers romans.

Laure Pécher part de son expérience d’éditrice chez Zoé pour repérer les petites erreurs dans les manuscrits des primo-romanciers. Les petits trucs qui font qu’un livre est mis de côté et qu’un autre interpelle. Que ce soit dans la narration, dans les dialogues, dans les points de vue ou dans les descriptions, l’autrice aborde de nombreux points en détaillant comment s’en emparer. Écrire s’apprend et demande de la pratique. Laure Pécher le démontre point par point et avec clarté dans cet essai stimulant.

Premier roman, mode d’emploi, ed. Zoé, 20 euros, 224 pages.

Une sale affaire / Virginie Linhart

Retour sur le procès que l’autrice a traversé avec son précédent livre.

Derrière « L’effet maternel », l’autrice a vécu un procès intenté par sa mère et son ex-compagnon, qui ont refusé tous les deux que des parties de son livre apparaissent. Les deux ont estimé que Virginie Linhart dévoilait leurs vies à leur insu. Ce livre relate l’affaire derrière la sortie du livre et l’impact dans la vie de l’autrice. Virginie Linhart se pose la question du sens d’écrire lorsque par la force des choses elle replonge dans son ouvrage, alors qu’elle s’apprêtait en théorie à participer à des rencontres pour la sortie de « L’effet maternel ». Elle revient sur la vie de sa famille, sur la relation forte avec sa fille qui va l’aider à traverser cette épreuve.

Une sale affaire, ed. Flammarion, 21 euros, 192 pages.

Le livre de la rentrée / Luc Chomarat

Le dernier roman de Luc Chomarat, toujours aussi malin.

Delafeuille, éditeur de son état, n’a plus grand-chose à perdre. Il recherche le livre de la rentrée pour garder sa place dans sa maison d’édition, celui qui présentera le portrait d’une femme forte et indépendante et qui remportera un succès important. Malheureusement les choses vont se passer différemment et c’est le roman de Luc, un auteur qu’il connait depuis longtemps, qui remporte tous les suffrages et qui se vend comme des petits pains. L’éditeur n’est pas au bout de ses surprises lorsqu’il rencontre dans la vraie vie la femme de Luc et qu’il n’arrive pas à penser à autre chose qu’à elle. Notamment lorsqu’il passe un séjour avec elle et son fils. Luc Chomarat comme à son habitude écrit un roman malin et plein d’humour. Et surtout un roman qui joue avec les codes de la fiction et qui mène le lecteur sur différentes narrations. C’est très bien vu et la limite entre la fiction et la réalité n’a jamais été aussi fine que dans ce dernier roman de l’auteur. Au passage, tout le microcosme littéraire en prend pour son grade avec le regard acerbe et lucide de Luc Chomarat.

Le livre de la rentrée, ed. La manufacture de livres, 19,90 euros, 240 pages.

Rouvrir le roman / Sophie Divry

Un nouvel essai sur l’art du roman mais surtout un essai à l’approche originale.

Un essai stimulant sur le roman et ses définitions multiples. L’autrice s’attarde sur ce qui forme une fiction, de l’accueil en maison d’édition au contenu en passant par la question du temps de création, l’art du dialogue ou le genre littéraire. « Rouvrir le roman » est un essai clair et documenté qui donne aussi envie de découvrir de nouvelles lectures. Un peu comme dans le livre de David Meulemans aux forges de vulcain sur la question de la création, l’approche est originale ici aussi. C’est percutant, ça laisse à penser et si vous ne connaissez pas la romancière ça fait une jolie porte d’entrée dans son travail.

Rouvrir le roman, ed. J’ai lu, 7,10 euros, 196 pages.

Alice Zeniter, une écrivaine au travail / Richard Gaitet

Écrire, c’est le plus drôle de tous les jeux.

Deuxième livre que je lis dans cette collection, qui est une adaptation de l’excellent podcast de Richard Gaitet « Bookmakers ». Le livre reprend les entretiens enregistrés avec Arte Radio, entre Richard Gaitet et une autrice ou un auteur, et avec des passages inédits et supplémentaires dans l’édition papier. On découvre Alice Zeniter et ses méthodes de travail, sa vision de la lecture, de l’écriture. Mais aussi un sens de la répartie bien agréable à lire. J’avais adoré « L’art de perdre » lors de sa lecture et c’est un réel plaisir de la (re)découvrir à travers son univers en entrant un peu dans sa fabrique, dans ses routines de travail ou encore dans son rapport à la fiction (n’hésitez pas au passage à lire « Toute une moitié du monde » un essai qu’elle a écrit sur la question). Comme avec Nicolas Mathieu l’entretien est passionnant de bout en bout et permet de faire des découvertes au gré des références qu’Alice Zeniter cite tout en permettant de questionner tout le travail derrière la création des bouquins. Hâte de lire le suivant tout simplement.

Alice Zeniter, une écrivaine autravail, ed. Points, 10,90 euros, 144 pages.

Ou peut-être une nuit / Charlotte Pudlowski

Inceste : la guerre du silence

A l’origine « Ou peut être une nuit » est un podcast de Charlotte Pudlowski produit par Louie Media avant d’être un livre (le premier podcast d’une série appelée « Injustices »). Et comme dans le livre, il est question dans le podcast des mécanismes silencieux de l’inceste mais aussi du caractère systémique du phénomène. On y questionne le statut de l’agresseur et celui de la victime. L’inceste est beaucoup plus répandu (et complexe) qu’on ne le pense et de nombreuses références (notamment Dorothy Bussy qui a écrit le « Berceau des dominations » et qui a été interviewé par l’autrice) permettent d’étayer ce propos. Le silence autour de l’inceste entraîne du silence dans la vie de la victime plus tard et invisibilise d’autres traumatismes éventuels. Mais c’est aussi un phénomène dont on ne parle pas, avec de vrais tabous. « Ou peut être une nuit » est un essai marquant avec de nombreuses références pour approfondir le sujet. Une lecture qui fait écho au livre de Neige Sinno découvert récemment.

Ou peut-être une nuit, ed. Le Livre de poche, 8,40 euros, 256 pages.

Triste tigre / Neige Sinno

Des réflexions marquantes émergent, à travers le récit de l’inceste qu’a traversé l’autrice.

Dans ce récit l’autrice relate son vécu lorsqu’elle était enfant et qu’elle a été abusé par son beau père pendant plusieurs années de 7 à 14 ans. De nombreuses réflexions sur l’inceste sont au coeur du livre et Neige Sinno dans une forme inédite construit un récit qui ne se veut pas une autobiographie ni une fiction. Avec de nombreuses références elle trace les contours de ce qu’elle a vécu, notamment le statut de l’agresseur ou le procès de son beau-père. On lit des pensées qui renvoient à ce qu’elle a traversé et comment elle aborde aujourd’hui ce vécu, comment vivre avec, dans son corps et dans son quotidien. « Triste tigre » est un texte difficile et marquant qui va chercher loin les mécanismes derrière l’inceste, derrière les violences sexuelles. Un texte qui questionne aussi le besoin d’écrire sur cet évènement et les limites thérapeutiques de l’écriture.

Triste tigre, ed. P.O.L, 20 euros, 288 pages.

Un peu plus loin / Guilhem « Pone » Gallart

Le témoignage fort de Pone de la FF.

Le témoignage fort d’un des membres fondateurs de la FF. Le beatmaker Pone revient sur sa vie, ses débuts dans le rap, sa jeunesse à Toulouse. Il découvre en 2017 qu’il est atteint de la maladie de Charcot. Après des années de lutte il retrouve l’envie de composer et celle plus nouvelle d’écrire. Ce livre en est le résultat. Au gré des anecdotes et avec un ton plein de sincérité, l’auteur écrit sur un riche parcours de Marseille à New York, les épreuves et expériences qu’il a traversées. On découvre un beatmaker hors pair, véritable passionné de rap et autre genre musical à sampler. On repère vite de nombreuses références passionnantes à creuser. « Un peu plus loin » forme un récit autobiographique qui touche le lecteur, dans la lignée des livres édités chez La Grenade. Un texte fort et marquant.

Un peu plus loin, ed. JC Lattès, coll. La Grenade, 20,90 euros, 368 pages.

Le Pain nu / Mohamed Choukri

Une enfance écourtée dans le Rif marocain des années 1940.

Dans un récit autobiographique cru et sans détour, Mohamed Choukri écrit sur son enfance et sur les évènements qu’il a traversés dans sa vie et dans sa famille. De la grande pauvreté à la débrouille en passant par la vulnérabilité des enfants et la violence de son père, il décrit son enfance difficile dans le Rif Marocain des années 1940. Avec de courts dialogues et des phrases qui sonnent le lecteur, « Le pain nu » est une claque. Un court texte épuré paru en 1972. L’écriture lui permet de coucher sur le papier ses ressentis, ses souvenirs. L’auteur apprend très tard à lire et à écrire puis devient ensuite maitre d’école. Il a ce désir de s’adresser aux plus jeunes pour leur offrir ce que lui n’a pas eu dans son enfance. Une enfance terrible et écourtée que l’on découvre dans cette autobiographie. « Le pain nu » donne le sentiment qu’il ne l’a pas vécue justement cette enfance. À l’arrivée cela donne un livre réaliste au plus près des premières sensations de l’auteur.

Le Pain nu, ed. Points, 6,20 euros, 168 pages.

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