Okavango / Caryl Ferey

Le dernier polar de Caryl Ferey avec la question du trafic des animaux sauvages pour thème central.

Dernier polar en date de Caryl Ferey et cette fois-ci direction une réserve animilière à la frontière namibienne, non loin du fleuve Okavango. La ranger Solanah Betwase est sollicitée pour se rendre sur la réserve à la suite de la découverte d’un corps sans vie. Un jeune homme qui semble avoir été assassiné au milieu de la brousse. La ranger qui n’a pas l’habitude de gérer des meurtres se retrouve sur cette affaire car il semblerait que ce meurtre soit lié a du braconnage, une pratique interdite et courante dans la région, qui brasse des sommes astronomiques d’argent. Solanah et son collègue Seth ne sont pas au bout de leurs surprises lorsqu’il font la connaissance du gérant de la réserve animalière, l’énigmatique John Latham. Ce propriétaire de réserve est un personnage complexe et on a bien du mal dès le début du roman noir à comprendre si cet homme peut devenir un ennemi ou un ami pour Solanah. Sa relation aux animaux notamment est ambiguë et Solanah se méfie. Le rythme est toujours aussi enlevé comme souvent chez l’auteur, la documentation est fournie et c’est tout un trafic autour des animaux sauvages que l’on découvre dans ce polar qui fait un peu penser au travail de Colin Niel dans un autre roman, « Entre fauves ». « Okavango » est un roman noir dans lequel on sent la colère de l’auteur affleurée derrière ses personnages. Au passage et c’est loin d’être évident, on découvre une nature très bien décrite à travers des atmosphères et les comportements des animaux.

Okavango, ed. Gallimard, coll. Série noire, 21 euros, 544 pages.

Et vous passerez comme des vents fous / Clara Arnaud

Un très beau roman dans lequel une région Pyrénéenne vit au rythme des histoires et des rencontres autour de l’ours.

Gaspard est berger dans les Pyrénées et il s’apprête à monter dans les montagnes avec ses bêtes pour la saison des estives. Alma de son côté est docteur en biologie et elle travaille à l’observation des ours en milieu naturel. Elle est dans la région pour cette raison et c’est une spécialiste de la question. On s’apprête à suivre les deux personnages dans la montagne, dans un environnement à la fois magnifique et dangereux. Et dans une région au passé trouble notamment en ce qui concerne les ours, le lecteur voit se déployer toute une atmosphère dans ce très beau roman qui fait penser sur certains points à « Pleine terre » de Corinne Royer, dans le rapport à la terre et à la vie animale par exemple. Dans le coin, un drame l’année passée a fait ressurgir une relation complexe entre les habitants du coin et les ours. Des ours chassés ou capturés au siècle passé pour du dressage. La vallée pyrénéenne dans laquelle se déploie l’histoire voit alors les tensions s’accumuler. Clara Arnaud avec une plume qui fait la part belle aux ressentis de ses personnages écrit un roman qui mêle violence, moment plus doux et ode à une nature magnifique mais redoutable. Un livre abouti et très bien écrit.

Et vous passerez comme des vents fous, ed. Actes Sud, 22,50 euros, 384 pages.

D’ivoire et de sang / Tania James

Un récit à trois voix sur les trafics autour des éléphants en Inde.

Dans un récit à trois voix, Tania James explore la question du trafic des défenses d’éléphant en Inde et plus spécifiquement dans la réserve naturelle du Kerala. On suit la vie d’un mystérieux éléphant appelé « Le fossoyeur » qui perd sa mère au début du roman, tuée par des braconniers. L’autrice fait le choix d’entrer dans la tête de l’animal pour en faire un personnage à part entière, un peu à la manière de Colin Niel dans « Entre fauves ». Emma de son côté est une vidéaste reporter américaine qui se rend dans la réserve pour réaliser un reportage sur de jeunes éléphanteaux orphelins, recueillis par un vétérinaire. Et enfin, on suit Manu un jeune homme indien qui dans son village ne parvient plus à gagner suffisamment sa vie et qui décide de s’orienter vers le trafic d’ivoire. L’autrice indo-américaine écrit un polar efficace qui questionne les paradoxes des rapports entre l’homme et les éléphants en Inde. Ce sont des animaux très importants avec toute une symbolique et en même temps leurs défenses sont une marchandise précieuse et recherchée.

D’ivoire et de sang, ed. Rue de l’échiquier, 22 euros, 264 pages.

Le poids du papillon / Erri De Luca

Un duel inattendu au cœur de la nature.

Je découvre l’auteur avec ce cours roman plein de poésie et qui fait la part belle à la nature. On y rencontre un chamois, son troupeau et un homme qui les chasse. L’auteur a une façon bien à lui de restituer cette nature, cet environnement montagnard parfois hostile pour l’homme. C’est toute une atmosphère qui se déploie sous la plume d’Erri De Luca. Et en même temps dans l’écriture on sent qu’il n’y a pas un mot en trop. « Le poids du papillon » est un court roman qui aborde la question du braconnage et qui va aussi au-delà de cette question dans notre rapport aux animaux. La mélancolie et la tristesse ne sont pas bien loin et on est touchés par cette histoire. Erri De Luca a une plume singulière et un ton à découvrir. Si vous avez d’autres livres de l’auteur à conseiller je suis preneur.

Le poids du papillon, ed. Folio, 5,90 euros, 96 pages.

La tentation / Luc Lang

Un surprenant thriller en montagne, à l’atmosphère pesante.

François est chirurgien orthopédique et apprécie de se rendre en Savoie pour chasser dans un relais retranché qui appartient à sa famille. Le roman démarre sur une de ses chasses avec un cerf et sur l’arrivée imprévue de son fils dans le relais. Son fils qu’il a de plus en plus de mal à comprendre, un golden boy new-yorkais qu’il ne voit presque plus. Et sa fille n’est pas en reste non plus, une autre relation qui n’est pas des plus sereine. Il ne parvient pas à la joindre pour prendre de ses nouvelles au début de ce roman tendu et qui progresse vers le thriller au fil des pages. À travers une narration originale et qui met un petit temps à se mettre en place, Luc Lang reprend des scènes déjà évoquées et les répète en les précisant. Ça peut paraitre déroutant au premier abord, mais ça fonctionne. Le personnage principal se remémore une vie passée, sa famille, sa relation amoureuse, au gré des évènements inattendus. Un roman sombre et prenant qui est une belle surprise.

La tentation, ed. Folio, 8,90 euros, 352 pages.

La Capture / Nicolas Lebel

Qui sème les coups récolte la tempête.

On retrouve l’enquêtrice Yvonne Chen dans le dernier roman noir de l’auteur. Je vous conseille d’ailleurs de commencer par le « Le gibier » son roman précédent pour comprendre des éléments de contexte. Celui-ci peut se lire indépendamment mais ce serait dommage de passer à côté du premier, notamment pour découvrir la personnalité complexe d’Yvonne Chen et comment elle en est arrivée à poursuivre un étrange groupe du nom des « Furies ».

Dans « La capture », direction la Bretagne et une île sur la côte nord. Une petite île du nom de Morguelen où tout le monde se connaît. L’enquêtrice rejoint un duo d’enquêteurs déjà sur place qui surveille un curé suspecté d’être un criminel de guerre. En effet le curé semble avoir un passé douteux. On retrouve tout de suite la gouaille et la répartie cinglante de la flic Yvonne Chen, en conflit avec sa hiérarchie. Et lorsqu’elle arrive sur l’île et découvre qu’un des habitants vient d’être enterré dans des circonstances qui la questionne, il ne lui en faut pas plus pour creuser l’affaire. Nicolas Lebel est très bon pour mener le lecteur par le bout du nez et mettre ses retournements de situation en place. Encore une fois ça fonctionne dans « La capture » même si j’ai été moins embarqué que dans « Le gibier ». Difficile de savoir pourquoi. L’auteur en profite comme souvent pour lancer quelques pics sur la société et sur son fonctionnement, notamment la justice qui marche parfois sur la tête.

La Capture, ed. du Masque, 20,90 euros, 288 pages.

Le Gibier / Nicolas Lebel

Un polar très bien construit qui se joue du lecteur du début à la fin.

Yvonne Chen et Paul Starski forment un duo détonnant. Le commissaire Starski est empêtré dans ses affaires personnelles d’un côté, de la maladie de son chien à des relations compliquées avec sa femme. Tandis que de l’autre, Chen est une policière taciturne et d’un pragmatisme à toutes épreuves, qui vit sa vie comme elle l’entend. Un personnage que je trouve particulièrement réussi, qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat et qui ramène son coéquipier sur terre dans l’enquête qui va les occuper. Les deux protagonistes sont appelés au début du roman dans un appartement où se déroule une prise d’otage. La prise d’otage dégénère et deux hommes sont retrouvés morts à l’intérieur. C’est à partir de là que Nicolas Lebel entraîne le lecteur de rebondissements en rebondissements dans une enquête bien plus complexe qu’elle n’en a l’air. Des intérêts des grands labos pharmaceutiques à des éléments liés à l’Apartheid en Afrique du Sud en passant par la chasse à courre, le duo n’est pas sorti des ronces. Et il faut reconnaître que l’auteur a beaucoup de talent pour mener le lecteur par le bout du nez. Starski perd pied dans cette enquête qui va le toucher personnellement et Chen tente de surnager pour deux. On pense savoir où l’enquête se dirige et à chaque fois on se plante complètement. Un excellent polar.

Le Gibier, ed. du Masque, 21,90 euros, 396 pages.

Le Sanctuaire / Laurine Roux

Un roman qu’on ne lâche pas, sur une famille qui vit en autarcie après une catastrophe.

Dans un monde où une catastrophe a réduit à peau de chagrin la population mondiale, une famille se retrouve retranchée dans les montagnes et vit en autarcie dans une cabane. Un lieu appelé « Le sanctuaire » et qui est préservé du monde extérieur par le père de la famille notamment, très protecteur envers ses deux filles. Le monde d’avant resurgit par bribes de temps à autre, lorsque le père s’absente pour récupérer des denrées et qu’il croise d’autres survivants. Pour la mère, c’est par le discours que la nostalgie se met en place lorsqu’elle raconte des scènes du monde d’avant à ses filles. Laurine Roux emmène le lecteur au sein de cette famille et plusieurs thèmes sont abordés autour de la parentalité, de ce que peut représenter le fait de protéger ses enfants ou encore les différentes facettes qui peuvent naitre chez des parents lorsqu’ils élèvent des enfants, y compris les facettes plus sombres. Entre les deux sœurs, il y a des caractères qui divergent au début du récit avec Gemma qui est née dans « Le sanctuaire » et qui ne connait que cet environnement sauvage dans lequel elle a grandi et qui avec l’aide de son père, a fait d’elle une chasseuse hors pair. June de son côté connait le monde d’avant et a un rapport totalement différent à la nature qui l’entoure. Elle ne ressent pas le même sentiment de liberté que sa sœur.

Je découvre Laurine Roux avec ce roman que j’ai dévoré. Un récit à la lisière du roman noir et de l’imaginaire. Un récit parfois sombre, parfois lumineux. L’écriture sans fioriture n’y est pas étrangère et évoque en quelques mots des images chez le lecteur. Une petite pépite ce bouquin.

Le Sanctuaire, ed. du Sonneur, 16 euros, 160 pages.

La vraie vie / Adeline Dieudonné

Une adolescente tente de sortir son frère d’une spirale de violence naissante.

Une adolescente grandit avec son petit frère, une mère en retrait et un père violent. Le lecteur découvre une famille où la violence n’est jamais loin et où les non-dits sont omniprésents. La maison où la famille habite n’est pas forcément plus accueillante. Une maison où le père chasse et voue un culte à cette discipline dans une pièce dédiée. À partir de cet environnement, l’adolescente va tenter de se construire un monde parallèle pour survivre et avancer.

C’est un roman noir très fort qui sonne à la fin du récit. On retrouve tout de suite l’écriture directe et sans fioritures d’Adeline Dieudonné. Les émotions des personnages sont palpables tout comme l’atmosphère. On est pris dans le récit au sein de cette famille. C’est parfois lumineux parfois très sombre et le tout est particulièrement prenant. Une fois encore je vous recommande les romans de cette autrice. Une très belle découverte pour moi.

La vraie vie, Ed. L’iconoclaste, 17 euros, 270 pages.

Entre fauves / Colin Niel

La chasse sous toutes ses formes, des Pyrénées à la Namibie.

Il y a des moments où tu démarres une lecture et tu sais dès les premières pages qu’elle va sortir du lot, que ça va beaucoup te plaire et que le roman que tu as entre les mains va te parler pour plein de raisons. Ça été le cas pour ce magnifique roman noir de Colin Niel, le dernier en date de l’auteur édité chez Le Rouergue. C’est la première fois que je lis Colin Niel et c’est un coup de cœur sans hésiter.

L’auteur emmène le lecteur dans les Pyrénées et en Namibie à travers des personnages complexes et ambivalents. Une des forces de ce bouquin est cette faculté à rendre les personnages attachants et en même temps ambigus. Ils se situent en dehors de tout manichéisme, en dehors des clichés. Colin Niel ne les ménage pas et les met face à leurs contradictions. Chacun à ses zones d’ombres et les convictions peuvent vaciller.

La chasse sous toutes ses formes est au centre de ce roman noir tout comme la relation entre l’homme et la nature. Martin est garde forestier du parc national des Pyrénées et militant anti-chasse. Son militantisme le mène à mener une quête en marge de son travail, une enquête qui lui permettra de retrouver Appoline, jeune chasseuse à l’arc issue d’un milieu aisé et qui s’inscrit dans la droite lignée de son père qui pratique la chasse à trophées.

C’est un polar réussi plus que recommandable. Il questionne la complexité de l’humain tout comme les mises en danger des espèces animales aujourd’hui. On est complètement immergés dans ce récit prenant.

Entre fauves, ed. Le Rouergue, 21 euros, 352 pages, 21 euros.

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