Fille / Camille Laurens

Ce que naître fille veut dire.

Laurence Barraqué grandit dans les années 60 à Rouen. Elle est la narratrice de ce roman qui dévoile dès les premières pages une rencontre avec une condition. Elle est une fille et perçoit progressivement qu’il aurait été plus simple pour elle qu’elle naisse garçon. Elle est une fille et elle comprend durant son enfance que c’est mieux qu’elle se taise, que c’est mieux pour elle qu’elle s’intéresse à certains sujets et pas d’autres. Elle comprend rapidement que sa relation aux hommes peut lui poser des difficultés voire pire. On suit la narratrice jusqu’au début des années 90 lorsqu’elle devient mère. Puis on voit grandir sa fille et la relation se tisse sous les yeux du lecteur avec sa mère. Une fille qui s’affirme et qui s’intéresse aux questions féministes contemporaines en offrant un nouveau prisme à sa mère. Une mère qui regarde comment grandit son enfant à l’orée de ce nouveau prisme, mais qui regarde aussi sa jeunesse avec ce nouveau prisme. « Fille » est un roman qui restitue comme rarement la condition féminine. Tout ce que peut traverser une femme dans une vie. Camille Laurens écrit un récit très juste et plein de petites observations, dans lequel la question du corps féminin est centrale. Le lecteur voit les petites mutations qui s’opèrent chez la narratrice et les luttes que cela sous-tend pour elle. Je lis un peu à la bourre ce bouquin qui avait eu un écho important à sa sortie. Je vous le conseille vivement.

Fille, ed. Folio, 8,70 euros, 256 pages.

Combats et métamorphoses d’une femme / Édouard Louis

Un très beau livre sur la vie d’une mère prisonnière de sa condition et qui lutte pour en changer.

Édouard Louis écrit un très beau récit sur sa mère et sur les changements qu’il a vu s’opérer chez elle au fil des années, notamment depuis la séparation avec son père. C’est l’histoire d’une métamorphose qu’il a vue avec ses yeux d’enfant puis avec ses yeux d’adulte. Le récit est court et plein de sincérité, il y a quelques photos qui viennent compléter le propos et cela forme un ouvrage touchant et d’une honnêteté rare. La condition d’une femme transparaît dans un foyer à la campagne avec un mari violent et des enfants à charge. Tous les mécanismes sont décrits par l’auteur avec beaucoup de justesse en quelques lignes sans un mot de trop. On sent la voix d’un fils derrière ces mots. C’est aussi l’occasion pour lui de jeter un œil en arrière sur les comportements qu’il a pu avoir à son égard et qu’il voit différemment aujourd’hui. Des façons de faire parfois oppressives lorsqu’il ne réalisait pas dans quelles conditions sa mère gérait déjà le quotidien. Un texte touchant et qui ne laisse pas indifférent.

Combats et métamorphoses d’une femme, Ed. Du Seuil, 14 euros, 128 pages.

Les gagneuses / Claire Raphaël

Toujours aussi bien écrit, n’hésitez pas à découvrir ce nouveau roman noir qui signe le retour de l’héroïne Alice Yekavian.

Quel plaisir de retrouver l’experte en balistique Alice Yekavian dans ce roman noir. Un personnage toujours aussi attachant que l’on a beaucoup de plaisir à suivre. Cette fois-ci deux prostitués sont retrouvées après avoir été tuées à l’arme à feu, l’une peu de temps avant l’autre. Le lien entre ces assassinats va se faire progressivement, pour finir par dévoiler des réseaux plus importants. En collaborant avec la brigade criminelle, Alice Yekavian se retrouve embarquer loin de son laboratoire pour aider à l’avancement de l’enquête (direction La Rochelle dès le début du roman) et on peut dire que tout cela la sort de sa zone de confort. La suite dévoile une intrigue qui se complexifie et qu’on ne lâche plus. Claire Raphaël a beaucoup de talent pour camper ses personnages, un peu comme chez Michèle Pedinielli avec Diou, la personnalité d’Alice Yekavian et sa façon d’aborder le monde transparait à travers les épreuves qu’elle traverse. On sent aussi que le caractère de l’experte en armes à feu n’est pas si éloigné que ça de l’autrice, comme son goût pour la poésie par exemple. L’héroïne fait part de ses doutes, de ses réflexions, et cela se mêle très bien à l’intrigue. On retrouve chez Claire Raphaël cette faculté à faire naître des images et des ambiances chez le lecteur au détour d’une comparaison bien trouvée.

Le thème de ce polar ne semble pas émerger au hasard et comme dans le premier roman de l’autrice Les militantes, qui abordait les violences envers les femmes sous différentes formes, la condition féminine est à nouveau questionnée par le prisme de la prostitution. L’emprise des hommes, le poids de l’espace publique sur les femmes ou encore la force des stigmates qui pèsent sur les prostitués sont autant de sujets abordés. Claire Raphaël écrit des romans noirs importants aussi bien dans les thèmes traités que dans la façon de le faire. Un nouveau coup de cœur.

Les gagnantes, ed. Le Rouergue, 19 euros, 240 pages.

La Maison / Emma Becker

Conditions de travail et réalisme se mêlent dans ce document qui relate l’expérience de l’autrice dans une maison close.

Emma Becker passe deux ans dans une maison close à Berlin. Ce livre est issu de cette expérience et relate sans jugement et avec beaucoup de sincérité ce qu’elle a vécu. Aussi bien les relations fortes qu’elle a tissées au sein de la Maison que les moments plus difficiles. Des moments difficiles notamment avec une clientèle qui est bien souvent le reflet d’une société patriarcale et misogyne, avec des hommes centrés sur eux. L’autrice dresse un tableau réaliste de la prostitution et en fait un sujet à part entière, un sujet dont on parle peu. Le désir des femmes, ce que représente la prostitution dans la société ou bien encore le rapport au corps et plus particulièrement au corps des femmes sont autant de questionnements qui cheminent au fil de son expérience. Un livre très bien écrit où le ton d’Emma Becker lui permet de s’adresser au lecteur sans détour.

La Maison, ed. J’ai Lu, 8 euros, 448 pages.

Le loup, l’épée et les étoiles / Lola Lafon

Des textes courts marquants et très bien écrits.

Les contributions de l’autrice pour l’hebdo « Le 1 » sont rassemblées dans un même ouvrage et c’est un plaisir de retrouver la plume de Lola Lafon dans cette parution récente des éditions de l’Aube. Ces billets sont une très bonne entrée en matière pour découvrir le travail de la romancière. Au fil des textes Lola Lafon aborde la condition féminine, les réseaux sociaux, la politique ou des éléments plus intimes qui concernent sa vie, son enfance. Encore une fois et même sur un format avec des textes courts on est emporté par sa façon de raconter.

Le loup, l’épée et les étoiles, ed. de L’Aube, 13 euros, 128 pages.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer