A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? / Gaëlle Josse

Des instantanés de vie sous la plume sensible de Gaëlle Josse.

Gaëlle Josse décrit des instants de vie dans son dernier livre « à quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? », des moments de bascule à travers des microfictions. Les courts chapitres déploient en quelques lignes les portraits d’enfants, de femmes, d’hommes qui traversent un évènement marquant, qui se rendent compte de leur condition, qui laissent les souvenirs affluer. Il suffit de quelques mots pour que les personnages prennent forme et que l’on suive les destins des uns et des autres, de ces vies parfois cabossées. Une plume sensible qui sonne toujours juste.

A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?, ed. Notabilia, 17 euros, 224 pages.

Au printemps / Karl Ove Knausgaard

Un récit autobiographique touchant sur la paternité.

Je découvre le cycle autobiographique de l’auteur avec « Au printemps ». Un cycle appelé « Le quatuor des saisons » et dédié à sa fille, son quatrième enfant. Un nouveau-né de trois mois à qui il s’adresse tout au long du livre, tout au long d’un trajet avec elle dans la campagne suédoise. Avec un ton plein de sincérité, Karl Ove Knausgaard relate à sa petite fille une journée de sa vie et notamment un drame qui va directement impacter son quotidien. C’est aussi l’occasion pour lui de se confier sur comment il a traversé cette épreuve, ou comment il vit sa paternité et les relations au sein de sa famille nombreuse. Au final cela donne un texte touchant et qui ne ressemble à aucun autre. On se laisse porter par ce bouquin. J’ai apprécié y revenir et retrouver sur de petites plages de lecture la plume de l’auteur.

Au printemps, ed. Folio, 8,90 euros, 256 pages.

Le plus court chemin / Antoine Wauters

Un singulier bouquin sur le rapport à l’écriture de l’auteur.

Antoine Wauters se plonge dans ses souvenirs et fait ressurgir les sensations de son enfance. Une enfance dans laquelle il grandit à la campagne dans un petit village Belge. Une enfance au plus près de la nature et qui porte déjà en elle les premiers questionnements sur le monde qui l’entoure, les prémices d’un imaginaire qu’il souhaitera développer plus tard. L’auteur avec une grande attention dans le choix des mots écrit par fragment sur ce qu’il a vécu, sur ses proches, que ce soit ses parents ou son frère qu’il considère alors comme son « jumeau ». « Le plus court chemin » est un très beau bouquin sur l’enfance et sur l’écriture, sur le rôle qu’elle peut avoir (ou non) dans une vie. Dans ce texte on y parle de l’importance des mots, ceux qui sont dits avant d’être posés sur le papier. Ceux de l’enfance notamment. Je découvre Antoine Wauters avec ce texte et son talent pour transmettre les instants ou les évènements du quotidien est rare. Un livre qui décrit avec justesse les sentiments d’un enfant qui se cherche, et qui chemine sans vraiment le savoir vers le désir d’écrire.

Le plus court chemin, ed. Verdier, 19,50 euros, 256 pages.

Aller aux fraises / Eric Plamondon

De brefs instants de vie captés pendant l’adolescence de l’auteur. Tout en finesse.

Petite parenthèse pleine de nostalgie avec « Aller aux fraises », le dernier roman d’Eric Plamondon paru chez Quidam début 2021. Un auteur très agréable à lire qui a un sens de la concision rare. Ici, l’auteur rassemble des souvenirs sur la fin de son adolescence lorsqu’il a 17 ans. Il porte sa focale sur les sensations, sur le contexte politique de l’époque ou encore sur les liens familiaux, notamment sa relation avec son père et sa mère. Comme souvent chez Eric Plamondon, le récit est riche et est abordé par ces différents thèmes. Les petits instants de vie font tout le sel du livre.

On s’attache rapidement au jeune qu’il a été, on se laisse porter par l’atmosphère. Un jeune qui fait ses expériences comme tous ses pairs, avec son lot de beuveries, de bourdes. Le livre est original dans sa forme et rassemble trois petits textes. On se délecte du ton, on y retrouve une plume familière. On aimerait que le récit soit plus long. Un texte à lire et à relire.

Aller aux fraises, ed. Quidam, 12 euros, 88 pages.

Comme un léger tremblement / Gilles Pialoux

Un très beau roman qui aborde un sujet rarement traité en fiction, la SLA.

Philippe travaille dans un grand journal et a une vie de famille épanouie. D’un naturel curieux, il profite de ses temps libres en croquant par ci par là des scènes de la vie quotidienne sur son carnet. Il aime profiter des choses et s’entoure de nombreux copains. Un jour ou plutôt une nuit, sa conjointe lui fait remarquer qu’il a des tremblements lorsqu’il dort. Il se réveille le matin sans douleur et ne se rend compte de rien. C’est le début d’une découverte difficile à entendre, Philippe est atteint de la maladie de Charcot. Une maladie dégénérative où les muscles sont inutilisables les uns après les autres. La personne touchée peut de moins en moins se mobiliser et ne peut que constater l’irréversibilité de la maladie jour après jour. Philippe décide alors de vivre sa vie et de s’adapter en fonction des difficultés toujours plus nombreuses qu’il va rencontrer.

Ce roman inspiré d’une histoire vraie aborde avec justesse cette maladie, les effets qu’elle peut avoir sur l’entourage du patient ou la capacité de résilience dont certains patient.e.s font preuve. Le personnage principal en est un bel exemple, il fait passer au lecteur un souffle de vie malgré le sujet grave et les choses qui se compliquent au fil des mois pour lui. Il est d’une lucidité désarmante. C’est tout un rapport au corps qui est revu à la suite de l’apparition des premiers symptômes. Ce sont aussi des rapports qui se renouvellent avec l’entourage du patient, pas toujours pour le meilleur. Il y a de très beaux moments dans ce roman, dans ce récit plein de pudeur. Les courts chapitres servent bien le propos et alterne entre des passages où l’on côtoie une forme de poésie et des constats plus grave sur la maladie de Philippe. Gilles Pialoux livre un roman touchant et qui interpelle sur la sclérose latérale amyotrophique, sur la fin de vie. Merci à Babelio pour la découverte de ce livre reçu dans le cadre d’une Masse critique.

Comme un léger tremblement, ed. Mialet Barrault, 18 euros, 174 pages.

Chambre 2 / Julie Bonnie

Auxiliaire de puéricultrice, Bénédicte raconte son travail auprès des mères et son grand huit des émotions.

Bénédicte travaille dans un hôpital et est auxiliaire de puéricultrice. Elle raconte dans ce récit des moments marquants au contact des mères qui accouchent, au contact des pères, des bébés ou encore des équipes soignantes. Entre ces chapitres sur le soin et sur le corps des femmes, se glissent des chapitres sur le passé de Bénédicte. Un passé de danseuse dans une troupe itinérante. Un passé qu’elle se remémore comme en écho avec sa vie moins aventureuse et actuelle, à l’hôpital.

Julie Bonnie écrit un roman réaliste et plein de lucidité sur la maternité et sur tout ce que peut représenter un accouchement, aussi bien les bons moments que les moments plus compliqués voire dramatiques. L’hôpital, son personnel, les sages femmes, et donc les auxiliaire de puéricultrice sont le réceptacle de ces émotions, parfois de ce trop plein. Julie Bonnie livre à travers son personnage des réflexions sur le personnel soignant et ne s’arrête pas aux mères et aux patientes. Son ton est sans concession. Ce roman tisse un pont entre deux vies vécus par le personnage et touche le lecteur et la lectrice.

J’ai préféré les parties sur l’hôpital même si le tout forme un beau roman. Paru en 2013, il pourrait être écrit aujourd’hui lorsqu’il met en évidence les conditions de travail épuisantes et qui se dégradent du personnel soignant (cadence, rentabilité des soins, manque de matériels, sous effectifs, locaux inadaptés, etc.). Le mouvement de grève récent des sages femme peut en attester.

Chambre 2, ed. Belfond, 17,50 euros, 192 pages.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer