Vivance / David Lopez

Les rencontres d’un cycliste voyageur, sous la plume singulière de l’auteur de « Fief ».

Teintée d’une poésie unique, l’écriture de David Lopez apporte à ses histoires une saveur singulière. Après « Fief » qui avait été un premier coup de coeur, je trouve « Vivance » tout aussi réussi. Le narrateur est à vélo à travers la campagne et avance au fil des rencontres. On suit sa façon d’appréhender le monde, à travers un regard aiguisé sur ses pairs, mais aussi sur ses souvenirs. « Vivance » est un peu comme une déambulation en pleine nature, une déambulation qui sonne juste, sans blabla. Au premier abord avec le pitch, un cycliste voyageur qui traverse des petits bourgs dans une campagne reculée, on a du mal à se dire que l’auteur va tenir 250 pages et pourtant ça passe tout seul. Et c’est aussi ça qui fait tout le sel des romans de David Lopez, une langue à part, des personnages que l’on découvre au fil du roman et que l’on a envie de suivre. Une épaisseur derrière les façades. Et toujours la petite touche d’humour qui va bien.

Vivance, ed. Seuil, 19,50 euros, 288 pages.

Kérozène / Adeline Dieudonné

La romancière part d’un lieu qui aimante tous les marginaux pour le meilleur et pour le pire.

La romancière construit un patchwork d’histoires avec Kérozène qui emmène le lecteur dans une station-service. On y rencontre tout un tas de personnages plus ou moins déjantés et en marge. L’occasion pour l’autrice de porter un regard acerbe sur la condition humaine et sur ses dérives (violences, société patriarcale, terrorisme ou traitement des animaux par les humains).

Adeline Dieudonné écrit un second roman original dans sa construction et très juste dans l’observation de ses tranches de vie. La station service est à la fois un lieu de rencontre et un lieu où tous ces personnages se croisent pour le pire et pour le meilleur. Derrière un ton ironique et pince-sans-rire, l’autrice met en exergue plusieurs problématiques de notre société. Un roman réussi qui plante le décor en peu de temps et qui pose tout de suite une ambiance singulière.

Kérozène, Ed. L’iconoclaste, 20 euros, 312 pages.

Le syndrome de l’imposteur / Claire Le Men

Parcours d’une interne en psychiatrie.

Claire Le Men est interne en psychiatrie et décide de s’inspirer de ses débuts dans le métier (en UMD, une unité pour malades difficiles) pour dessiner et écrire ce roman graphique.

Ce récit inspiré de la vie de l’autrice croise fiction et réalité. On y déconstruit des à priori sur la psychiatrie. La notion de norme est remise en question tout comme le regard que l’on porte sur la maladie mentale. Une bd accessible, à la fois drôle et pédagogique notamment lorsque Claire Le Men aborde les enjeux d’une hospitalisation en psychiatrie. C’est aussi l’occasion pour le lecteur de découvrir le parcours d’une étudiante en médecine et le cheminement qui mène jusqu’au métier de médecin (ici psychiatre). Un roman graphique très intéressant.

Le syndrome de l’imposteur, Ed. La Découverte, 17 euros, 96 pages.

Sex friends / Richard Mèmeteau

Comment (bien) rater sa vie amoureuse à l’ère numérique.

Richard Mèmeteau livre une très belle analyse en questionnant les relations sexuelles, leurs rapports de pouvoir et leur établissement à travers les sites de rencontre. Le livre est parsemé de références à la pop culture ce qui ne gâche rien au plaisir de lecture. L’auteur relate ce que peut représenter le fait de s’inscrire et d’utiliser ces outils. Une nouvelle figure apparaît alors : le sex friend (pour reprendre la présentation de l’éditeur, le sex friend est « Ni amoureux fou ni calculateur froid, le sex friend a compris que la sexualité déborde aussi bien les codes de la grande histoire d’amour que les lois d’un prétendu « marché de la drague ».).
On se pose des questions au fil des pages sur la raison d’être de certains de nos comportements. Et l’auteur parvient très bien à mettre au jour des processus de domination à l’œuvre avec ces nouvelles façons de draguer, ces nouvelles façons de rencontrer du monde. Sans jamais être univoque pour autant. Il n’est pas là pour adopter un discours ou un autre et tirer à boulets rouges sur les applis de rencontre.
La philo, le développement personnel, les dialogues de film ou les paroles de chanson, tout cela est convoqué pour illustrer le propos et nos pratiques. Mais aussi et surtout pour les mettre en perspective. Un riche essai !

Sex friends, ed. La découverte, coll. Zones, 17 euros, 192 pages.

Les Dynamiteurs / Benjamin Whitmer

Le passage de l’enfance à l’âge adulte peut parfois être brutal.

Direction Denver en 1895 dans le dernier roman de Benjamin Whitmer. On s’attend à un roman noir, âpre et qui met en scène les laissés-pour-compte. Et dans la lignée des précédents, c’est exactement ce que l’on rencontre dans cette dernière parution de l’auteur.

Sam, Cora et les orphelins dont ils s’occupent tentent de survivre dans une usine désaffectée non loin du centre de Denver. Et non loin du monde des adultes avec tout ce que ce monde charrie de dangereux et en même temps de fascinant. La bande d’enfants essaie de se défendre des menaces quotidiennes qui planent sur leur lieu de vie précaire, jusqu’à une rencontre qui va venir chambouler ce fragile quotidien.

La suite est une multitude d’engrenages comme Whitmer sait si bien les agencer dans ses récits. La dynamite, les règlements de compte, les jeux de pouvoir et les vengeances personnelles, tous ces thèmes entrent dans la danse. Le lecteur peut alors découvrir ce savant mélange entre noirceur et désenchantement. Si vous ne connaissez pas cet auteur et que vous appréciez ces univers sombres, violents et en même temps plein d’humanité, n’hésitez pas à vous procurer un des romans de Benjamin Whitmer. Ça remue et c’est sans fioritures.

Les Dynamiteurs, ed. Gallmeister, 24 euros, 400 pages.

Black Manoo / Gauz

Une arrivée dans le Belleville des années 90 pour un sans papiers abidjanais.

J’ai un très bon souvenir de la langue singulière de Gauz dans son premier livre, Debout-Payé. L’histoire d’un sans papiers qui atterrit en France et qui devient vigile. J’ai été happé à nouveau dès les premières pages de Black Manoo, cette nouvelle lecture qui conte la vie d’un junkie abidjanais sans papiers qui arrive à Paris dans les années 90 et qui tente de s’en sortir. On découvre au fil des rencontres que va faire Black Manoo des personnages magnifiques, des marginaux. J’ai retrouvé cette façon bien particulière, propre à Gauz je trouve, d’observer avec justesse les comportements et les habitudes de ces personnages. L’ensemble est servi par une langue puissante, musicale, comme dans Debout-Payé. Une langue qui interpelle le lecteur avec des traits d’humour, des tournures qui sonnent et des dialogues très bien sentis. Une très belle lecture pleine d’humanité que je vous recommande.

Black Manoo, ed. Le Nouvel Attila, 18 euros, 169 pages.

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