A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? / Gaëlle Josse

Des instantanés de vie sous la plume sensible de Gaëlle Josse.

Gaëlle Josse décrit des instants de vie dans son dernier livre « à quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ? », des moments de bascule à travers des microfictions. Les courts chapitres déploient en quelques lignes les portraits d’enfants, de femmes, d’hommes qui traversent un évènement marquant, qui se rendent compte de leur condition, qui laissent les souvenirs affluer. Il suffit de quelques mots pour que les personnages prennent forme et que l’on suive les destins des uns et des autres, de ces vies parfois cabossées. Une plume sensible qui sonne toujours juste.

A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?, ed. Notabilia, 17 euros, 224 pages.

Comment jouir de la lecture ? / Clémentine Beauvais

Un court fascicule qui questionne avec malice le plaisir de lire.

Clémentine Beauvais aborde la question du plaisir de lire. Qu’est-ce qui fait qu’un bouquin nous plait, nous emporte ? Qu’est-ce qui fait qu’un bouquin nous parle plus qu’un autre ? L’autrice discute ce thème en mettant en évidence certaines personnes qui pensent que certaines lectures sont des lectures plaisir et que d’autres non. En réalité ce discours hiérarchise. C’est typiquement un discours réac et c’est un discours qui irrigue le système éducatif par exemple. D’un autre côté, il y a aussi le discours qui dit que le plaisir dépend du lecteur. Qu’il dépend des goûts de chacun et chacune. Là aussi ce discours a ses limites. Le plaisir ne dépend pas uniquement des gens, des goûts. Il y a « mille plaisirs de lire » différents pour citer Clémentine Beauvais. Et c’est vrai que ça aussi il faut l’aborder. Des textes existent qui nous sortent de notre zone de confort, des textes pas forcément agréables, mais qui marquent. L’autrice tend à valoriser un plaisir nuancé et complexe. Et pour cela elle s’appuie sur des auteurs et autrices, sur des œuvres. On y aborde l’importance du politique dans certains livres, qui donnent envie de passer à l’action, d’autres font réfléchir sur l’existence, d’autres encore sont addictifs un peu à la manière d’une série, d’autres donnent envie de lire à voix haute, etc. À l’arrivée cela donne un court fascicule stimulant qui fait réfléchir sur notre rapport à la lecture.

Comment jouir de la lecture ?, ed. La Martinière, coll. ALT, 3,50 euros, 32 pages.

Starlight / Richard Wagamese

Une femme et sa fille fuient un mari violent et se réfugient chez Starlight, un fermier touchant qui vit en lisière de forêt canadienne.

Franklin Starlight vit dans sa ferme dans l’Ouest canadien et porte le deuil du vieil homme qui l’a élevé. Un vieil homme qui lui a appris à vivre dans la nature avec tout ce qu’elle représente. On sent qu’une relation forte a été tissée avant que le vieil homme meurt, lorsque Starlight était encore qu’un enfant et qu’il découvrait l’environnement autour de lui. On retrouve d’ailleurs la construction de cette relation dans un précédent roman de l’auteur, « Les étoiles s’éteignent à l’aube ». Dans ce dernier roman, Starlight est adulte et voit sa routine quotidienne avec son ami Roth chamboulée lorsqu’il croise la route d’Emmy et de sa fille Winnie. Emmy fuit un homme violent et tente de préserver sa fille. Starlight décide de les héberger dans sa ferme afin qu’elles ne soient pas poursuivies par les services sociaux. Winnie qui est une enfant turbulente à l’école va alors apprendre à connaître la nature au contact de ce singulier personnage. Un homme plutôt solitaire qui est capable de partir des jours dans la forêt pour ramener des clichés d’animaux magnifiques. Un homme qui rassure et qui sait l’importance des traditions notamment celles apprises par son mentor. C’est à partir de là que l’on voit ces quatre personnages apprendre à se connaître, en vivant dans la ferme de Starlight en lisière de forêt. Les romans de Richard Wagamese ont une atmosphère unique difficile à restituer. La nature à toute son importance mais les relations humaines aussi. Et on retrouve encore une fois dans ce dernier la sensibilité qui caractérise l’auteur, que ce soit dans les dialogues ou dans la construction de ses personnages. L’auteur est mort en 2017 sans avoir pu terminer ce roman et les éditions Zoé qui ont reçu le manuscrit inachevé ont décidé de le publier posthume. Un texte émouvant et marquant.

Starlight, ed. Zoé, 21 euros, 272 pages.

Une présence idéale / Eduardo Berti

Un bouquin émouvant sur le soin, dans un service de fin de vie.

L’auteur est accueilli dans un service de soins palliatifs pour rencontrer et écrire autour des professionnels de ce service de santé. Dans de courts textes dans lesquels les noms ont été changés, l’auteur relate (et romance aussi) des propos recueillis. Les propos d’une infirmière, d’une aide-soignante, d’un médecin, d’intervenants extérieurs, etc. On découvre des vies derrière les patients et comment l’approche de la mort dans ce cadre très précis joue sur la relation soignant/soigné. Tout est écrit avec beaucoup de justesse. Le ressenti des personnages. Les émotions. On y aborde l’humain, la mort, la relation. On est touchés par ces petits textes, des morceaux de vie marquants, notamment sur les soignantes et les soignants. Un gros coup de cœur.

Une présence idéale, ed. La contre allée, 8,50 euros, 160 pages.

Les Dangers de fumer au lit / Mariana Enriquez

Des nouvelles qui oscillent entre le glauque et le fantastique.

L’atmosphère de ces nouvelles côtoie à certains moments le fantastique. L’autrice joue avec les peurs de son lecteur au fil des histoires qu’elle raconte. Les esprits ne sont jamais loin, la mort non plus. Mariana Enriquez livre un recueil où l’on passe d’une ambiance poisseuse à une autre. Avec une écriture sèche et imagée, elle embarque le lecteur à Buenos Aires ou à Barcelone dans des lieux plus ou moins sordides. On y croise une galerie de personnages marginaux. Ces différentes nouvelles exercent comme une fascination sur le lecteur et même si la sauce n’a pas forcément prise systématiquement pour moi, je dois reconnaître que la romancière est talentueuse pour mettre en scène l’horreur ou pour glisser des sous entendus bien macabres dans ses textes. « Les Dangers de fumer au lit » forme un recueil de nouvelles original. Le travail éditorial des éditions du Sous-sol est top aussi et on se retrouve avec un joli bouquin.

Les Dangers de fumer au lit, ed. du Sous-sol, 21 euros, 240 pages.

Le poids du papillon / Erri De Luca

Un duel inattendu au cœur de la nature.

Je découvre l’auteur avec ce cours roman plein de poésie et qui fait la part belle à la nature. On y rencontre un chamois, son troupeau et un homme qui les chasse. L’auteur a une façon bien à lui de restituer cette nature, cet environnement montagnard parfois hostile pour l’homme. C’est toute une atmosphère qui se déploie sous la plume d’Erri De Luca. Et en même temps dans l’écriture on sent qu’il n’y a pas un mot en trop. « Le poids du papillon » est un court roman qui aborde la question du braconnage et qui va aussi au-delà de cette question dans notre rapport aux animaux. La mélancolie et la tristesse ne sont pas bien loin et on est touchés par cette histoire. Erri De Luca a une plume singulière et un ton à découvrir. Si vous avez d’autres livres de l’auteur à conseiller je suis preneur.

Le poids du papillon, ed. Folio, 5,90 euros, 96 pages.

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