Le grand secours / Thomas B. Reverdy

Un bouquin percutant qui se déroule dans un carrefour à Bondy et un lycée juste à coté.

Tout démarre sur le pont de Bondy qui enjambe l’A3, une altercation éclate et commence à faire dégénérer les choses au milieu d’une circulation dense. En parallèle, Thomas B. Reverdy emmène son lecteur un peu plus loin dans le lycée à côté du carrefour. Un lycée dans lequel Candice une prof de français surmotivée s’apprête à accueillir Paul un écrivain qui a accepté de rencontrer sa classe pour une intervention. Non loin de là c’est Mo, un des élèves de la classe de Candice qui arrive au lycée. On suit ces différents personnages dans cette journée qui on le sent rapidement va se tendre. L’atmosphère est particulière et pourtant les évènements s’enchaînent, Paul arrive au lycée et démarre son intervention. On se rend compte que l’auteur a fait un travail de fond important pour rendre crédible la classe, les réactions des profs ou la vie plus globalement d’un établissement. Reverdy a une plume enlevée et ne tombe pas dans les clichés malgré les thèmes choisis. Je découvre cet auteur avec ce bouquin et ça a été une vraie bonne surprise. Aussi bien dans le traitement des questions qui traversent le bouquin (racisme, orientation, avenir des jeunes, violences policières, ségrégation spatiale, etc.) que dans la forme. On a du mal à lâcher le livre une fois démarré et les dialogues percutent bien. Les inégalités sociales entrainent les inégalités scolaires dans un cercle vicieux redoutable. On croise des élèves marginalisés, des comportements d’enseignants abusés, mais qui existent. Un roman à découvrir.

Le grand secours, ed. Flammarion, 21,50 euros, 320 pages.

L’ange gardien / Jérôme Leroy

Un tueur hors pair rencontre quelques difficultés lors d’une ultime mission.

Berthet est un vrai soldat qui va au charbon, un tueur au service de la mystérieuse « Unité ». Une sorte de police secrète dans l’État. Il s’occupe de basses œuvres en assassinant des cibles précises, quelle que soit leur place sur l’échiquier politique français et sans se poser la question bien longtemps de la légitimité de son acte. On découvre ce personnage adepte de poésie à travers une alternance entre des évènements qu’il a déjà vécus et ce qu’il vit au présent. Dans les deux cas, l’action et le rythme ne manquent pas et on se rend compte rapidement que Berthet est d’une efficacité redoutable. Ajoutez à cela Kardiatou Diop, une femme politique en devenir et Joubert, un enseignant en bout de course, reconvertis en auteur de polar en quête de reconnaissance et le roman est lancé. Jérôme Leroy plante une atmosphère teintée de mélancolie lorsque l’auteur s’attarde sur le passé de Berthet et tout son parcours. L’extrême droite n’est jamais loin et plane au-dessus du roman avec ses méthodes sordides. Berthet va naviguer en eaux troubles et même s’il a l’habitude de ne rien laisser au hasard les choses vont se compliquer pour lui dans son ultime mission. « L’ange gardien » est un roman noir, très noir et bien construit qui m’a permis de remettre le nez dans les romans de Jérôme Leroy. J’avais un bon souvenir de « La petite gauloise » lu il y a un bon moment. Je retrouve sa plume avec plaisir dans « L’ange gardien » et je crois que ce roman peut faire suite au « Bloc » paru précédemment et qui aborde les mêmes thématiques.

L’ange gardien, ed. Gallimard, coll. Série Noire, 18,90 euros, 336 pages.

Les incasables / Rachid Zerrouki

« Donner à voir et à ressentir »

C’est toujours délicat d’aborder la question des élèves en situation de handicap ou celle des élèves avec des difficultés scolaires importantes sans tomber dans les dogmes et les poncifs vus et revus. C’est pourtant ce que réussit à faire Rachid Zerrouki dans cet ouvrage revigorant, sur son parcours d’enseignant débutant en SEGPA. Un livre qui fait la part belle aux questionnements et aux expériences de terrain de l’auteur. Un bouquin très intéressant qui donne à voir une réalité tout en questionnant l’institution, le regard que l’on porte sur ces élèves ou encore le sens qu’a le métier d’enseignant.e aujourd’hui dans notre société. Ça fait du bien en cette rentrée. C’est typiquement le genre de bouquin à prêter autour de soi pour donner des perspectives à des sujets qui en manquent cruellement dans les discours courants.

« En enseignant en Segpa à des élèves âgés de 12 à 16 ans, je savais que je ne façonnerais pas des ingénieurs, des médecins ou des avocats, mais des manutentionnaires, carreleurs, tourneurs-fraiseurs ou professionnels de l’aide à domicile – des prolétaires sans qui tout s’effondrerait, mais que la société méprise, maltraite, sous-paye et exploite. En revanche, j’ignorais tout de ce que j’allais recevoir en retour : des leçons de vie en pagaille, des souvenirs impérissables et un sens à mon métier.« 

Les incasables, ed. Robert Laffont, 19 euros, 270 pages.

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