La Maladie de Sachs / Martin Winckler

Une focale passionnante sur un cabinet de médecin de campagne.

Le Dr Sachs décide de s’installer dans un petit bourg en tant que médecin de campagne et le lecteur suit cette installation en découvrant la réaction des habitants du coin, les futurs patients. Tout démarre dans la salle d’attente lorsqu’un des personnages observe les autres patients qui l’entoure. Puis on découvre les consultations, les histoires de chacune et chacun. Les points de vue s’enchaînent et cela rend dynamique le récit. Ce livre est aussi l’occasion pour l’auteur de s’attarder sur le statut de la médecine, sur l’importance de l’écoute ou encore sur les violences visibles ou non derrière une consultation. On y croise des questionnements autour du corps des femmes, de la fin de vie ou encore de la pédiatrie. « La Maladie de Sachs » est un livre d’une grande richesse et on sent que Martin Winckler, pour qui l’écriture est intimement liée à sa pratique de soignant, s’appuie sur ce qu’il a pu vivre dans son métier. Notamment des réflexions plus personnelles lorsqu’il était encore étudiant en médecine. L’empathie pour ses personnages transparait et comment souvent chez l’auteur, la question du soin et des formes qu’il revêt est centrale.

La maladie de Sachs, ed. Folio, 9,90 euros, 672 pages.

Un petit boulot / Iain Levison

Le chômage de longue fait faire des choses dont on n’a même pas idée.

Le chômage de longue durée peut faire des dégâts et surtout rebattre les cartes des valeurs que l’on a scrupuleusement suivies à la lettre toute sa vie. C’est le cas pour le personnage principal de Iain Levison dans « Un petit boulot ». Un personnage en bout de course et bien en dèche, qui se découvre un talent caché et qui va remettre en question sa façon de fonctionner. La suite est digne d’un Tim Dorsey et l’auteur ne va pas relâcher une seconde le rythme de son récit.

Ce serait dommage d’en dire plus à ce stade mais ce roman noir fait penser au Couperet de Westlake, un classique du genre. En moins sombre et avec plus d’humour mais tout de même avec des similitudes. La perte d’un emploi peut mener au pire et la précarité casse des hommes. Pour autant, Jake Skowran l’ancien ouvrier d’usine n’a pas dit son dernier mot et il compte bien le faire savoir.

Iain Levison écrit un livre aboutit et toujours aussi grinçant. Les dialogues sont très réussis dans celui-ci je trouve. Le récit alterne entre le sombre et le plus enjoué et c’est toujours aussi agréable à lire. Le sens de l’intrigue de l’auteur n’est plus à démontrer.

Un petit boulot, Ed. Liana Levi, 16 euros, 196 pages.

Pour services rendus / Iain Levison

Tribulations d’un ancien sergent du Vietnam.

Les personnages de Iain Levison sont souvent hantés par leur passé. Le sergent Fremantle et le sénateur Drake ne font pas exception dans ce roman habilement construit.

Le sergent Fremantle est un ancien de la guerre du Vietnam et il va se retrouver à magouiller en politique alors qu’il n’est plus très loin de la retraite dans son commissariat du Michigan. Le sénateur Drake, qui est aussi un ancien du Vietnam, cherche à remporter de son côté des élections au Nouveau-Mexique et à rencontrer son ancien sergent pour qu’il le soutienne dans sa campagne.

Les deux personnages se sont croisés une première fois pendant la guerre et avec la magouille que propose le sénateur Drake à Fremantle (sur fond de souvenirs de guerre douteux), ils vont se croiser à nouveau des décennies plus tard au Nouveau-Mexique.

L’occasion pour Iain Levison de montrer avec justesse l’absurdité de certains comportements humains, que ce soit en politique ou pendant la guerre. J’ai eu plus de mal à entrer dans le récit au début avec les flashbacks et finalement l’humour noir et le sens de l’observation de l’auteur ont fait effet. Une nouvelle réussite.

Pour services rendus, Ed. Liana Levi, 18 euros, 224 pages.

Une canaille et demie / Iain Levison

Une rencontre entre un prof et un braqueur. L’occasion pour Levison d’écrire une histoire prenante et plein de cynisme.

Je me suis finalement laissé tenter par un nouveau titre de l’auteur avec « Une canaille et demie ». Iain Levison parvient à camper une nouvelle fois ses personnages en quelques lignes et à les rendre intrigant dans le même laps de temps. Dans celui-ci, on suit Dixon un ancien bandit jamais trop éloigné de son passé trouble et Elias White, un professeur imbus de sa personne et plein d’ambition. Ils vont être amenés à se rencontrer dans une petite ville du New Hampshire et cette rencontre va éclairer des facettes inconnues des deux personnages.

C’est toujours un plaisir de lecture tout du long avec des situations cocasses comme on en rencontre souvent dans ses livres. Les forces de police, la religion ou les systèmes financiers, l’auteur n’oublie personne et chacun en prend pour son grade au passage. Un très bon moment de lecture.

Pourquoi je braque des banques ? C’est pas une question, ça. La question est : Pourquoi est-ce que tout le monde ne le fait pas ? Pourquoi est-ce que les cons comme vous laissent tous les braquages de banque à des gens comme moi ? Pourquoi vous n’aidez jamais, vous autres ?

Une canaille et demie, ed. Liana Levi, 18 euros, 240 pages.

Le dernier thriller norvégien / Luc Chomarat

Un polar déjanté et malin sur le monde du livre.

C’est toujours aussi plaisant de retrouver le ton et l’humour de Luc Chomarat. Un humour noir qui dépeint en arrière plan dans plusieurs de ces romans, les facettes du monde du livre (que ce soit du côté de l’édition ou du côté de celui qui écrit). Le dernier thriller norvégien édité chez La manufacture de livres, est un modèle de construction narrative comme l’auteur sait si bien le faire, un vrai puzzle. Ces livres ont souvent plusieurs niveaux de lecture et celui-ci ne déroge pas à la règle.

Delafeuille, un éditeur parisien solitaire et qui apprécie son petit confort se retrouve à aller négocier les droits d’un auteur de thriller à Copenhague. L’enjeu est de taille car c’est un succès à coup sûr si la traduction française paraît chez les éditions Mirage, sa maison d’édition. Évidement, cet auteur recherché par Delafeuille s’inscrit dans « la grande lignée » incontournable des polars venus du froid. Un genre qui fonctionne à merveille ces dernières années. Il suffit de se pencher sur les étals des librairies et autres rayons livres pour remarquer l’engouement (la saga Millenium n’y est pas pour rien). Delafeuille se retrouve donc à Copenhague et c’est là que Luc Chomarat embarque son lecteur là où il ne s’y s’attend pas. Inutile d’en dire plus, la sauce prend et ce serait dommage de vous en dévoiler plus sur la complexité de l’intrigue.

Sous couvert d’humour noir et de dialogues bien perchés, l’auteur parvient à glisser des réflexions sur certaines absurdités du monde du livre (sur le clivage des genres, sur le monde de l’édition, sur les ficelles vues et revues des romans policiers ou encore sur l’arrivée du support numérique). Quelques références bien sentis viennent parsemer le tout et on croit parfois entendre l’auteur donner son point de vue à travers ses personnages.

Vous ne lirez pas deux polars comme celui-ci. Un régal.

Le dernier thriller norvégien, ed. La manufacture de livres, 16,90 euros, 208 pages.

Les incasables / Rachid Zerrouki

« Donner à voir et à ressentir »

C’est toujours délicat d’aborder la question des élèves en situation de handicap ou celle des élèves avec des difficultés scolaires importantes sans tomber dans les dogmes et les poncifs vus et revus. C’est pourtant ce que réussit à faire Rachid Zerrouki dans cet ouvrage revigorant, sur son parcours d’enseignant débutant en SEGPA. Un livre qui fait la part belle aux questionnements et aux expériences de terrain de l’auteur. Un bouquin très intéressant qui donne à voir une réalité tout en questionnant l’institution, le regard que l’on porte sur ces élèves ou encore le sens qu’a le métier d’enseignant.e aujourd’hui dans notre société. Ça fait du bien en cette rentrée. C’est typiquement le genre de bouquin à prêter autour de soi pour donner des perspectives à des sujets qui en manquent cruellement dans les discours courants.

« En enseignant en Segpa à des élèves âgés de 12 à 16 ans, je savais que je ne façonnerais pas des ingénieurs, des médecins ou des avocats, mais des manutentionnaires, carreleurs, tourneurs-fraiseurs ou professionnels de l’aide à domicile – des prolétaires sans qui tout s’effondrerait, mais que la société méprise, maltraite, sous-paye et exploite. En revanche, j’ignorais tout de ce que j’allais recevoir en retour : des leçons de vie en pagaille, des souvenirs impérissables et un sens à mon métier.« 

Les incasables, ed. Robert Laffont, 19 euros, 270 pages.

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