Le caprice de vivre / Jade Hilal

Trois trentenaires voient leur colocation parisienne s’effriter.

Ils sont trois, trois colocataires parisiens qui voient s’effriter les relations entre eux. Il y a Hamam, apprenti écrivain qui tente de comprendre pourquoi sa colocation de trentenaires ne tourne plus rond. Il y a Souleymane, excellent élève depuis tout petit et partisan du moindre effort. Il se passionne pour la défense de la cause animale lorsque l’on découvre le personnage au début du roman. Enfin, il y a Warda. Journaliste et grande reporter au Monde, elle est régulièrement en déplacement pour ses reportages et revient d’Irak au début du roman. C’est Hamam qui raconte l’éloignement qui guette les colocataires dans leur appartement parisien. Des tensions naissent. Des portes claquent. Hamam ressent le besoin d’écrire sur ce qu’il se passe, que ce soit l’éloignement du flegmatique Souleymane ou tout l’amour qu’il éprouve pour Warda mais qu’il a bien du mal à lui révéler. « Le caprice de vivre » est un texte tout en finesse et plein de justesse sur ce que recherche ces trentenaires et les sentiments qui les traversent. Encore un excellent bouquin des éditions Elyzad.

Le caprice de vivre, ed. Elyzad, 21 euros, 211 pages.

Citadins de demain / Claire Duvivier

Capitale du Nord – 1

Un premier roman qui inaugure une seconde trilogie de la tour de garde et qui part aussi bien que la trilogie de Guillaume Chamanadjian. On découvre Amalia Van Esqwill et sa famille d’aristocrates dans la cité de Dehaven. Une jeune fille élevée selon des principes précis que ce soit sur sa condition physique ou sa formation intellectuelle. Amalia est une jeune fille lucide et vive qui raisonne comme de nombreux adultes qui l’entourent. Elle va découvrir la ville et sortir de sa zone de confort petit à petit notamment en allant se balader avec ses deux amis Hirion et Yonas. Claire Duvivier plante des personnages vraiment intéressants, on s’attache vite à ces jeunes un peu dépassés par les événements qui traversent la ville, notamment les luttes internes ou le système politique qui régit la cité. On repère vite quelques parallèles et clins d’œil avec la trilogie de Nox, le personnage de la trilogie de capitale du Sud. Ajoutez à cela le retour de la magie dans la ville pour que ses fondations commencent à trembler. La fin du livre est savoureuse et on finit par être complètement immergé dans l’histoire. Hâte de découvrir le second tome.

Citadins de demain, ed. Aux forges de vulcain, 20 euros, 384 pages.

Le Pain nu / Mohamed Choukri

Une enfance écourtée dans le Rif marocain des années 1940.

Dans un récit autobiographique cru et sans détour, Mohamed Choukri écrit sur son enfance et sur les évènements qu’il a traversés dans sa vie et dans sa famille. De la grande pauvreté à la débrouille en passant par la vulnérabilité des enfants et la violence de son père, il décrit son enfance difficile dans le Rif Marocain des années 1940. Avec de courts dialogues et des phrases qui sonnent le lecteur, « Le pain nu » est une claque. Un court texte épuré paru en 1972. L’écriture lui permet de coucher sur le papier ses ressentis, ses souvenirs. L’auteur apprend très tard à lire et à écrire puis devient ensuite maitre d’école. Il a ce désir de s’adresser aux plus jeunes pour leur offrir ce que lui n’a pas eu dans son enfance. Une enfance terrible et écourtée que l’on découvre dans cette autobiographie. « Le pain nu » donne le sentiment qu’il ne l’a pas vécue justement cette enfance. À l’arrivée cela donne un livre réaliste au plus près des premières sensations de l’auteur.

Le Pain nu, ed. Points, 6,20 euros, 168 pages.

Shit ! / Jacky Schwartzmann

Le CPE d’un bahut non loin de Besançon fait une rencontre inattendue.

Thibault est CPE dans un bahut de la Planoise, un quartier en banlieue de Besançon. On découvre un CPE au taquet dans son taf qui connait les combines de son établissement scolaire et qui mène bien sa barque. Et comme on est dans un Jacky Schwartzmann on sait qu’à un moment ou à un autre Thibault le personnage principal va mettre les pieds dans une emmerde à son insu. Tout commence lorsqu’il entend des coups de feu dans son bâtiment au rez-de-chaussée et qu’il se rend sur place avec sa voisine pour voir ce qu’il s’y trame avant l’arrivée de la police. Et là tout part en live. Et la petite vie plutôt rangée du CPE va changer du tout au tout. Évidement ce serait dommage d’en dire plus à ce stade, mais rassurez vous on retrouve le ton de l’auteur qui fonctionne très bien. Avec de l’humour noir, des dialogues qui donnent le sourire et quelques scènes d’anthologie. On est bien dans un polar de Jacky Schwartzmann et honnêtement on dévore cette dernière fournée en date.

Shit !, ed. Seuil, 19,50 euros, 320 pages.

Leurs enfants après eux / Nicolas Mathieu

Trois adolescents grandissent dans une ancienne région ouvrière de l’Est de la France.

On s’apprête à suivre Steph, Hacine et Anthony dans une vallée un peu paumée, à l’Est de la France. Une vallée avec d’anciens hauts fourneaux et un passé ouvrier qui plane non loin. Nous nommes en 1992 et les trois ados tentent d’occuper leur quotidien entre petites conneries et fêtes chez les uns et chez les autres. Nicolas Mathieu décrit avec une précision bien à lui ses morceaux de vie, les sentiments contradictoires de l’adolescence mais aussi les sentiments qui émergent lorsque l’on grandit à la campagne et que l’on cherche à tester ses limites, à s’identifier à autrui. C’est avec beaucoup de plaisir que l’on retrouve la plume de l’auteur. Il parvient souvent à saisir des instants de vie avec beaucoup de justesse, que ce soit les virées en bécane, les premières expériences sexuelles, les moments de solitude des personnages ou bien les premiers instants à l’aurore après une soirée bien remplie. Tout y est. C’est tout un milieu social qui se déploie devant le lecteur. Toute une atmosphère. L’auteur prend le temps de donner de l’épaisseur à ses personnages qui deviennent attachants au fil du roman. Malgré les conneries, malgré les raisonnements à côté de la plaque de certains on est touchés par ces parcours de vie. Les années passent et on les voit grandir, galérer, évoluer. « Leurs enfants après eux » est un bouquin plein d’humanité, loin des clichés.

Leurs enfants après eux, ed. Actes Sud, 10,40 euros, 560 pages.

Des histoires qui vous ressemblent / Et l’imagination prend feu / Françoise Bourdin et Christelle Dabos

Des bouquins sur la création toujours aussi intéressants.

Dans la continuité du livre de Michel Bussi sur le thème du suspense notamment, j’ai lu les livres de Christelle Dabos et Françoise Bourdin dans la même collection, « Secrets d’écriture » chez Hachette. Une collection dédiée aux coulisses du travail d’écriture de plusieurs romanciers et romancières. De la question de la création à l’édition en passant par les différents ressorts scénaristiques existants, cette collection est vraiment intéressante. Christelle Dabos aborde comment elle construit ses mondes imaginaires notamment dans sa série du « Passe-miroir ». Françoise Bourdin de son côté repère des invariants dans ses différentes histoires. Des histoires familiales ou des sagas, dans lesquelles les relations humaines entre les personnages forment le cœur du récit. Cette collection offre de courts bouquins que l’on a envie d’annoter ou de relire.

Et l’imagination prend feu, ed. Hachette, 15,90 euros, 192 pages.

Des histoires qui vous ressemblent, ed. Hachette, 14,90 euros, 176 pages.

Ces femmes-là / Ivy Pochoda

Un tueur en série revient dans un quartier de Los Angeles pour s’en prendre à une communauté de prostituées.

Dans un quartier plutôt laissé à l’abandon à Los Angeles, West Adams, Ivy Pochoda dresse les portraits de plusieurs femmes. Une communauté de prostituées soudée qui doit faire face à de vieux démons qui ressurgissent. Un tueur en série ayant sévi dans le coin il y a plusieurs années semble avoir refait surface. Les mauvais souvenirs reviennent et les personnages doivent de nouveau composer avec leurs peurs. En adoptant directement les points de vue des femmes en question, le lecteur est au plus près des victimes. L’autrice décortique les sentiments que ce soit l’insécurité ressentie par ces femmes, les contacts quotidiens avec la misogynie ou encore la volonté farouche d’avancer et de s’en sortir. C’est un roman noir qui change dans sa construction et en même temps on a du mal à le déposer une fois débuté. Les dialogues, les situations de ces femmes (les prostituées, mais aussi les femmes au sein même de la police), leurs conditions, tout sonne juste. Ivy Pochoda écrit avec « Ces femmes-là » un polar abouti et bien en phase avec son temps.

Ces femmes-là, ed. Globe, 23 euros, 400 pages.

Béton rouge / Simone Buchholz

Une nouvelle enquête de Chastity Riley avec la dose d’humour noir qui va bien.

On continue dans la série avec Chastity Riley la procureure d’Hambourg et « Béton rouge », le troisième opus déjà de Simone Buchholz, publié en 2022 dans la collection Fusion chez l’Atalante. Un homme est découvert enfermé dans une cage devant le bâtiment d’un grand groupe d’édition au début du roman. Quelqu’un a voulu faire passer un message et le moins que l’on puisse dire c’est que ce message est plutôt glauque. L’enquête va suivre son cours, mais surtout la verve et le ton inimitable de Chastity Riley vont reprendre du service. Un personnage toujours aussi attachant et borderline comme on aime. Son entourage qui est un peu sa « famille » n’est pas en reste et on a encore une fois le droit au détour de certains dialogues à des passages vraiment bien vus. L’écriture est aussi affutée que le regard de l’héroïne sur la société. Dans « Béton rouge », il est question de maltraitance chez les enfants, mais aussi d’une presse au service d’une société qui marche parfois sur la tête. Les polars de Simone Buchholz ont définitivement une atmosphère à part.

Béton rouge, ed. l’Atalante, coll. Fusion, 19,90 euros, 240 pages.

Quartier rouge / Simone Buchholz

Premier roman noir avec Chastity Riley la procureure barrée de Simone Buchholz. Et première réussite.

Après avoir découvert la procureure Chastity Riley dans « Nuit bleue », je continue de lire les romans noirs de l’autrice Simone Buchholz avec « Quartier rouge » et c’est toujours aussi prenant. On prend beaucoup de plaisir à se retrouver de nouveau à Hambourg. Cette fois-ci Chastity se retrouve face au cadavre d’une jeune femme scalpée. À priori une stripteaseuse et malheureusement ça ne sera pas la seule victime dans cette histoire. Dans ce premier roman noir de la série, on distingue déjà le ton singulier de la romancière qui n’a pas son pareil pour camper une ambiance ou une atmosphère. On est embarqué avec Chastity et son entourage de bras cassés, de Faller le commissaire au ton paternel à Klatsche avec qui la procureure noue des relations épisodiques, sans oublier Clara la bonne pote du bar qui devient souvent le QG de Chastiy, lorsqu’elles ne sont pas toutes les deux devant un match de Santk Pauli en troisième division. Il semblerait que le meurtrier manipule ses victimes dans l’affaire qui occupe la procureure. Les filles le suivent sans hésiter. En passant par des moyens pas toujours légaux, Chastiy va se lancer dans l’enquête avec son tact légendaire et encore une fois on est complètement embarqué dans ce roman noir aux dialogues savoureux. Même si c’est le premier de la série il y a déjà une forme de maturité dans la plume de Simone Buchholz.

Traduit de l’Allemand par Joël Falcoz.

Quartier rouge, ed. Piranha, 16,90 euros, 208 pages.

Nuit bleue / Simone Buchholz

Dans la ville d’Hambourg, un roman noir à l’atmosphère unique.

Je découvre Chastity Riley, procureure de la ville d’Hambourg, écartée de ses fonctions suite à une ancienne enquête qui a déconné pour elle. Une enquête qui impliquait son ancien chef, un supérieur devenu un malfrat. Dans « Nuit bleue », on découvre une écriture singulière et un ton qui renouvèlent ce que l’on retrouve habituellement dans le roman noir. J’étais curieux de découvrir cette autrice dans la collection « Fusion » chez l’Atalante. Le récit ne s’essouffle pas et c’est le genre de polar épuré que je trouve prenant. L’autrice envoie de sacrées punchlines via son personnage, on comprend rapidement que la procureure a des méthodes bien à elle pour arriver à ses fins. À commencer par la bière et la clope un lendemain de cuite pour se remettre. Suite à sa mise à l’écart, elle s’occupe maintenant des blessés et autres altercations en cherchant les identités des victimes dans la ville d’Hambourg. La victime du début de « Nuit bleue » finit à l’hôpital après s’être fait rouer de coups dans la rue et la procureure est appelée pour la rencontrer à l’hôpital. Entourée de sa bande d’amis la procureure va tenter de rassembler petit à petit les pièces d’un puzzle complexe qui se cache derrière l’inconnu à l’hôpital. On découvre dans « Nuit bleue » un nouveau personnage attachant et ça donne envie de poursuivre cette série.

Traduction de Claudine Layre.

Nuit bleue, ed. l’Atalante, coll. Fusion, 19,90 euros, 240 pages.

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