Le Pain nu / Mohamed Choukri

Une enfance écourtée dans le Rif marocain des années 1940.

Dans un récit autobiographique cru et sans détour, Mohamed Choukri écrit sur son enfance et sur les évènements qu’il a traversés dans sa vie et dans sa famille. De la grande pauvreté à la débrouille en passant par la vulnérabilité des enfants et la violence de son père, il décrit son enfance difficile dans le Rif Marocain des années 1940. Avec de courts dialogues et des phrases qui sonnent le lecteur, « Le pain nu » est une claque. Un court texte épuré paru en 1972. L’écriture lui permet de coucher sur le papier ses ressentis, ses souvenirs. L’auteur apprend très tard à lire et à écrire puis devient ensuite maitre d’école. Il a ce désir de s’adresser aux plus jeunes pour leur offrir ce que lui n’a pas eu dans son enfance. Une enfance terrible et écourtée que l’on découvre dans cette autobiographie. « Le pain nu » donne le sentiment qu’il ne l’a pas vécue justement cette enfance. À l’arrivée cela donne un livre réaliste au plus près des premières sensations de l’auteur.

Le Pain nu, ed. Points, 6,20 euros, 168 pages.

Dites-leur que je suis un homme / Ernest J. Gaines

La rencontre entre deux hommes dans l’Amérique profondément raciste des années 40.


Dans les années 40, dans un comté de la Louisiane, un jeune noir se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment. Un braquage dégénère et fait des victimes. Jefferson est alors accusé d’assassinat envers un blanc. Il est sur les lieux mais n’est en rien responsable. Il sera jugé et condamné à la peine capitale, au début de ce roman poignant d’Ernest J. Gaines. L’avocat commis d’office en charge de son cas n’est pas concerné par son affaire et plaide l’ignorance chez Jefferson ce qui n’arrange rien. De plus Jefferson est illettré et est incapable de se défendre seul. On sent tout de suite qu’il va être traité comme un moins que rien dans ce jugement qui est une farce. Sa tante qui n’accepte pas que son protégé meurt dans ses conditions demande à l’instituteur de sa plantation de le rencontrer en cellule pour en faire un homme, pour lui redonner de la dignité. S’engage alors une singulière relation entre le prisonnier et Wiggins l’instituteur. Wiggins est le premier à dénoncer la ségrégation raciale et la façon dont les noirs sont traités mais il n’excuse pas non plus les noirs qui ne se battent pas et rendent les armes face aux discriminations raciales. Pendant les différentes visites en prison et avant que le verdict arrive à son terme, on suit le cheminement d’un homme condamné qui dépasse le racisme crasse dont il est victime et réalise les choses au contact de Wiggins. L’injustice est criante mais il s’appuie sur sa rencontre avec cet instituteur. C’est un roman écrit dans une langue concise, qui touche au cœur. Notamment la fin qui prend vraiment aux tripes. Un roman riche qui pose de nombreuses questions, de la religion au racisme, en passant par ce qui fait sens dans la vie d’un homme. Il aborde la domination des blancs sur les noirs dans le Sud des États-Unis tout en ayant des nuances lorsqu’il aborde la complexité de certains rapports avec les blancs, notamment le personnage du shérif adjoint.

Traduit de l’américain par Michelle Herpe-Voslinsky

Dites-leur que je suis un homme, Ed. Liana Levi, coll. Piccolo, 11 euros, 304 pages.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer