Free Queens / Marin Ledun

Un roman noir dense, sur une industrie violente au Nigeria.

Après avoir questionné avec beaucoup de talent l’industrie du tabac dans « Leur âme au diable », Marin Ledun s’attèle à décortiquer dans son dernier roman noir un business de la bière au Nigeria. Une industrie qui brasse énormément d’argent et qui enrôle des prostitués pour représenter l’image de marque de la bière. On suit une journaliste française du « Monde » qui se rend au Nigeria pour approfondir la question, on suit un des dirigeants de l’entreprise qui produit la bière, un homme qui ne recule devant rien et aux méthodes managériales douteuses. On suit aussi plusieurs policiers plus ou moins corrompus qui naviguent autour des intrigues. Notamment un policier intègre qui cherche à rendre justice à deux femmes retrouvées mortes au début du roman. Deux prostitués dont tout le monde se fout. Et cela va devenir pour lui une affaire personnelle de remonter les raisons du crime. Marin Ledun écrit un roman noir d’une redoutable efficacité, qui ausculte avec beaucoup de précision une industrie qui broie des vies humaines (on sent le travail documentaire dense et rigoureux derrière l’intrigue). Free Queens s’inscrit dans la pure tradition des polars très sombres et réalistes et encore une fois l’auteur confirme roman après roman, dans ce genre qu’il affectionne tout particulièrement.

Free Queens, ed. Gallimard, coll. Série Noire, 21 euros, 416 pages.

Des histoires qui vous ressemblent / Et l’imagination prend feu / Françoise Bourdin et Christelle Dabos

Des bouquins sur la création toujours aussi intéressants.

Dans la continuité du livre de Michel Bussi sur le thème du suspense notamment, j’ai lu les livres de Christelle Dabos et Françoise Bourdin dans la même collection, « Secrets d’écriture » chez Hachette. Une collection dédiée aux coulisses du travail d’écriture de plusieurs romanciers et romancières. De la question de la création à l’édition en passant par les différents ressorts scénaristiques existants, cette collection est vraiment intéressante. Christelle Dabos aborde comment elle construit ses mondes imaginaires notamment dans sa série du « Passe-miroir ». Françoise Bourdin de son côté repère des invariants dans ses différentes histoires. Des histoires familiales ou des sagas, dans lesquelles les relations humaines entre les personnages forment le cœur du récit. Cette collection offre de courts bouquins que l’on a envie d’annoter ou de relire.

Et l’imagination prend feu, ed. Hachette, 15,90 euros, 192 pages.

Des histoires qui vous ressemblent, ed. Hachette, 14,90 euros, 176 pages.

Réparer la santé / Alice Desbiolles

Démocratie, éthique, prévention.

Alice Desbiolles est médecin en santé publique, une spécialité méconnue dont on parle peu. Une spécialité pourtant au centre de nos préoccupations ces derniers temps avec l’épidémie de Covid. L’autrice avec beaucoup de clarté prend du recul par rapport à l’épidémie et par rapport à la gestion des pouvoirs publics. Elle constate par exemple qu’au début de l’épidémie il était compliqué de parler d’approche holistique et de santé publique. Le gouvernement donnait l’impression de vouloir agir vite en se focalisant sur la santé et l’économie et sans prendre en compte les autres sphères de la société aussi impactées. L’autrice se demande dans quelles mesures il était/il est possible de concilier le respect de la démocratie et la prise en charge de la crise. Il est question d’éthique, d’autonomie de chacun et chacune face à la maladie, mais aussi de la toute puissance de l’approche biomédicale (une approche nécessaire, mais qui ne doit pas être la seule approche). L’autrice en s’appuyant notamment sur l’approche d’Ivan Illich, construit un raisonnement qui permet de réaliser la complexité de la situation. De l’éthique à la notion de soin en passant par la morale, Alice Desbiolles écrit un court essai percutant qui permet d’éclairer sous un nouveau jour les désaccords qui sont apparus dans la société pendant cette crise sanitaire.

Réparer la santé, ed. Rue de l’échiquier, 12 euros, 112 pages.

Comment écrire de la fiction ? / Lionel Davoust

Rêver, construire, terminer ses histoires.

Lionel Davoust rassemble dans ce bouquin une grande partie de l’expérience acquise lors de ses différents ateliers d’écriture, des romans qu’il a écrit ou encore des articles sur son blog sur le thème de l’écriture. L’auteur questionne avec une curiosité contagieuse les procédés d’écriture dans la fiction depuis un moment déjà. Ce livre en est un nouvel exemple. Il décortique comment un scénario peut s’agencer et comment on peut mener jusqu’à son terme un projet d’écriture. Il donne aussi quelques conseils qu’il aurait bien aimé avoir à ses débuts notamment des conseils très pratiques. C’est un livre qui ne donne pas de recettes mais qui avec un ton bien à lui renouvelle l’approche. Quelques extraits de romans, des références bibliographiques intéressantes et des schémas parsèment le tout. Un essai stimulant et que l’on a envie d’annoter régulièrement. On sent le passionné derrière la page. Un riche petit bouquin qui aborde aussi bien la question de la création que celle de l’écriture.

Comment écrire de la fiction ?, ed. Argyll, 14,90 euros, 162 pages.

Nager sans se mouiller / Carlos Salem

Un tueur à gages se retrouve en famille au milieu d’un camping naturiste.

Numéro trois est tueur à gages, mais aussi un père de famille plutôt tendance père absent. Il se retrouve à prendre des vacances au début du roman, avec sa fille et son fils dans un camping naturiste dans le sud de l’Espagne. Et comme une mission n’est jamais bien loin, son employeur souhaite cette fois-ci qu’il joint l’utile à l’agréable en surveillant une potentielle cible durant son séjour dans le camping avec ses enfants. Numéro trois qui flaire l’embrouille ne comprend pas pourquoi il ne doit tuer personne et simplement « surveiller » une cible. La suite va lui donner raison. En impliquant son ex-femme ou encore d’anciennes connaissances, le camping va être le théâtre de nombreux rebondissements pour le tueur. Carlos Salem écrit un roman noir déjanté à souhait, avec quelques flashbacks au fil du récit sur la vie du tueur. À l’arrivée, cela donne un savant mélange d’humour noir et d’action. Certains passages sont discutables notamment des dialogues un peu clichés, mais l’ensemble reste de très bonne facture. Une découverte qui vaut le détour.

Nager sans se mouiller, ed. Actes Sud, 22,20 euros, 304 pages.

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