De la jalousie / Jo Nesbo

Jalousie et roman noir pour ce recueil de nouvelles de Jo Nesbo.

Jo Nesbo s‘essaie à la nouvelle dans ce recueil et c’est plutôt réussi. Malgré des nouvelles qui n’ont pas toutes le même impact, l’ensemble se tient bien et le thème de la jalousie en filigrane permet à l’auteur de mettre en place les coups de théâtre dont il est friand. Peut être moins abouti que sa série avec Harry Hole, « De la jalousie » offre tout de même un bon moment de lecture. Efficace.

De la jalousie, ed. Gallimard, coll. Série noire, 19,50 euros, 352 pages.

Une ordure / Irvine Welsh

Découvrir un policier d’Édimbourg détestable et qui n’a aucune limite.

Bruce Robertson est un brigadier de la police d’Édimbourg, un flic détestable qui n’a aucune empathie pour ses pairs. L’histoire démarre avec une enquête lorsqu’un jeune noir est assassiné à coups de marteau. L’occasion pour le lecteur de découvrir l’enquêteur Robertson à l’œuvre et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il faut s’accrocher pour s’attacher ne serait-ce qu’un peu à ce personnage. Mysogine, raciste, violent, d’un égoïsme crasse et j’en passe, le brigadier fait partie de ses personnages que rien n’arrête dans le malsain. Irvine Welsh nous emmène dans les méandres de sa psyché torturé et le tout fonctionne. On prend une bonne grosse claque à lecture de ce livre qui pousse de nombreux curseurs bien au-delà du raisonnable. Les collègues du personnage principal ne sont pas en reste et si vous avez envie de croiser la route de flics bien pourris vous êtes au bon endroit. Une expérience de lecture.

Une ordure, Ed. Points, 8,20 euros, 512 pages.

L’Âme du chasseur / Deon Meyer

En Afrique du Sud, un agent secret voit son passé ressurgir.

« P’tit » a été par le passé un agent pour les services secrets sud-africain. Depuis le changement de régime il a une vie rangée avec sa compagne et l’enfant de cette dernière. Il bosse chez un concessionnaire auto et ne fait aucune vague. Mais un jour, il reçoit une demande d’un ancien camarade de lutte. Ce camarade a été enlevé et les ravisseurs demande des informations bien précises contenues sur un disque dur. Il est obligé de quitter son foyer pour leur amener le disque dur. Sur la route, il se retrouve à son insu la proie d’une chasse imprévue. D’un côté les forces de l’ordre le repère et le poursuive mais de l’autre il ne comprend pas pourquoi ce disque dur qu’il doit transporter lui attire autant de problèmes. Étant un ancien agent hors pair, il tente de contenir ses vieux démons et de ne pas retomber dans une violence qu’il a connu. Mais les choses ne vont pas être si simples, la traque peut basculer à tout moment. Deon Meyer dans « L’âme du chasseur » est à son meilleur. On retrouve un roman qui oscille entre thriller et roman noir, avec un soupçon de corruption et de politique comme souvent chez l’auteur. Le tout fonctionne très bien et on se laisse porter par la tension qui va crescendo.

L’Ame du chasseur, ed. Seuil, 21,30 euros, 432 pages.

Le Carré des indigents / Hugues Pagan

Premier Pagan et première claque. Un polar à l’atmosphère unique.

Le lieutenant Schneider est muté dans une ville qu’il a connu par le passé. Nous sommes dans les années 70. Il vient de Paris et a déjà fait ses preuves. Flic taciturne et mélancolique, il n’est pas là pour s’entendre avec ses collègues ni pour faire traîner les affaires sur lesquelles il travaille. Le lecteur découvre rapidement qu’il a un passé plutôt sombre avec son lot de casseroles. Dans le nouvel environnement dans lequel il travaille, le cadavre d’une adolescente est retrouvée au début du roman. Schneider qui fait partie de la criminelle est mis sur cette affaire, une affaire qui va virer à certains moments à l’obsession. « Le carré des indigents » est un sacré roman noir très bien écrit. On sent que l’auteur connaît son sujet, même si l’enquête n’est pas des plus originales tout le reste fait de ce polar un roman à part. Hugues Pagan a beaucoup de talents pour faire naître des images et des atmosphères chez le lecteur. On retrouve toute une brochette de personnages, du flic raciste en passant par le chef qui hurle tout le temps mais que personne n’écoute. C’est un régal du début à la fin, du polar de haute volée. L’auteur en profite pour adopter un regard plein de lucidité et de réalisme sur l’institution policière. La police sert les puissants et ne va pas une seule seconde dans le sens des marginaux. Le lieutenant Schneider est le premier à ressentir de la colère lorsqu’il voit les traitements différents selon le statut de la victime. Ce personnage de flic pourrait paraître distant de part son caractère mais il n’en est rien, on sent un personnage complexe derrière les apparences et on a qu’une seule envie c’est de le suivre dans les méandres de ses pensées torturées. Je découvre l’œuvre d’Hugues Pagan avec cette lecture et évidemment j’ai très envie de prolonger la découverte avec ses anciens romans.

Le Carré des indigents, ed. Rivages noir, 20,50 euros, 384 pages.

Tigre obscur / Gilles Sebhan

Un roman en forme de réflexion sur le normal et le pathologique. Du pur noir.

Je découvre le lieutenant Dapper avec le dernier livre de l’auteur, sorti cette année. La couverture est très belle comme souvent chez les éditions du Rouergue, et on retrouve son aspect énigmatique dans l’histoire. Un mystérieux tueur s’en prend à des hommes qui ont harcelé ou qui ont des choses inavouables enfouies dans leur passé. Dapper est sur le coup mais il a du mal à y voir clair. Théo son fils biologique ne lui facilite pas la tâche, ce dernier étant hanté par un passé difficile, dans lequel il a subi des traumatismes. Sa famille non plus ne va pas l’aider plus que cela. Gilles Sebhan campe une ambiance très sombre dans ce court roman, où chacun dévoile son passé au fil des évènements, où les non dits planent. On est dans un pur polar qui happe le lecteur, dans lequel les personnages ne reculent devant rien. Des personnages qui côtoient la folie, la vengeance. Le genre de livre qui sort rapidement le lecteur de sa zone de confort. Et c’est très bien amené. Il me tarde de découvrir les romans précédents de l’auteur. Je suis passé à côté de certains passages qui semblaient faire référence aux histoires précédentes. « Tigre obscur » est donc un très beau roman noir avec une plume tirée au cordeau et qui n’hésite pas à fouiller les tréfonds de l’âme humaine. Une belle découverte.

Tigre obscur, ed. du Rouergue, 18 euros, 192 pages.

Le Gibier / Nicolas Lebel

Un polar très bien construit qui se joue du lecteur du début à la fin.

Yvonne Chen et Paul Starski forment un duo détonnant. Le commissaire Starski est empêtré dans ses affaires personnelles d’un côté, de la maladie de son chien à des relations compliquées avec sa femme. Tandis que de l’autre, Chen est une policière taciturne et d’un pragmatisme à toutes épreuves, qui vit sa vie comme elle l’entend. Un personnage que je trouve particulièrement réussi, qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat et qui ramène son coéquipier sur terre dans l’enquête qui va les occuper. Les deux protagonistes sont appelés au début du roman dans un appartement où se déroule une prise d’otage. La prise d’otage dégénère et deux hommes sont retrouvés morts à l’intérieur. C’est à partir de là que Nicolas Lebel entraîne le lecteur de rebondissements en rebondissements dans une enquête bien plus complexe qu’elle n’en a l’air. Des intérêts des grands labos pharmaceutiques à des éléments liés à l’Apartheid en Afrique du Sud en passant par la chasse à courre, le duo n’est pas sorti des ronces. Et il faut reconnaître que l’auteur a beaucoup de talent pour mener le lecteur par le bout du nez. Starski perd pied dans cette enquête qui va le toucher personnellement et Chen tente de surnager pour deux. On pense savoir où l’enquête se dirige et à chaque fois on se plante complètement. Un excellent polar.

Le Gibier, ed. du Masque, 21,90 euros, 396 pages.

Surface / Olivier Norek

Une flic est mutée dans l’Aveyron suite à une grave blessure en service.

Le capitaine Chastain est une fonceuse. À la tête de sa brigade à la PJ de Paris, elle va être marquée à vie par une descente qui dégénère un matin dans un appartement. Éloignée de son équipe et de Paris par son chef durant son rétablissement, la flic ne tient pas longtemps en place et commence à déterrer de vieilles histoires dans le nouvel environnement dans lequel elle arrive. Elle se retrouve dans l’Aveyron avec de nouveaux collègues et quelques petits villages aux alentours, où tout le monde se connait et où le rythme de vie n’a rien à voir avec Paris. Une toute nouvelle atmosphère se crée avec des fantômes du passé qui ressurgissent et d’autres surprises tout aussi réjouissantes. J’avais bien accroché avec Olivier Norek et « Entre deux mondes » et j’ai un peu moins été convaincu avec « Surface ». L’enquête est bien menée, mais je n’ai pas été embarqué plus que ça. Quelques dialogues m’ont un peu sorti de l’histoire. Par contre le personnage de Chastain est marquant et l’auteur renouvelle avec brio les personnages de flics que l’on croise habituellement dans les romans noirs.

Surface, ed. Pocket, 7,95 euros, 400 pages.

L’eau rouge / Jurica Pavicic

Un auteur croate à découvrir. Très beau roman noir.

Un soir de 1989, dans un petit village Croate de la côte dalmate, Silva finit de diner avec son frère et ses parents avant de se rendre à la fête des pêcheurs pour retrouver ses amis. La jeune fille de 17 ans n’imagine pas une seconde que ce dîner sera le dernier en leur compagnie. Elle est portée disparue dès le lendemain et sa photo sera bientôt sur toutes les rétines du petit bourg.

L’enquête menée par Gorki Sain démarre puis piétine. Le pays est en proie à des changements politiques et des conflits importants suite à l’effondrement du régime de Tito. La famille ne lâchera pas le morceaux de son côté et Jurica Pavicic emmène la lectrice et le lecteur dans cette quête. Tout débute en 1989 et les années vont filer, tout comme les chapitres. Chaque chapitre relate les évènements vécus par les personnages qui vieillissent, et qui gravitent autour de cette disparition. On suit tour à tour les parents de la jeune fille, son frère, mais aussi l’enquêteur Gorki Sain en charge de l’affaire ou encore les amis de Silva. Les vies continuent, les personnages changent mais le spectre de cette disparition n’est jamais loin. On découvre l’impact du drame sur la famille et sur tout une communauté qui a été amené à la côtoyer d’une manière ou d’une autre. C’est une façon inédite de traiter la disparation et l’auteur rend par ce biais le récit immersif et prenant. On découvre les choses au fur et à mesure, en revoyant des personnages bien après cette fameuse soirée de 1989.

L’auteur écrit très bien et malgré l’histoire qui s’étale sur plusieurs années on ne décroche pas. Il tisse avec habilité l’histoire d’un pays et une singulière intrigue. Il prend le temps de s’attarder sur ses personnages, sur des petits tournants dans leurs vies. On se laisse complètement embarquer dans ce roman noir qui change d’échelle régulièrement et imbrique à merveille les petites histoires dans la grande. Une très belle découverte.

Traduit du croate par Olivier Lannuzel.

L’eau rouge , ed. Agullo, coll. Agullo Noir, 20,50 euros, 384 pages.

Monstres en cavale / Cloé Mehdi

Damien est incarcéré à l’âge 13 ans et il attendra ses 19 ans pour avoir une chance de s’évader.

Damien est en prison depuis ses 13 ans pour de sombres raisons que je vous laisse découvrir. Au début de ce roman noir, il est transféré de sa prison à un zoo dans lequel les plus grands criminels sont rassemblés dans des enclos. Des criminels dont il fait partie et qui sont exposés comme des animaux aux visiteurs toujours plus nombreux. C’est dans cet endroit morbide que les choses vont s’accélérer pour Damien puisqu’il réussit à s’échapper tout en rencontrant Cab, une jeune fille issue du grand banditisme qui va lui ouvrir les portes d’un monde souterrain qu’il méconnait. Le futur ne s’annonce pas plus reposant pour le jeune homme fragile et abimé par les années de prison.

On retrouve dans « Monstres en cavale » les thèmes chers à l’autrice qui était déjà présents dans « Rien ne se perd », un roman noir édité chez Jigal en 2016 (une claque à lire d’urgence). Cloé Mehdi aborde dans ce premier roman les violences envers les enfants sous plusieurs formes (violences physiques, abandon) tout en questionnant la prison et la prise en charge de la maladie mentale dans la société. Ici on se situe à la frontière entre le thriller et le roman noir, le récit est mené tambour battant et une fois la fuite de Damien amorcée à travers l’Europe, l’autrice déroule les péripéties sans laisser ses personnages souffler bien longtemps. Ce premier roman écrit très jeune est déjà le reflet d’une autrice talentueuse et cela va se confirmer par la suite, notamment dans « Rien ne se perd » qui est pour moi une référence dans le polar.

Monstres en cavale, ed. du Masque, 7,90 euros, 624 pages.

La proie / Deon Meyer

Une nouvelle enquête de Benny Griessel et Vaughn Cupido entre Le Cap et Bordeaux.

Afrique du Sud. Le Cap. Un cadavre est retrouvé le long d’une voie ferrée où un train de luxe passe régulièrement. Ce cadavre est celui d’un ancien des services où travaillent Benny Griessel et Vaughn Cupido. Les deux compères, personnages récurrents chez Deon Meyer, font partie de la brigade des Hawks et s’occupent des affaires criminelles. Ils se retrouvent à enquêter sur ce cas épineux. Est-ce un suicide ? Un assassinat ? En parallèle à cela, un mystérieux personnage tente de se construire un quotidien banal à Bordeaux en France, en faisant table rase du passé. Un passé où il a été un ancien combattant de la branche militaire de l’ANC (l’African National Congress), autrement dit un agent de la lutte armée contre l’Apartheid.

Deux intrigues pour deux histoires qui cheminent de chapitres courts en chapitres courts comme souvent chez Deon Meyer. Les péripéties se déroulent en Afrique du Sud et en France, ce qui rend dynamique le récit. C’est efficace, prenant, avec jusque ce qu’il faut d’action sans être transcendant non plus dans les dialogues et dans les vannes. L’auteur aime toujours autant son pays mais ne peut s’empêcher de porter un regard désabusé, notamment sur sa politique.On sait à quoi s’attendre chez Deon Meyer et pourtant on se laisse porter et on y retourne. La recette est connue, certains clichés sont là et pourtant ça fonctionne. Un bon petit polar.

La proie, ed. Gallimard, coll. Série Noire, 18 euros, 576 pages.

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