Ton absence / Guillaume Nail

La naissance d’un sentiment amoureux au milieu d’un groupe de potes.

Léo s’est formé un groupe de potes lors de son premier stage théorique pour obtenir le BAFA. Il a créé des liens forts et la bande est proche, à tel point qu’ils repartent ensemble pour le second stage, l’approfondissement. Un stage qui fait partie du parcours pour obtenir le BAFA et faire de l’animation. C’est pendant ce stage, le temps d’une semaine, que Léo voit naitre chez lui des sentiments pour Matthieu un autre stagiaire. Des sentiments qu’il refoule, qu’il tente de contrôler et qui en même temps, il le sent bien, le dépassent un peu. Le regard du groupe sur cette relation naissante va beaucoup jouer sur les comportements de Léo mais aussi sur ceux de Matthieu, qui lui de son côté est plutôt solitaire et dénote dans la bande qui réalise le stage. Il y a de tout dans ce court roman touchant de Guillaume Nail. Une forme d’écriture libre sur certaines pages, des passages qui côtoient de la poésie, une grande importance de la nature. On est embarqués par ce que traverse Léopold, ça sonne juste. Ce court roman est rythmé par les différentes activités animées par les jeunes qui passent le stage et qui veulent l’obtenir pour poursuivre vers le diplôme. C’est aussi une façon de voir évoluer un sentiment amoureux entre deux jeunes dans un environnement qui met des barrières à ce sentiment justement. Dans « ton absence », on questionne le désir chez ces jeunes adultes, le rapport aux normes et l’impact que cela peut avoir directement dans leurs vies. Un roman qui prouve encore une fois toute la vitalité de la littérature jeunesse. À découvrir.

Ton absence, ed. Rouergue, 12,80 euros, 160 pages.

Amour chrome / Sylvain Pattieu

Hypallage – Tome 1

« Amour chrome » inaugure la série Hypallage, une série avec quatre romans en littérature jeunesse édités à l’école des loisirs. Sylvain Pattieu s’attarde dans chaque bouquin sur un des personnages d’une bande de potes. Dans « Amour chrome » il est question de Mohammed-Ali, un 3e avec de bons résultats et qui termine son collège tranquillement. La nuit il a une passion à l’abri des regards et sort de chez lui à l’insu de ses parents pour taguer. Il se passionne pour le graff et éprouve un sentiment de liberté unique lorsqu’il tague. Le reste du temps, il vaque entre ses potes et ses sentiments pour Aimée, une fille de sa classe qui ne vit que pour le football. Sylvain Pattieu écrit un roman sur des jeunes qui se cherchent. Les réactions et les dialogues sonnent juste ce qui loin d’être évident et on voit des amis se questionner sur les relations ou sur le monde qui les entoure. L’auteur n’en rajoute pas et laisse ses personnages vivre leur amitié, rencontrer des galères ou faire leurs expériences. À l’image d’une jolie scène dans laquelle Mohammed-Ali demande à son père de lui apprendre à se raser pour la première fois. Ce dernier se met alors en quatre et rend la chose importante, rendant le passage touchant. « Amour chrome » c’est aussi le roman d’une adolescence qui passe, du passage à l’âge adulte avec une fin inattendue. Sylvain Pattieu écrit un premier tome qui recoupe de nombreuses problématiques adolescentes, un bouquin que l’on a envie de faire lire autour de soi. Hâte de lire la suite.

Amour chrome, ed. l’école des loisirs, 14 euros, 192 pages.

L’anguille / Valentine Goby

Un court roman jeunesse touchant sur la différence.

Camille d’un côté et Halis de l’autre. Camille vient d’arriver dans le collège et a la particularité d’être née sans bras. Les gens étaient habitués là où elle vivait, mais dans ce nouveau collège le regard des autres élèves devient difficile à supporter. La jeune fille ne vit pas bien son déménagement. Halis, un petit gars de 13 ans d’origine turque, voit l’arrivée de Camille dans sa classe comme une opportunité pour lui de se mettre en retrait. Il est d’habitude la cible des critiques des autres dans la classe en raison de son surpoids. Valentine Goby écrit avec « L’anguille » un roman sur l’adolescence et notamment les questions autour du harcèlement scolaire. Elle restitue très bien l’âpreté des relations entre les collégiens, qui ne se laissent rien passer entre eux. On suit ces deux personnages attachants qui vont être capables de se réinventer pour passer outre les moqueries. Un court roman accessible qui touche, et toujours avec la plume remarquable de l’autrice.

L’anguille, ed. Thierry Magnier, 11,50 euros, 143 pages.

Le caprice de vivre / Jade Hilal

Trois trentenaires voient leur colocation parisienne s’effriter.

Ils sont trois, trois colocataires parisiens qui voient s’effriter les relations entre eux. Il y a Hamam, apprenti écrivain qui tente de comprendre pourquoi sa colocation de trentenaires ne tourne plus rond. Il y a Souleymane, excellent élève depuis tout petit et partisan du moindre effort. Il se passionne pour la défense de la cause animale lorsque l’on découvre le personnage au début du roman. Enfin, il y a Warda. Journaliste et grande reporter au Monde, elle est régulièrement en déplacement pour ses reportages et revient d’Irak au début du roman. C’est Hamam qui raconte l’éloignement qui guette les colocataires dans leur appartement parisien. Des tensions naissent. Des portes claquent. Hamam ressent le besoin d’écrire sur ce qu’il se passe, que ce soit l’éloignement du flegmatique Souleymane ou tout l’amour qu’il éprouve pour Warda mais qu’il a bien du mal à lui révéler. « Le caprice de vivre » est un texte tout en finesse et plein de justesse sur ce que recherche ces trentenaires et les sentiments qui les traversent. Encore un excellent bouquin des éditions Elyzad.

Le caprice de vivre, ed. Elyzad, 21 euros, 211 pages.

Un garçon ordinaire / Joseph d’Anvers

Un roman sensible, sur un groupe de potes qui grandit dans les années 90.

Nous sommes en 1994 et le roman débute sur un groupe de jeunes qui apprend la mort de Kurt Cobain. On prend le point de vue d’un des jeunes qui vit ses premiers amours, ses premières expériences à fond avec ses potes. Notamment avec son groupe de musique. Le narrateur a 17 ans et grandit dans une ville de province banale. Il voit approcher le bac sans trop s’inquiéter mais en ayant tout de même le sentiment qu’une page de sa jeunesse va bientôt se tourner. Joseph d’Anvers restitue très bien toute l’atmosphère d’une époque mais aussi les questionnements que les jeunes rencontrent lors de cette période de leur vie. « Un garçon ordinaire » sonne juste et l’auteur arrête sa focale sur les micro évènements qui changent une vie à 17 ans. Un jolie roman sur une jeunesse qui tente maladroitement un passage vers l’âge adulte sans forcément saisir tout ce qu’il se joue.

Un garçon ordinaire, ed. Rivages, 20 euros, 219 pages.

Béton rouge / Simone Buchholz

Une nouvelle enquête de Chastity Riley avec la dose d’humour noir qui va bien.

On continue dans la série avec Chastity Riley la procureure d’Hambourg et « Béton rouge », le troisième opus déjà de Simone Buchholz, publié en 2022 dans la collection Fusion chez l’Atalante. Un homme est découvert enfermé dans une cage devant le bâtiment d’un grand groupe d’édition au début du roman. Quelqu’un a voulu faire passer un message et le moins que l’on puisse dire c’est que ce message est plutôt glauque. L’enquête va suivre son cours, mais surtout la verve et le ton inimitable de Chastity Riley vont reprendre du service. Un personnage toujours aussi attachant et borderline comme on aime. Son entourage qui est un peu sa « famille » n’est pas en reste et on a encore une fois le droit au détour de certains dialogues à des passages vraiment bien vus. L’écriture est aussi affutée que le regard de l’héroïne sur la société. Dans « Béton rouge », il est question de maltraitance chez les enfants, mais aussi d’une presse au service d’une société qui marche parfois sur la tête. Les polars de Simone Buchholz ont définitivement une atmosphère à part.

Béton rouge, ed. l’Atalante, coll. Fusion, 19,90 euros, 240 pages.

Nuit bleue / Simone Buchholz

Dans la ville d’Hambourg, un roman noir à l’atmosphère unique.

Je découvre Chastity Riley, procureure de la ville d’Hambourg, écartée de ses fonctions suite à une ancienne enquête qui a déconné pour elle. Une enquête qui impliquait son ancien chef, un supérieur devenu un malfrat. Dans « Nuit bleue », on découvre une écriture singulière et un ton qui renouvèlent ce que l’on retrouve habituellement dans le roman noir. J’étais curieux de découvrir cette autrice dans la collection « Fusion » chez l’Atalante. Le récit ne s’essouffle pas et c’est le genre de polar épuré que je trouve prenant. L’autrice envoie de sacrées punchlines via son personnage, on comprend rapidement que la procureure a des méthodes bien à elle pour arriver à ses fins. À commencer par la bière et la clope un lendemain de cuite pour se remettre. Suite à sa mise à l’écart, elle s’occupe maintenant des blessés et autres altercations en cherchant les identités des victimes dans la ville d’Hambourg. La victime du début de « Nuit bleue » finit à l’hôpital après s’être fait rouer de coups dans la rue et la procureure est appelée pour la rencontrer à l’hôpital. Entourée de sa bande d’amis la procureure va tenter de rassembler petit à petit les pièces d’un puzzle complexe qui se cache derrière l’inconnu à l’hôpital. On découvre dans « Nuit bleue » un nouveau personnage attachant et ça donne envie de poursuivre cette série.

Traduction de Claudine Layre.

Nuit bleue, ed. l’Atalante, coll. Fusion, 19,90 euros, 240 pages.

Tibi la blanche / Hadrien Bels

Radiographie d’un quartier de Dakar à travers les voix de trois lycéens.

Ce roman c’est l’histoire de Tibi la blanche et de ses deux compères, Issa qui veut devenir styliste et Neurone qui a un temps d’avance en cours au lycée et un avenir (doré) tout tracé dans l’entreprise de son père. Tout se passe dans la banlieue de Dakar, peu de temps avant les résultats du bac. Les lycéens commencent à se faire des films sur l’avenir, mais commencent aussi à voir leurs amitiés chamboulées par cet avenir justement. Chacun va alors prendre un chemin de gré ou non, à commencer par Tibi qui souhaite étudier en France, mais qui va se rendre compte que les choses ne vont pas être si simples. Issa de son côté ne jure que par les marabouts et il veut se faire un nom dans le monde de la mode et compte bien ne pas y renoncer malgré des résultats scolaires tout juste. Neurone enfin, ultra privilégié à la base, se rend compte que son parcours tout tracé va l’éloigner de son trio et notamment de Tibi, alors qu’il n’a des yeux que pour elle. Hadrien Bels à travers une langue rythmée et imagée, dresse les portraits d’une jeunesse Dakaroise contemporaine. C’est un plaisir de retrouver le ton de l’auteur comme dans « Cinq dans tes yeux ». Les dialogues ne sont pas en reste et sonnent juste. On découvre l’envers du décor et l’histoire du Sénégal, notamment un passé colonial qui laisse des traces. Un bouquin qui offre la photographie d’une jeunesse sénégalaise avec beaucoup de réalisme.

Tibi la blanche, ed. L’Iconoclaste, 20 euros, 256 pages.

Fief / David Lopez

Une troupe de potes et des vies qui s’écoulent. Un roman marquant.

« Fief » au risque de répéter ce qui a été dit et redit lors de sa sortie est avant tout un roman avec une langue travaillée, qui marque. La langue d’un auteur qui a trouvé sa plume et qui décrit avec beaucoup de justesse les vies de jeunes marginaux vivant en banlieue. Ni dans une très grande ville, ni dans une campagne perdue. On rencontre Jonas et ses potes, on découvre leurs quotidiens et on les suit du club de boxe aux soirées plus ou moins galères en passant par les souvenirs de leurs enfances. Comme dans le roman récent de Diaty Diallo, David Lopez s’attarde sur ses jeunes sans jugement ni pathos. Il y a un réalisme et une vraie atmosphère qui se dégage de ce roman, l’intrigue n’est pas l’enjeu. On visualise tout de suite les scènes et en même temps on sent que l’auteur n’est pas dénué d’empathie pour ses personnages, notamment Jonas le roi de l’esquive, le personnage principal. « Fief » est une belle découverte.

extrait : « Alors que nous ce sont des bleus, des poumons encrassés et quelques neurones qu’on sème sur un chemin qui ne fait rien d’autre que tracer une boucle. »

Fief, ed. Points, 7,60 euros, 240 pages.

Nickel Boys / Colson Whitehead

Une maison de correction en Floride dans les 60’s devient le sombre reflet de la société ségrégationniste américaine.

Colson Whitehead s’inspire d’une histoire vraie pour mettre en scène une maison de correction appelée la Nickel Academy. Un établissement qui « remet les hommes dans le droit chemin ». La population réserve aux noirs un traitement tout particulier dans la Floride ségrégationniste des années 60, et la Nickel Academy ne fait pas exception. A l’intérieur même de la maison de correction, les traitements entre les blancs et les noirs sont différents. De son côté, le jeune Elwood Curtis réussit sa scolarité et tout en s’inspirant des discours de Martin Luther King, se dirige à son rythme vers l’université pour la suite de ses études afin de continuer ses réflexions. Malheureusement les choses vont rapidement se compliquer lorsqu’il est victime d’une erreur judiciaire qui l’envoie dans la Nickel Academy. Ces espoirs douchés, il tente de survivre dans un endroit qui fait subir les pires atrocités à ses pensionnaires. Il y rencontre Turner, un autre résident avec qui il va se lier d’amitié dans cet enfer.

Ce roman est porté par le très beau personnage d’Elwood, doté d’une capacité de résilience hors norme et qui tente de garder sa dignité malgré le racisme qu’il subit et qui règne dans l’État de Floride. C’est aussi un roman sur une amitié forte entre Turner et Elwood, qui ne sont pas toujours d’accord sur les façons d’agir mais qui se soutiennent. Colson Whitehead écrit une fiction qui remue et qui lève le voile sur une face cachée de l’Amérique.

Nickel Boys, ed. Le livre de poche, 7,40 euros, 264 pages.

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