Bel Abîme / Yamen Manai

Un court roman saisissant sur une adolescence amer.

Yamen Manai raconte une adolescence dans ce court roman qui fait penser au Pain nu de Mohammed Choukri dans sa forme épurée et avec ce ton singulier, sans détour. Un adolescent chétif et isolé traverse une jeunesse difficile avec un père violent. Le jeune homme finit par rencontrer Bella, un jeune chiot qu’il adopte et qui arrivera dans sa vie comme une lueur d’espoir. Une lueur comme pour conjurer toute la violence qui entoure le jeune homme, dans cette vie à Tunis. Hélas le sort va rattraper le jeune homme et les choses vont se compliquer pour lui. Il est interrogé au début du roman par un avocat et le lecteur comprend petit à petit que l’adolescent a été arrêté. Il raconte alors tout au long du livre son enfance et ce qu’il a traversé pour en arriver là. « Bel Abîme » est un roman âpre et marquant dans lequel un adolescent tente de lutter à sa hauteur contre des injustices. Un coup de coeur à découvrir, un texte qui sonne.

Bel Abîme, ed. Elizad, 14,50 euros, 112 pages.

Bonhomme / Yvan Robin

Un adolescent passe l’été chez sa grand mère et n’est pas au bout de ses surprises.

J’avais hâte de relire Yvan Robin après avoir découvert l’auteur avec « Après nous le déluge ». Avec « Bonhomme » édité chez In8 dans la collection « Faction », une collection pour les plus jeunes, l’auteur dresse le portrait d’un adolescent qui se cherche et qui débarque chez sa grand-mère le temps d’un été. Un été pas tout à fait comme les autres pour Milo puisque des secrets de famille vont ressurgir. Ajoutez à cela de nouveaux potes dans la piscine municipale dans laquelle il a l’habitude d’aller, de futures soirées et vous avez au final un petit bouquin très bien amené qui se dévore. Les premiers émois, les premiers doutes, mais aussi les premières confrontations avec un monde des adultes bien sombre, tout y est. Et on passe un excellent moment dans ce petit bouquin qui dégage une singulière poésie.

Bonhomme, ed. In8, coll. Faction, 8,90 euros.

Vierge / Constance Rutherford

Un premier roman malin qui questionne avec justesse les normes autour du désir et du corps.

Maxine a vingt-cinq et se pose pas mal de questions. Le reste du temps, elle est surveillante dans un collège et observe les jeunes se chercher entre eux. Son entourage et ses potes ont des relations, font l’amour et elle de son côté est encore loin de se projeter dans tout ça. Elle vit chez sa grand-mère avec qui elle s’entend à merveille et qui va lui offrir un stage de théâtre. C’est dans ce stage que Maxine va être confrontée à ses angoisses et à ses obsessions. Constance Rutherford écrit un premier roman plein d’humour, avec un regard aiguisé sur toute une génération. On assiste à quelques scènes bien pensées, à tout un questionnement sur le corps et sur le désir. Merci à Babelio pour la découverte de ce titre original qui sort le 23 août chez Harper Collins et qui ne se résume pas au simple roman d’apprentissage.

Vierge, ed. Harper Collins, 19,90 euros, 208 pages.

Riposte / Louisa Reid

Un roman fort sur le harcèlement, qu’on lit comme un souffle.

Lily vit très mal ses années collège, elle est harcelée à cause de son poids. Comme un cercle vicieux, elle ne voit pas d’issue et tente de garder toute cette souffrance pour elle. Elle ne veut pas en rajouter auprès de ses parents, qui s’inquiètent quand même. Et son père décide un jour de l’inscrire à un cours de boxe pour qu’elle essaie. Qu’elle puisse avoir du répondant, que quelque chose change. Lily septique au début se prend au jeu et c’est pour elle le début d’une toute nouvelle période. Elle se redécouvre au contact de ce sport et cela va ensuite aller au-delà. « Riposte » aborde avec justesse la question du harcèlement, en utilisant une forme unique. Les phrases très courtes s’enchainent, se réduisent, s’étirent, au gré des sentiments qui traversent la jeune adolescente. On est au plus près de ce que vit le personnage et c’est bien vu. On ne tombe pas dans la caricature et sa vie est vraisemblable dans son collège. Tout comme les réactions des autres. Un roman jeunesse qui permet une porte d’entrée sur le harcèlement et sur la grossophobie.

Riposte, ed. Bayard, 14,90 euros, 256 pages.

Leurs enfants après eux / Nicolas Mathieu

Trois adolescents grandissent dans une ancienne région ouvrière de l’Est de la France.

On s’apprête à suivre Steph, Hacine et Anthony dans une vallée un peu paumée, à l’Est de la France. Une vallée avec d’anciens hauts fourneaux et un passé ouvrier qui plane non loin. Nous nommes en 1992 et les trois ados tentent d’occuper leur quotidien entre petites conneries et fêtes chez les uns et chez les autres. Nicolas Mathieu décrit avec une précision bien à lui ses morceaux de vie, les sentiments contradictoires de l’adolescence mais aussi les sentiments qui émergent lorsque l’on grandit à la campagne et que l’on cherche à tester ses limites, à s’identifier à autrui. C’est avec beaucoup de plaisir que l’on retrouve la plume de l’auteur. Il parvient souvent à saisir des instants de vie avec beaucoup de justesse, que ce soit les virées en bécane, les premières expériences sexuelles, les moments de solitude des personnages ou bien les premiers instants à l’aurore après une soirée bien remplie. Tout y est. C’est tout un milieu social qui se déploie devant le lecteur. Toute une atmosphère. L’auteur prend le temps de donner de l’épaisseur à ses personnages qui deviennent attachants au fil du roman. Malgré les conneries, malgré les raisonnements à côté de la plaque de certains on est touchés par ces parcours de vie. Les années passent et on les voit grandir, galérer, évoluer. « Leurs enfants après eux » est un bouquin plein d’humanité, loin des clichés.

Leurs enfants après eux, ed. Actes Sud, 10,40 euros, 560 pages.

L’année de grâce / Kim Liggett

Une jeune héroïne est envoyée dans un camp étrange durant une année, loin des siens et sans savoir dans quoi elle s’engage.

Tierney est une jeune fille de seize qui s’apprête à partir durant une année loin de ses proches dans un endroit mystérieux. La fameuse année de Grâce. Une année loin des hommes et durant laquelle certaines adolescentes ne reviennent pas. Personne ne parle de cette année au village et personne n’a envie d’aborder la question. Avant de partir, les adolescentes sont choisies par des hommes pour devenir à leurs retours leurs futures épouses. Tierney ne comprend pas tout au début du roman, mais réalise bien vite que les hommes souhaitent avoir la main mise sur les femmes le plus tôt possible dans leurs vies. Kim Liggett écrit une dystopie qui fait un peu penser à « La servante écarlate » lorsque les femmes sont assujetties et qu’en même temps on sent qu’un moment ou un autre la sitation va basculer. L’histoire est prenante et l’héroïne va vite découvrir que le camp dans lequel les jeunes filles se rendent durant l’année de Grâce va devenir le théâtre de bien des atrocités. Le rythme du récit s’accélère petit à petit et les filles vont devoir lutter pour leurs survies. De découverte en découverte, Tierney n’est pas au bout de ses peines.

L’année de grâce, ed. Gallimard Jeunesse, 8,70 euros, 480 pages.

La petite dernière / Fatima Daas

Une voix singulière à découvrir.

Dans un récit autobiographique d’une rare justesse et tout en nuances, Fatima Daas se raconte, raconte son enfance à Clichy-sous-Bois. Le personnage s’arrête sur les relations avec sa mère, son père ou ses amies. Elle retransmet aussi ses observations du quotidien, d’une vie en mouvement, notamment des observations dans les transports en commun qu’elle prend régulièrement. L’écriture lui permet de poser les choses, de tracer les contours d’une identité qu’elle découvre mouvante. Plusieurs émotions traversent ce texte et on a du mal à décrocher une fois lancé dans la lecture. On est pris par le fond mais aussi par la forme tout aussi travaillée. Une lecture qui sort le lecteur de sa zone de confort. J’ai été pris par ce rythme et je suis très curieux de lire une nouvelle fois cette plume. « La petite dernière » est un sacré bouquin où se mêle la recherche d’une identité et la découverte de l’écriture. Un livre marquant sur l’adolescence et ses tâtonnements. Un coup de cœur.

La petite dernière, ed. Noir sur Blanc, 16 euros, 192 pages.

La guerre des bouffons / Idir Hocini

Une enfance dans Bondy racontée avec un ton et un regard unique.

Idir est un jeune habitant de Bondy qui raconte sa jeunesse avec ses potes et la vie de sa famille. Avec une gouaille d’enfer, on suit les aventure du jeune Idir dans ce roman autobiographique au rythme soutenu. On découvre avec lui les affres d’une scolarité qui est loin d’être un long fleuve tranquille, il est d’ailleurs confronté tôt au racisme. Les tournures et les observations du quartier, tout comme les habitudes de chacun font sourire. Chaque personnage qui entoure Idir a une personnalité bien à lui qui détonne. « La guerre des bouffons » est un bouquin bourré de petites réflexions intéressantes et de références qui le sont tout autant, des années 80 aux années 90. On sent que l’auteur y a mis ses tripes et le tout offre un très bon moment de lecture.

La guerre des bouffons, ed. Clique, 20 euros, 400 pages.

Dysfonctionnelle / Axl Cendres

Fidèle grandit dans une famille qui sort de l’ordinaire. Elle en profite pour le raconter et cela donne un très beau roman.

Initialement paru chez Sarbacane dans la collection Exprim’, Dysfonctionnelle est l’histoire d’une famille pas comme les autres, celle de Bouboule alias Fidèle. Une jeune fille précoce et ultra lucide sur ce qu’elle vit. D’une intelligence rare et dotée d’un humour corrosif, elle relate dans ce livre comment elle grandit dans cette famille amochée par la vie pour différentes raisons. Entre le père qui fait des aller-retour en prison, la mère qui en fait aussi, mais dans un hôpital psy, des frères et soeurs tous plus déjantés les uns que les autres, Fidèle tente d’avancer. Et elle va plutôt pas mal y arriver. Notamment avec l’aide d’une singulière rencontre qui à première vue a tout pour foirer.


On sourit et on s’attache aux personnages. J’ai été agréablement surpris par ce bouquin. Le roman prend de l’épaisseur au fil de l’histoire. Des évènements marquants surviennent et le côté foutraque de cette famille dysfonctionnelle côtoie parfois le tragique et plus uniquement le burlesque, le rire. Un très beau roman de littérature ado qui donne tout simplement envie d’en lire plus.

Dysfonctionnelle, ed. Sarbacane, coll. Exprim’, 7,60 euros, 352 pages;

Feu / Maria Pourchet

Une écriture qui claque et une réflexion sur l’amour à base d’humour noir et de personnages torturés.

Avec un ton acerbe, un regard désabusé et juste ce qu’il faut d’humour noir, Maria Pourchet écrit avec Feu un roman décapant et qui dépayse sur l’amour. Pas évident au début d’entrer dans cette langue scandée mais une fois lancé on se laisse porter. Je découvre l’autrice avec ce roman et je suis agréablement surpris par le rythme et la façon de décrire les petites compromissions de chacun et les travers de nos pairs. Laure, une professeur d’université mariée rencontre Clément, un célibataire qui travaille dans la finance. Tableau pas forcément très original mais qui devient prenant à suivre sous la plume de la romancière. A partir de cette rencontre, l’apparent confort dans lequel les deux personnages pensait se trouver vole en éclat. Les deux personnages sont ambivalents et parfois vraiment détestables en ce qui concerne Clément mais pour autant, on ne peut s’empêcher d’apprécier la précision avec laquelle l’autrice rapporte les pensées de ces deux êtres torturés. Quelques réflexions se glissent sur la famille lorsque l’on découvre la fille de Laure, Véra. Adolescente rebelle à ses heures et extra lucide sur les comportements ridicules des adultes qui l’entoure, notamment sur leurs relations amoureuses. Un très bon roman, bien sombre comme on aime et qui bouscule.

Feu, ed. Fayard, 20 euros, 360 pages.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer