Bien trop petit / Manu Causse

La découverte de la sexualité à travers le regard d’un lycéen qui tente de composer avec ses complexes.

Manu Causse s’attarde sur un lycéen qui reçoit des brimades de certains élèves de sa classe. Tout commence à la piscine lorsque la taille de son sexe est moquée. Grégoire a du mal avec ces moqueries et il finit par ne plus penser qu’à cela. Puis à ne plus aller en cours du tout. Ses parents commencent à s’inquiéter, mais lui pas tant que ça puisqu’il se réfugie dans l’écriture. L’écriture de petites fictions érotiques un peu à la manière des fanfictions. Il se prend au jeu et rencontre des lecteurs en ligne avec qui il échange, notamment un lecteur mystérieux qui se passionne pour ses textes. Manu Causse écrit un roman malin qui parlera à de nombreux adolescents (et adultes). Il est question de pouvoir de la fiction, du rapport au corps pendant les années lycée ou des imaginaires érotiques qui sont véhiculés ou non à cette période de la vie. « Bien trop petit » est roman plein de justesse qui vaut le détour et qui peut ouvrir des discussions. Ajoutez à cela de petites touches d’humour vous avez un très bon petit bouquin. Définitivement une collection à découvrir.

Bien trop petit, ed. Thierry Magnier, coll. L’Ardeur, 15,90 euros, 400 pages.

mères sans filtre / Collectif

Huit récits intimes de déclics féministes pour libérer la parole sur la maternité.

En questionnant leur maternité, les autrices de ce recueil reviennent sur les représentations qui ont traversé ou non leur maternité. En abordant la grossesse, les réactions de l’entourage, le post-partum, l’éducation des enfants, etc. on discerne comment la maternité peut devenir un objet politique. Chaque autrice décrypte comment la maternité a été un moment clé pour creuser les thématiques autour des inégalités de sexe. Un bouquin très riche et d’actualité qui brasse les derniers enjeux autour de la maternité et qui forme une excellente synthèse sur le sujet. Cela permet aussi de creuser les livres de chaque autrice si l’on veut poursuivre avec d’autres lectures. Exemple le livre de Renée Greusard « Choisir d’être mère » à lire ou encore le livre d’Iliana Weizman sur le post-partum.

Mères sans filtre, ed. Solar, 17,90 euros, 176 pages.

La chair est triste hélas / Ovidie

Un témoignage qui sonne et qui fait réfléchir.

À travers une réflexion sur sa sexualité et sur son parcours de vie, Ovidie livre un témoignage sans détour. Avec beaucoup de sincérité elle déconstruit les comportements sexistes et violents des hommes qu’elle a pu croiser dans sa vie. L’autrice entame une grève du sexe pendant quatre ans et décide d’écrire sur son vécu par rapport aux changements que cela va occasionner dans sa vie, autour d’elle mais aussi les réflexions que cela amorcent. Ce livre découle de ce passage à l’écrit et on sent la colère qui affleure. C’est une lecture importante qui bouscule le lecteur et que je vous recommande. Vraiment un bouquin à partager autour de soi.

La chair est triste hélas, ed. Julliard, 18 euros, 160 pages.

Casino Amazonie / Edyr Augusto

Le dernier roman d’Edyr Augusto, une plongée dans les bas-fonds de Belém au Brésil.

Quel plaisir de retrouver la plume d’Edyr Augusto dans « Casino Amazonie ». Nous sommes de nouveau à Bélem, au Brésil. Une ville avec ses trafics et ses truands. Comme dans ses précédents romans, on retrouve une atmosphère tendue où les choses peuvent dégénérer rapidement. Tout part d’un auteur de roman qui cherche à rencontrer un grand bandit local. Ce dernier méfiant dans un premier temps finit par se décider à lui raconter toute son histoire. C’est là que l’on découvre des personnages plantés en quelques lignes, du docteur qui décide de varier ses activités en ouvrant des salles de jeux clandestines au jeune homme qui vient de la rue et qui gravit les échelons en passant par la jeune fille surdouée pour le poker. J’ai toujours apprécié le travail de cet auteur et une nouvelle fois ce roman noir est une réussite. On est embarqués et surpris par les revirements alors même que l’on sait que l’on s’engage dans un récit rythmé qui va envoyer du bois. Le lecteur est au cœur des trafics, de la corruption ou des combines des forces de l’ordre de la ville amazonienne. Les dialogues sont fondus dans la narration ce qui participe au rythme du récit. « Casino Amazonie » est un roman noir qui marque et qui laisse un goût amer lorsque que l’on quitte ces personnages. A noter l’excellent travail de traduction de Diniz Galhos qui restitue toutes les nuances du roman et ce style dans l’écriture.

PS : Je vous conseille le visionnage de la rencontre littéraire « Vleel » sur youtube, avec l’auteur et son traducteur pour compléter la lecture. Et si vous ne connaissiez pas l’auteur, penchez vous sur ces premiers romans noirs (Moscow, Belém, Pssica et Nid de vipères).

Casino Amazonie, ed. Asphalte, 20 euros, 208 pages.

L’inconduite / Emma Becker

Chronique d’une vie amoureuse et sexuelle sous la plume d’Emma Becker.

Emma Becker questionne l’arrivée d’un enfant dans un couple dans ce nouveau livre, l’impact que cela peut avoir sur le désir dans un couple hétéro. Elle aborde son quotidien et ses relations avec les hommes (relations amoureuses, famille, amis) tout en réfléchissant à son statut d’écrivaine dans tout ça, au sens que peut prendre l’écriture lorsqu’elle ressent le besoin de relater ce qu’elle vit. « L’inconduite » est un livre qui aborde le désir et les questions autour de ce désir sans tabou, avec la justesse propre à Emma Becker. On retrouve le ton singulier de « La Maison », son second livre qui relatait son expérience dans une maison close berlinoise. On distingue les injonctions qui pèsent sur les femmes, notamment avec le corps des femmes. L’écriture percute et Emma Becker pleine d’auto dérision met les hommes face à leurs comportements, et reste toujours fine dans ses analyses. C’est cru et sans filtre tout en étant d’une lucidité désarmante. Un bouquin qui peut être clivant mais c’est aussi en cela qu’il peut être intéressant.

L’inconduite, ed. Albin Michel, 21,90 euros, 368 pages.

Au-delà de la pénétration / Martin Page

Un petit manifeste qui tape comme il se doit sur les normes en vigueur.

Dans une démarche pleine de transparence et de sincérité, Martin Page questionne une pratique de la sexualité que l’on ne questionne quasi jamais et qui va de soi, celle de la pénétration. C’est l’occasion pour l’auteur d’élargir le spectre en mettant en évidence les injonctions qui pèsent sur nos sphères intimes au-delà de la pénétration. Et cela dès l’éducation à la sexualité chez les plus jeunes. Sans donner la leçon ni recommander une façon de faire plutôt qu’une autre, Martin Page invite à faire un pas de côté et à questionner nos pratiques, nos réflexions et plus particulièrement nos échanges sur la question. On se rend rapidement compte qu’ils ne sont pas si nombreux et que les tabous ne sont pas loin dans les discussions, notamment chez les hommes. Mêlant une réflexion subjective assumée à plusieurs témoignages recueillis durant la construction de ce livre, l’auteur propose un petit manifeste qui mérite qu’on s’y attarde. On distingue derrière ces injonctions une nouvelle façon de renforcer les inégalités entre les femmes et les hommes. Scoop : au bénéfice des hommes. Il y a beaucoup à discuter au fil des pages, que l’on soit d’accord ou non, que l’on souhaite nuancer tel ou tel propos, et c’est justement ça qui est intéressant. C’est plutôt rare les bouquins qui abordent ces questions de cette façon-là. Le travail éditorial réalisé sur le livre par l’association de Coline Pierré et Martin Page Monstrograph ne gâche rien. Ça donne tout simplement envie de le faire lire autour de soi et d’en discuter.

Au-delà de la pénétration, ed. Le nouvel attila, 12 euros, 160 pages.

A mains nues / Amandine Dhée

Des fragments de vie de l’autrice pour aborder la condition féminine, de l’enfance à la vieillesse. Toujours aussi juste.

La vie est faite de choix, d’injonctions et de rencontres. C’est un peu tout ça à la fois qu’Amandine Dhée aborde dans son court essai revigorant. Un joli bouquin édité à La contre allée et qui aborde les questions de la condition féminine à travers différents âges, de l’enfance à l’âge adulte. Le rapport au corps, au sexe et surtout à la norme sous toutes ses formes sont autant de sujets abordés et questionnés par l’autrice, au prisme d’une observation fine des comportements humains, mais aussi au prisme de sa propre expérience. Il n’y a pas de réponse toute faite et c’est aussi pour l’autrice une façon de mettre en évidence les paradoxes avec lesquelles on compose au quotidien notamment dans la sphère intime. Dans la continuité d’un autre texte marquant qui abordait l’imaginaire collectif de la maternité (La femme brouillon), A mains nues livre une riche réflexion sur notre quotidien et plus spécifiquement sur celui des femmes. Un livre important.

A mains nues, ed. La contre allée, 16 euros, 144 pages.

Une sexualité à soi / Laura Berlingo

Libérée des normes.

Laura Berlingo aborde la question du genre, du consentement, de l’éducation à la sexualité dans les écoles, des connaissances physiologiques chez les plus jeunes ou encore de la parentalité sans s’arrêter à la sexualité dans la sphère intime. Ce panorama avec de nombreuses références intéressantes (notamment en lien avec des actus récentes) permet d’aborder et de questionner son rapport à la sexualité au sens large, sans s’arrêter aux pratiques de chacun.e. Il est question de la sphère intime mais aussi des rapports sociaux et des normes qui régissent nos fonctionnements.
Cet essai donne à l’arrivée un riche bouquin et surtout un support idéal pour ouvrir des discussions sur ces sujets.

Une sexualité à soi, Ed. Les arènes, 18,90 euros, 180 pages.

La Mère d’Eva / Silvia Ferreri

Le récit d’une mère qui tente d’accompagner sa fille dans sa transition.

Eva est une jeune fille qui compose durant son enfance avec une dysphorie de genre, c’est à dire le fait de ressentir un profond mal être avec son sexe d’origine. C’est sa mère qui relate au fil du roman comment grandit sa fille et à quel point elle va rencontrer des difficultés pour faire accepter autour d’elle ce qu’elle souhaite. La famille proche tout comme l’environnement scolaire va lui renvoyer à plusieurs reprises des jugements violents qui vont mener à l’exclusion et à la marginalité. Ce roman fort et qui touche le lecteur est aussi un roman sur ce que représente la maternité et comment l’on peut se situer par rapport aux souhaits et aux envies de ses enfants. C’est à la fois une réflexion sur le genre et sur ce que peut représenter le fait d’être parent. Un roman très bien amené et qui fait réfléchir.

La Mère d’Eva, ed. Pocket, 6,95 euros, 256 pages.

Sex friends / Richard Mèmeteau

Comment (bien) rater sa vie amoureuse à l’ère numérique.

Richard Mèmeteau livre une très belle analyse en questionnant les relations sexuelles, leurs rapports de pouvoir et leur établissement à travers les sites de rencontre. Le livre est parsemé de références à la pop culture ce qui ne gâche rien au plaisir de lecture. L’auteur relate ce que peut représenter le fait de s’inscrire et d’utiliser ces outils. Une nouvelle figure apparaît alors : le sex friend (pour reprendre la présentation de l’éditeur, le sex friend est « Ni amoureux fou ni calculateur froid, le sex friend a compris que la sexualité déborde aussi bien les codes de la grande histoire d’amour que les lois d’un prétendu « marché de la drague ».).
On se pose des questions au fil des pages sur la raison d’être de certains de nos comportements. Et l’auteur parvient très bien à mettre au jour des processus de domination à l’œuvre avec ces nouvelles façons de draguer, ces nouvelles façons de rencontrer du monde. Sans jamais être univoque pour autant. Il n’est pas là pour adopter un discours ou un autre et tirer à boulets rouges sur les applis de rencontre.
La philo, le développement personnel, les dialogues de film ou les paroles de chanson, tout cela est convoqué pour illustrer le propos et nos pratiques. Mais aussi et surtout pour les mettre en perspective. Un riche essai !

Sex friends, ed. La découverte, coll. Zones, 17 euros, 192 pages.

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer