Sortir au jour / Amandine Dhée

Une rencontre avec Gabriele une thanatopractrice offre à l’autrice la matière de son nouveau livre.

J’attendais avec impatience le dernier livre d’Amandine Dhée depuis que j’ai découvert le ton singulier de cette autrice dans « La femme brouillon ». Un petit bouquin sur la maternité qui touche et qui est sorti en 2017. Dans ce nouvel essai il est question de la mort, suite à une rencontre dans une librairie pour un livre précédent. Amandine Dhée croise une thanatopractrice et plusieurs échanges vont découler de cette rencontre. Ce livre en restitue une partie et questionne le statut de la mort dans notre société, que ce soit lorsqu’on en parle avec des enfants ou lorsqu’on se représente la mort d’une manière ou d’une autre. Comme souvent chez Amandine Dhée son approche est intéressante et amène de nombreux questionnements. Le ton n’est pas dénué d’humour et nous met facilement face à nos contradictions. Un réel plaisir de lecture.

Sortir au jour, ed. La contre allée, 16 euros, 128 pages.

Le Mal-épris / Bénédicte Soymier

Un roman sur l’emprise et la violence des hommes envers les femmes.

Paul vit seul dans son appartement et travaille au guichet d’une poste. Il tente de surnager dans un quotidien qu’il trouve bien morose jusqu’au jour où une nouvelle voisine emménage en face de chez lui. Cela va chambouler ses habitudes et le lecteur entre dans la tête d’un personnage qui tend vers le malsain et développe une attirance pour cette femme. On se retrouve dans les pensées de Paul et on voit arriver inéluctablement des évènements que l’on redoute. L’auteure questionne les raisons qui font que Paul change, devient obsessionnel devant les rencontres qu’il fait.

Bénédicte Soymier avec une écriture scandée et sans fioriture, nous fait entrer dans la tête de ce personnage introverti, à l’enfance difficile. L’économie de mots va droit au but. Les sonorités participent à l’immersion dans l’histoire. Derrière les traits de caractère de Paul on distingue des comportements sexistes, misogynes ou égoïstes. Plus globalement, des comportements et des mécanismes que l’on peut retrouver chez de nombreux hommes. Et c’est une des forces de ce roman, mettre la lectrice ou le lecteur sur une ligne de crête entre ce qu’il va advenir et le passé de Paul qui pourrait expliquer des choses. L’auteure insinue très bien ce sentiment de malaise, qui diffuse au fil du récit. On distingue les mécanismes d’emprise, les états qui mènent à la sidération d’un coté chez une femme. Et d’un autre côté on distingue un passé, un environnement familial qui amène contre le gré du lecteur à développer de l’empathie pour le personnage principal et ses réactions. Ce roman remue et questionne, tout en faisant apparaître au grand jour des façons de faire plus courantes qu’on le pense chez les hommes.

Le Mal-épris, ed. Calmann-Levy, 18,50 euros, 336 pages.

Au-delà de la pénétration / Martin Page

Un petit manifeste qui tape comme il se doit sur les normes en vigueur.

Dans une démarche pleine de transparence et de sincérité, Martin Page questionne une pratique de la sexualité que l’on ne questionne quasi jamais et qui va de soi, celle de la pénétration. C’est l’occasion pour l’auteur d’élargir le spectre en mettant en évidence les injonctions qui pèsent sur nos sphères intimes au-delà de la pénétration. Et cela dès l’éducation à la sexualité chez les plus jeunes. Sans donner la leçon ni recommander une façon de faire plutôt qu’une autre, Martin Page invite à faire un pas de côté et à questionner nos pratiques, nos réflexions et plus particulièrement nos échanges sur la question. On se rend rapidement compte qu’ils ne sont pas si nombreux et que les tabous ne sont pas loin dans les discussions, notamment chez les hommes. Mêlant une réflexion subjective assumée à plusieurs témoignages recueillis durant la construction de ce livre, l’auteur propose un petit manifeste qui mérite qu’on s’y attarde. On distingue derrière ces injonctions une nouvelle façon de renforcer les inégalités entre les femmes et les hommes. Scoop : au bénéfice des hommes. Il y a beaucoup à discuter au fil des pages, que l’on soit d’accord ou non, que l’on souhaite nuancer tel ou tel propos, et c’est justement ça qui est intéressant. C’est plutôt rare les bouquins qui abordent ces questions de cette façon-là. Le travail éditorial réalisé sur le livre par l’association de Coline Pierré et Martin Page Monstrograph ne gâche rien. Ça donne tout simplement envie de le faire lire autour de soi et d’en discuter.

Au-delà de la pénétration, ed. Le nouvel attila, 12 euros, 160 pages.

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