Au-delà de la pénétration / Martin Page

Un petit manifeste qui tape comme il se doit sur les normes en vigueur.

Dans une démarche pleine de transparence et de sincérité, Martin Page questionne une pratique de la sexualité que l’on ne questionne quasi jamais et qui va de soi, celle de la pénétration. C’est l’occasion pour l’auteur d’élargir le spectre en mettant en évidence les injonctions qui pèsent sur nos sphères intimes au-delà de la pénétration. Et cela dès l’éducation à la sexualité chez les plus jeunes. Sans donner la leçon ni recommander une façon de faire plutôt qu’une autre, Martin Page invite à faire un pas de côté et à questionner nos pratiques, nos réflexions et plus particulièrement nos échanges sur la question. On se rend rapidement compte qu’ils ne sont pas si nombreux et que les tabous ne sont pas loin dans les discussions, notamment chez les hommes. Mêlant une réflexion subjective assumée à plusieurs témoignages recueillis durant la construction de ce livre, l’auteur propose un petit manifeste qui mérite qu’on s’y attarde. On distingue derrière ces injonctions une nouvelle façon de renforcer les inégalités entre les femmes et les hommes. Scoop : au bénéfice des hommes. Il y a beaucoup à discuter au fil des pages, que l’on soit d’accord ou non, que l’on souhaite nuancer tel ou tel propos, et c’est justement ça qui est intéressant. C’est plutôt rare les bouquins qui abordent ces questions de cette façon-là. Le travail éditorial réalisé sur le livre par l’association de Coline Pierré et Martin Page Monstrograph ne gâche rien. Ça donne tout simplement envie de le faire lire autour de soi et d’en discuter.

Au-delà de la pénétration, ed. Le nouvel attila, 12 euros, 160 pages.

Opération vasectomie / Élodie Serna

Histoire intime et politique d’une contraception au masculin.

En offrant un panorama historique depuis la fin du XIX ème siècle jusqu’à aujourd’hui d’une pratique méconnue, Élodie Serna ouvre une discussion passionnante sur la contraception masculine et plus spécifiquement sur la vasectomie et ses conceptions à travers plusieurs décennies. On se rend compte que cette pratique est peu répandue en raison de la sacro sainte virilité des hommes qui la bannie mais aussi, et c’est une raison moins connue, en raison d’un désavantage certain pour les laboratoires qui produisent et vendent des contraceptifs féminins (oraux notamment). Pour faire court, ils n’ont aucun intérêts financiers à rendre courante une pratique chirurgicale qui coûte peu et qui ferait de la concurrence à leurs contraceptifs oraux et autres. La vasectomie soulève donc plusieurs questions, d’ordre physiologiques, historiques, économiques mais aussi d’ordre sociales lorsque l’autrice met en exergue les rapports inégaux entre les hommes et les femmes que ce soit dans la sphère intime ou au-delà. Quel sens donner au regard que l’on porte sur cette pratique dans la société ? Quelle place donner à la question de la contraception dans un couple ? Dans quelles mesures l’homme prend ses responsabilités ? Poser la question c’est déjà y répondre en partie et évidemment vous avez une petite idée. Cet essai aborde un sujet rare et important avec beaucoup de clarté. On peut remercier Élodie Serna et les éditions Libertalia pour ce super boulot.

Opération vasectomie, Ed. Libertalia, 10 euros, 264 pages.

Une sexualité à soi / Laura Berlingo

Libérée des normes.

Laura Berlingo aborde la question du genre, du consentement, de l’éducation à la sexualité dans les écoles, des connaissances physiologiques chez les plus jeunes ou encore de la parentalité sans s’arrêter à la sexualité dans la sphère intime. Ce panorama avec de nombreuses références intéressantes (notamment en lien avec des actus récentes) permet d’aborder et de questionner son rapport à la sexualité au sens large, sans s’arrêter aux pratiques de chacun.e. Il est question de la sphère intime mais aussi des rapports sociaux et des normes qui régissent nos fonctionnements.
Cet essai donne à l’arrivée un riche bouquin et surtout un support idéal pour ouvrir des discussions sur ces sujets.

Une sexualité à soi, Ed. Les arènes, 18,90 euros, 180 pages.

À la folie / Joy Sorman

Une observation fine d’un service de psychiatrie.

« À l’hôpital psychiatrique, une grande part du temps infirmier est pourtant un temps informel – on s’assoit et on parle –, la bienveillance ne se chiffre pas, le plus efficace peut être imperceptible, non quantifiable. Tous le disent, on manque de soignants et les soignants manquent de temps, car ils le perdent à des tâches administratives toujours plus nombreuses, des tâches comptables qui rassurent sans doute les gestionnaires déconcertés par les pratiques incertaines de la psychiatrie, rétives à toute culture du résultat. »

Une citation parmi tant d’autres relevées, qui résume à merveille la démarche de ce livre singulier de Joy Sorman, dans lequel elle observe pendant une période un service de psychiatrie.

L’autrice ne tombe pas dans le piège du misérabilisme ni du sensationnalisme au gré des rencontres et des observations et elle restitue très bien l’atmosphère d’un service en psy. Elle prend le temps de décrire des patient.e.s et des soignant.e.s, le tout avec beaucoup de justesse et de pudeur. Le lecteur découvre de sacrés parcours de vie et des réflexions qui font vaciller la frontière entre le normal et le pathologique. Des réflexions qui font réfléchir sur la stigmatisation que subissent ces malades et plus largement l’institution psychiatrique. Quelques éléments théoriques et historiques complètent très bien les récits et les descriptions.

Un livre poignant sur la psychiatrie, sur son état actuel (dégradé et délaissé par les pouvoirs publics) et plus largement sur tous les questionnements que cette branche de la médecine soulève.

À la folie, ed. Flammarion, 19 euros, 288 pages.

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