Ma soeur, serial killeuse / Oyinkan Braithwaite

Un polar déjanté, deux sœurs prêtent à tout pour camoufler un meurtre.

Korede doit protéger sa petite soeur Ayoola envers et contre tout. Cette dernière a besoin d’aide, car elle a tué son compagnon dans des circonstances troubles, et elle doit faire disparaitre le corps. Nous sommes à Lagos au Nigéria et les deux sœurs ne sont pas au bout de leur peine pour que le crime passe inaperçu, même si la police nigériane ne semble pas la plus efficace du monde et qu’elles ne sont pas inquiétées. Korede après avoir aidé sa soeur tente de reprendre sa vie d’infirmière jusqu’au jour où sa soeur tombe de nouveau amoureuse d’un médecin avec lequel Korede travaille à l’hôpital. Il n’en faut pas plus pour que les évènements repartent en live et Oyinkan Braithwaite se régale à mener le lecteur par le bout du nez. C’est rythmé, prenant et les courts chapitres défilent. « Ma soeur, serial killeuse » offre un bon moment de lecture, avec juste ce qu’il faut d’humour noir.

Traduit de l’anglais (Nigeria) par Christine Barbaste

Ma soeur, serial killeuse, éditions La croisée, 18,50 euros, 244 pages.

L’Ile de Yule / Johana Gustawsson

Un manoir avec ses secrets sur une petite île suédoise, pas de doute on est bien sur un bon petit polar.

Emma Lindahl se rend sur une ile non loin de Stockholm pour estimer les biens d’une richissime famille. Des biens qui valent une fortune et qui sont accumulés dans le manoir de la famille en question. Le cadre idéal pour que les choses dérapent et qu’une intrigue prenne racine. Une femme a été retrouvée morte pendue il y a neuf ans dans le domaine et lorsqu’Emma se rend sur place pour estimer les biens, une nouvelle femme est retrouvée noyée non loin de là, ce qui laisse à penser que l’assassin rôde toujours. Karl, un commandant mis sur la première affaire il y a neuf ans remet le nez dans l’enquête lorsque la deuxième victime est retrouvée. Johana Gustawsson écrit un pur thriller, très bien construit et qui s’avère être une belle surprise dans l’efficacité avec laquelle il embarque le lecteur. Les chapitres courts défilent et on se doute que les faux semblants ne sont pas bien loin, ce qui n’empêche pas de poursuivre. Sans être forcément un roman qui se démarque par son originalité, « L’ile de Yule » fonctionne très bien et offre un bon moment de lecture pour celles et ceux qui aiment les ambiances mystérieuses dans les manoirs qui le sont tout autant.

L’Ile de Yule, ed. Livre de poche, 8,90 euros, 336 pages.

Le Chant des innocents / Piergiorgio Pulixi

La première enquête de Strega (alors qu’il a été écarté des forces de police).

Les éditions Gallmeister ont décidé d’éditer le premier roman de Piergiorgio Pulixi après le succès des deux suivants en France. Avec « Le Chant des innocents » on retrouve Vitor Strega, le policier au charisme singulier et redoutable dans ses enquêtes. Sauf que Strega dans cet opus est mis à pied suite à un homicide mystérieux sur un de ses collègues. On découvre le personnage alors qu’il est chez une psychologue, qui doit rendre une expertise psychologique pour qu’il soit réhabilité dans les forces de policier. La réhabilitation s’annonce plus compliquée que prévu et pourtant Strega en a bien besoin, entre la rupture difficile avec son ex-compagne et la relation de dépendance à son travail, le fait de rester sans activité ne lui va pas du tout. Pendant ce temps là, ses collègues continuent de travailler et se mettent à plancher sur des meurtres qui se multiplient. Des crimes violents. De jeunes adolescents tuent des adultes dans des tableaux plus macabres les uns que les autres. Teresa, qui travaille habituellement avec Strega, va avoir besoin de son aide même si ce dernier est suspendu. Ce coup de main même officieux va s’avérer précieux. J’avais beaucoup aimé « L’illusion du mal », le dernier roman en date de l’auteur. Une belle surprise, un pur page-turner que j’ai eu beaucoup de mal à lâcher. Ça m’a fait la même chose dans celui-ci, on retrouve de courts chapitres efficaces et un juste dosage entre l’humour noir, les dialogues et l’intrigue. Foncez découvrir cet auteur si vous ne le connaissez pas encore.

Le Chant des innocents, ed. Gallmeister, 23,80 euros, 336 pages.

La Foudre / Pierric Bailly

Un meurtre fait ressurgir les souvenirs d’un berger dans le Haut-Jura.

Julien voit ressurgir le fantôme d’Alexandre un ancien copain d’internat, lorsqu’il réalise que ce dernier est à l’origine d’un meurtre. Il a du mal à y croire au début et finalement il se rend compte que c’est bien son ancien pote devenu vétérinaire et fervent défenseur des animaux qui a tué un jeune homme avec une planche. Julien, qui est berger dans le Haut-Jura, commence alors à cogiter et finit par joindre Nadia au téléphone la femme d’Alexandre. Sans vraiment savoir pourquoi il s’embarque dans cette histoire et devient le confident de Nadia dans l’épreuve qu’elle traverse avec son enfant. Alexandre se retrouvant de son côté en prison puis étant ensuite jugé dans un tribunal lyonnais. Le livre a eu un fort écho lors de sa sortie et a pas mal clivé. Je trouve que le regard de Pierric Bailly est toujours aussi juste sur les relations humaines, comme dans « Le roman de Jim ». L’histoire n’est pas forcément originale, mais c’est plutôt son traitement qui la rend intéressante. On retrouve le talent de l’auteur pour dépeindre les ambivalences de ses personnages, leurs contradictions, leurs sentiments. Les liens entre les personnages et notamment entre les générations ont toutes leurs importances. La nature a aussi une grande place dans le livre et fait partie intégrante de l’histoire avec de magnifiques paysages de montagne. L’auteur écrit avec « La foudre » un nouveau roman sensible qui croise des thèmes importants pour lui, de la filiation à la culpabilité en passant par le sentiment amoureux. Un bouquin que l’on a du mal à lâcher.

La Foudre, ed. P.O.L, 24 euros, 464 pages.

La République des faibles / Gwenaël Bulteau

Un roman noir Lyonnais qui se déroule à la fin du 18e siècle. Une vraie réussite.

Nous sommes à Lyon en 1898, le roman démarre sur la découverte d’un cadavre d’enfant par un chiffonnier. Le corps a été abandonné sur une décharge à ciel ouvert dans le quartier de la Croix Rousse. L’homme panique et s’en va en faire part à la police qui se lance alors dans une longue et laborieuse enquête. Cette enquête est confiée au commissaire Soubielle et à sa brigade. Une brigade qui n’est d’ailleurs pas homogène du tout politiquement et en pleine affaire Dreyfus les tensions affleurent même au sein de la police. Dès les premières pages, on est transportés dans ce Lyon de la fin du 18e siècle. On a le sentiment de sentir les odeurs de la ville, de visualiser les ruelles lyonnaises crasseuses et de découvrir toute une époque. La Commune est passée et est encore dans toutes les têtes. L’auteur porte une attention toute particulière au contexte historique et à l’environnement dans « La république des faibles » sans délaisser pour autant l’intrigue. On découvre les recoins les plus sombres et les quartiers pauvres (à l’époque) de Lyon. On suit les personnages sur les pentes de la Croix-Rousse. Les chapitres courts complètent bien le tout en rythmant avec un bon dosage le récit. « La république des faibles » est une belle découverte avec des personnages marquants.

La Républiques des faibles, ed. La Manufacture de livres, 19,90 euros, 368 pages.

Quartier rouge / Simone Buchholz

Premier roman noir avec Chastity Riley la procureure barrée de Simone Buchholz. Et première réussite.

Après avoir découvert la procureure Chastity Riley dans « Nuit bleue », je continue de lire les romans noirs de l’autrice Simone Buchholz avec « Quartier rouge » et c’est toujours aussi prenant. On prend beaucoup de plaisir à se retrouver de nouveau à Hambourg. Cette fois-ci Chastity se retrouve face au cadavre d’une jeune femme scalpée. À priori une stripteaseuse et malheureusement ça ne sera pas la seule victime dans cette histoire. Dans ce premier roman noir de la série, on distingue déjà le ton singulier de la romancière qui n’a pas son pareil pour camper une ambiance ou une atmosphère. On est embarqué avec Chastity et son entourage de bras cassés, de Faller le commissaire au ton paternel à Klatsche avec qui la procureure noue des relations épisodiques, sans oublier Clara la bonne pote du bar qui devient souvent le QG de Chastiy, lorsqu’elles ne sont pas toutes les deux devant un match de Santk Pauli en troisième division. Il semblerait que le meurtrier manipule ses victimes dans l’affaire qui occupe la procureure. Les filles le suivent sans hésiter. En passant par des moyens pas toujours légaux, Chastiy va se lancer dans l’enquête avec son tact légendaire et encore une fois on est complètement embarqué dans ce roman noir aux dialogues savoureux. Même si c’est le premier de la série il y a déjà une forme de maturité dans la plume de Simone Buchholz.

Traduit de l’Allemand par Joël Falcoz.

Quartier rouge, ed. Piranha, 16,90 euros, 208 pages.

Requiem pour une République / Thomas Cantaloube

Règlements de compte et autres manigances dans la France de Papon.

Ça faisait un petit moment que je n’avais pas été pris dans un roman noir comme ça. Les évènement se déroulent en France de 1959 à 1962 dans « Requiem pour une République », dans la France de De Gaulle et on s’apprête à croiser le FLN, l’OAS, un certain Mitterand, Le Pen et toute une panoplie de personnages fictifs ou réels. Thomas Cantaloube campe sa narration à travers trois personnages qui vont se retrouver plus ou moins liés à l’assassinat d’un avocat et de sa famille à son domicile. L’avocat Abderhamane Bentoui, un proche du FLN. Une exécution planifiée et commanditée par Deogratias, le directeur adjoint de Papon. On sent tout de suite le coup foireux et le coup politique dans cette affaire. Le premier des trois personnage qui gravite autour de cet évènement est le flic de la PJ de Paris Luc Blanchard, plutôt bleu et naïf au début du roman, il finit par avoir des doutes sur les manœuvres de ses supérieurs à commencer par le préfet Papon. Antoine Carrega de son côté est un truand Corse qui se retrouve lié à cet assassinat car une connaissance à lui, un ancien résistant, perd sa fille dans l’évènement. La fille de l’ancien résistant était la conjointe d’Abderhamane Bentoui. Antoine Carrega va faire marcher son réseau et emprunte d’autres chemins pour comprendre les rouages de cet assassinat. Enfin, il y a le détestable Sirius Volkstrom. Un ancien de l’Indochine qui refuse toutes étiquettes et qui ne recule devant rien lorsqu’il s’agit d’un contrat financièrement intéressant pour lui. Sirius Volkstrom doit s’occuper de l’assassin de l’avocat afin que les services du préfet de Paris effacent toutes traces du manège. Thomas Cantaloube écrit un roman noir passionnant dans une France corrompue. Les chapitres alternent avec les personnages et on se régale en étant rapidement dans le vif du sujet. Je suis très curieux de lire un autre roman noir de l’auteur.

Requiem pour une République, ed. Folio, 9,70 euros, 544 pages.

Je suis le feu / Max Monnehay

Retrouver Victor Caranne, le psychologue en milieu carcéral.

Dans « Je suis le feu » on retrouve le psychologue en milieu carcéral Victor Caranne, découvert dans le premier roman de l’autrice, « Somb ». Un personnage torturé par un passé qu’il a des difficultés à laisser derrière lui. Notamment un évènement traumatique dont on apprend déjà l’existence dans le premier roman. Victor Caranne rencontre régulièrement des prisonniers dans la prison de l’île de Ré et apporte une aide ponctuelle à des enquêtes en cours sur la Rochelle et ses alentours. Dans ce nouveau polar, plusieurs femmes sont retrouvées assassinées à leurs domiciles à travers des mises en scène macabres. Une singulière enquête qui nous fait aussi entrer dans la tête du tueur sur certains chapitres. Le tout s’imbrique petit à petit et le lecteur a parfois un temps d’avance sur Caranne. C’est toujours un régal de retrouver une région et ses bords de mer, et comme dans « Somb » le cadre du roman participe pleinement au plaisir de lecture. « Je suis le feu » apparaît plus abouti et prenant que le précédent. Max Monnehay est définitivement une autrice à suivre. C’est sombre, très bien amené et les personnages prennent de l’épaisseur (l’exemple de Babiak).

Je suis le feu, ed. du Seuil, 20 euros, 400 pages.

La déposition / Pascale Robert-Diard

Un récit journalistique prenant qui mêle secret de famille et procès à rebondissements.

Un père qui a une emprise sur toute sa famille et qui est accusé du meurtre d’une femme disparue trente-sept ans plus tôt, voici l’affaire sur laquelle se penche l’autrice Pascale Robert-Diard, journaliste judiciaire pour Le Monde. Avec beaucoup de justesse et en restituant l’impact des différents procès sur cette famille, l’autrice lève le voile sur la vie d’un ancien avocat, Maurice Agnelet. Un père de famille que l’on découvre au fil du récit. De Nice à Aix-en-Provence, on suit au fil des années comment la famille tente de surnager face aux différents procès médiatiques et face aux accusations. La déposition est un court livre qui condense très bien les sentiments parfois contradictoires par lesquels passent les acteurs d’un procès. Un récit aux airs de roman noir, prenant et précis.

La déposition, ed. Folio, 7,20 euros, 192 pages.

Tigre obscur / Gilles Sebhan

Un roman en forme de réflexion sur le normal et le pathologique. Du pur noir.

Je découvre le lieutenant Dapper avec le dernier livre de l’auteur, sorti cette année. La couverture est très belle comme souvent chez les éditions du Rouergue, et on retrouve son aspect énigmatique dans l’histoire. Un mystérieux tueur s’en prend à des hommes qui ont harcelé ou qui ont des choses inavouables enfouies dans leur passé. Dapper est sur le coup mais il a du mal à y voir clair. Théo son fils biologique ne lui facilite pas la tâche, ce dernier étant hanté par un passé difficile, dans lequel il a subi des traumatismes. Sa famille non plus ne va pas l’aider plus que cela. Gilles Sebhan campe une ambiance très sombre dans ce court roman, où chacun dévoile son passé au fil des évènements, où les non dits planent. On est dans un pur polar qui happe le lecteur, dans lequel les personnages ne reculent devant rien. Des personnages qui côtoient la folie, la vengeance. Le genre de livre qui sort rapidement le lecteur de sa zone de confort. Et c’est très bien amené. Il me tarde de découvrir les romans précédents de l’auteur. Je suis passé à côté de certains passages qui semblaient faire référence aux histoires précédentes. « Tigre obscur » est donc un très beau roman noir avec une plume tirée au cordeau et qui n’hésite pas à fouiller les tréfonds de l’âme humaine. Une belle découverte.

Tigre obscur, ed. du Rouergue, 18 euros, 192 pages.

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