L’échappée / Jean-François Dupont

Le parcours d’un homme qui souhaite en finir alors que la guerre civile gronde en France.

La France est sous tension et la guerre civile fait rage. C’est dans ce contexte que l’on fait connaissance avec François, le détenu d’une prison qui voit le directeur de cette même prison, lui proposer de l’aide pour s’évader. François s’empresse d’accepter, mais fausse rapidement compagnie au directeur de la prison. Il se retrouve seul dans la nature, et décide de se rendre en Suisse pour une euthanasie. Il n’a plus grand-chose à perdre. Sa maison a été incendiée, il a perdu sa femme dans des circonstances tragiques avant son incarcération et ne voit plus ses enfants qui habitent loin. Sur son chemin il va faire des rencontres, de Constance une violoncelliste au caractère bien trempé à un groupe de jeunes adolescents dirigés par un mystérieux révérend, le trajet de François s’annonce assez sport. La mort souhaitée au bout du périple en Suisse s’annonce plus compliquée à atteindre. Je découvre la plume de Jean-François Dupont avec ce second roman et on se régale en découvrant ce regard désabusé sur notre monde. François, le personnage principal en bout de course sert parfaitement ce propos. Une atmosphère désenchantée plane sur le bouquin et en même temps, plusieurs passages très bien vus laissent un sourire en coin, notamment les dialogues. François n’était déjà pas en grande forme avant son évasion, pas certain qu’il se refasse une santé dans ce périple à venir pour la Suisse. « L’échappée » est un singulier roman où les personnages tentent de survivre dans un monde dévasté.

extrait : « Cette scène se déroulait entre la dépouille d’un chevreuil et celle d’un directeur de Shopi. »

L’échappée, ed. Asphalte, 20 euros, 208 pages.

Fantastique Histoire d’amour / Sophie Divry

Une histoire d’amour inattendue, à lire.

Bastien est inspecteur du travail. Il se rend au début du roman dans une usine de recyclage des déchets plastiques, un accident a eu lieu et un homme est retrouvé mort dans une compacteuse. Bastien se rend sur place pour comprendre si une ou plusieurs défaillances peuvent expliquer l’accident. Maïa de son côté est journaliste scientifique et elle se rend au Cern en Suisse, un centre de recherche nucléaire à Genève. Elle s’y rend pour interviewer sa tante qui y travaille. L’objet de l’interview concerne le cristal scintillateur, un mystérieux matériau aux propriétés inattendues. Sophie Divry se penche sur ces deux trajectoires de vie, prend le temps de construire ses personnages, la tension monte crescendo et on se doute bien que les deux personnages vont se croiser à un moment ou un autre. La mort de l’ouvrier dans l’usine est louche et le matériau dont il est question au Cern l’est tout autant. Il n’en faut pas plus pour que le roman devienne prenant et que « Fantastique Histoire d’amour » tende vers le thriller. C’est très bien vu du début à la fin et on retrouve le regard plein d’humanité de l’autrice sur nos petits comportements du quotidien. Un excellent roman noir qui brasse de nombreux thèmes sans les survoler.

Fantastique Histoire d’amour, ed. du Seuil, 24 euros, 512 pages.

Le jour et l’heure / Carole Fives

« Et si soigner c’était apprendre à mourir ? »

Edith connaît le jour et l’heure de sa mort car elle est atteinte d’une maladie dégénérative, et elle a choisit la mort volontaire assistée. Elle se rend pour cela en Suisse avec toute sa famille et les courts chapitres du livre vont s’enchaîner en livrant les points de vue de chacun des membres de sa famille. On est touchés par l’histoire d’Edith, de ses proches qui se confrontent à la mort le temps d’un weekend qui ne ressemblera à aucun autre. Les enfants ne réagissent pas tous de la même façon tout comme son conjoint Simon. Ils naviguent au gré des souvenirs et malgré la gravité du thème ce roman est loin d’être dénué d’humour. Car la vie continue. « Le jour et l’heure » apporte une réflexion et un regard vraiment intéressants sur la fin de vie et sur la mort. On y questionne son statut dans la société, l’impact que cela peu avoir sur une cellule familiale. En quoi elle est dérangeante et jusqu’à qu’elle point. On voit aussi comment les relations se recomposent, car les enfants sont devenus adultes et par la force des choses ils vont repasser du temps ensemble pendant ce weekend en Suisse. Caroles Fives écrit un roman qui sonne juste et qui touche.

Le jour et l’heure, ed. JC Lattès, 17 euros, 144 pages.

Les occasions manquées / Lucy Fricke

Un curieux roman plein de bons mots et qui touche le lecteur.

La narratrice de ce roman en forme de road trip est sollicitée par une de ses meilleures amies pour l’accompagner elle et son père, dans un singulier dernier voyage. En effet le père de Martha la pote en question, atteint d’un cancer en phase terminale, a décidé de mettre fin à ses jours et a organisé les choses comme il fallait avec une étrange association en Suisse. Il doit s’y rendre, mais souhaite que sa fille l’accompagne. Les voilà partis tous les trois pour la Suisse au début de ce roman original qui mélange habilement des petites observations sur les travers de l’humain et un ton cynique que j’ai beaucoup apprécié. On s’attache à ces personnages, à leurs façons d’aborder la vie. Ça pourrait vite devenir niais ces réflexions sur l’existence, mais ça se glisse très bien dans les dialogues et dans le voyage des trois personnages. Lucy Fricke écrit un roman plein de malice qui aborde aussi bien la fin de vie que l’amitié.

Les occasions manquées, ed. Le Quartanier, 20 euros, 288 pages.

La bête en cage / Nicolas Leclerc

Un roman noir rythmé et très bien construit, qui se déroule en Franche-Comté.

Très fort. Nicolas Leclerc embarque dès le début le lecteur dans une région qu’il connait très bien. La région de Pontarlier, en Franche-Comté. On ressent tout de suite l’atmosphère du coin et l’écriture est nette et sans bavure. Ajoutez à cela une dose de trafic de drogue et des personnages très bien construits et l’intrigue peut démarrer crescendo. On peut d’ailleurs tout de suite préciser que le crescendo va loin.

À mi chemin entre le roman noir avec des personnages en bout de course et le thriller, l’auteur livre un très bon roman. À découvrir sans hésiter.

La bête en cage, ed. du Seuil, 19 euros, 288 pages.

La soustraction des possibles / Joseph Incardona

Le capitalisme et ses champions.

Joseph Incardona m’avait déjà scotché avec le sombre « Derrière les panneaux il y a des hommes » mais alors celui-ci, je l’ai trouvé encore plus abouti. Aussi bien dans les thèmes abordés que dans son écriture singulière, très visuelle.

L’auteur s’extrait à certains moments de l’intrigue en commentant ce que vivent ses personnages, en mettant à jour des procédés narratifs, c’est déroutant au début mais très bien trouvé.

On découvre au fil des pages une intrigue se déroulant en Suisse à la fin des 80’s. Une intrigue dans un monde où le paraître est la règle, où l’argent est roi (euphémisme), où les apparences sont trompeuses et où les engrenages sont bien plus complexes qu’on ne le pense. Des banquiers, des mafieux, des petites frappes, tout ce petit monde gravite et finit par se croiser. Un polar qui va crescendo, à lire.

La soustraction des possibles, Ed. Finitude, 23,50 euros, 400 pages.

L’Affaire suisse / Jean-François Paillard

Barbouzes et autres réjouissances.

J’ai eu envie de découvrir cet auteur lorsque j’ai croisé son livre précédent en librairie, Le Parisien (sorti en poche entre temps). Un polar et une histoire qui se déroule à Marseille et dont on entend parler au début de l’Affaire suisse. C’est finalement vers ce dernier que je me suis tourné. L’Affaire suisse n’est pas une suite même si l’on retrouve le même personnage, mais dans un nouveau cadre, Lausanne et sa région. Ce second roman chez Asphalte de Jean-François Paillard amène le lecteur à rencontrer Nico dit Narval, un agent double un peu en bout de course qui hésite à raccrocher. Loin de sa fille, loin de sa mère, on retrouve l’archétype de l’agent au bout du rouleau qui a fait passer son travail avant sa famille. Le barbouze qui a du métier et des années d’expérience derrière lui pense avoir une longueur d’avance lorsque Pépé le mafieux lui propose (ou plutôt lui suggère de ne pas refuser) une dernière mission dans les milieux financiers suisses.

L’écriture de Jean-François Paillard est ciselée et je trouve que l’équilibre est bon entre les scènes d’action et les descriptions plus longues. On se laisse porter par la mission de Narval. On sent tout de suite que c’est un roman documenté lorsque certains personnages issus de l’armée se remémorent des missions passées, dans tels ou tels pays. Les récits au passé sont précis et on découvre des ramifications complexes que l’on n’imaginait pas forcément derrière les conflits. Du côté du fonctionnement des renseignements généraux, du catalogue des armes, des sigles des institutions, l’auteur ne fait pas non plus les choses à moitié et réalise un travail précis pour rendre crédible son intrigue. Un lexique bienvenu sur les sigles est d’ailleurs disponible en fin d’ouvrage.

Un bon moment de lecture en somme qui me donne envie de retrouver Narval dans ses œuvres.

L’Affaire suisse, ed. Asphalte, 19 euros, 224 pages.

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