Les rêves qui nous restent / Boris Quercia

Un roman prenant à la frontière entre le roman noir et la science fiction, sombre à souhait.

Boris Quercia change de registre après avoir fait bourlingué pendant plusieurs romans noirs son personnage marquant et taciturne Santiago Quiñones, flic à Santiago au Chili. Dans « Les rêves qui nous restent », l’auteur emmène son lecteur dans une société futuriste. Il construit un monde autour d’une population privilégiée qui vit dans la City et qui est séparée par une frontière avec le monde extérieur, hostile et où les lois n’ont plus cours. La City fonctionne grâce aux travailleurs pauvres qui traversent tous les matins la frontière et qui font tourner l’économie. Des robots, les « électroquants », plus ou moins évolués selon les richesses de leurs propriétaires, accompagnent les hommes pour les aider dans leurs tâches au quotidien et une partie de la vie est régit par les relations avec ces machines. Les relations avec les « électroquants » ne se sont d’ailleurs pas toujours passées sereinement comme vous le découvrirez. Dans cet univers singulier, le lecteur fait connaissance avec un nouveau flic, Natalio. Un classe 5, autrement dit un flic relégué à des tâches plutôt ingrates et qui est obligé de compléter son petit salaire avec des missions officieuses. Il se retrouve sur une affaire où une grande entreprise cherche à cacher des choses. Il met alors le nez dans un maelstrom qui va l’amener à croiser des syndicalistes ambiguës, des trafiquants ou encore de riches personnages hors sols.

On retrouve la patte des polars de Boris Quercia dans ce roman, qui transpose à merveille dans un univers de science fiction l’ambiance sombre et l’atmosphère pesante caractéristiques de l’auteur. De la politique à la santé mentale en passant par les questions que posent les avancés technologiques, ce quatrième roman de l’auteur est passionnant. Les robots peuvent-ils devenir autonomes ? Pour quelles conséquences ? Comment les populations sont manipulées dans cette société ? Quel rôle joue la psychiatrie ? Quelles matières premières deviennent précieuses dans ce contexte ? Autant de questions qui se posent au fil du récit tout en tenant en haleine le lecteur lorsque les évènements s’accélèrent pour Natalio. Le progrès a parfois un coût exorbitant que ce soit financier ou humain. « Les rêves qui nous restent » nous le montre très bien. Si vous ne connaissez pas la plume de cet auteur c’est une très belle occasion de la rencontrer. Un roman qui happe, qui ne rassure pas et qui fait réfléchir. Un vrai coup de coeur.

Traduit par Gilles Marie et Isabel Siklodi.   

Les rêves qui nous restent, ed. Asphalte, 20 euros, 208 pages.

La langue chienne / Hervé Prudon

Hervé Prudon dans ses œuvres avec un roman noir qui tâche.

Ce livre est inspiré d’un fait réel dans lequel une femme et son amant font vivre un enfer au mari, jusqu’à un tragique dénouement. Hervé Prudon fait le choix d’utiliser ce fait divers comme base et dans une langue crue et imagée, l’auteur retranscrit une atmosphère pesante et dérangeante dans un pavillon de Marquebuse, une petite cité maritime du Pas-de-Calais. C’est un roman bien sombre à l’humour grinçant que l’on découvre avec La langue chienne. Les personnages sont des laissés pour compte qui tentent de s’en sortir de toutes les manières et de percevoir des parcelles de lumière dans des vies bien moroses où les désillusions ne sont jamais loin. Et lorsque Franck débarque chez Gina et Martin, ce grand champion de char à voile qui est du coin ne va pas améliorer les choses. Ce roman noir est aussi la radiographie d’une région, le nord de la France. Sur la quatrième de couverture Manchette est cité parlant en bien de Prudon et à la lecture de ce singulier roman noir on comprend pourquoi. Si vous souhaitez lire un polar qui vous sort de votre zone de confort notamment dans le travail de la langue, foncez.,

La langue chienne, ed. Gallimard, coll. La petit vermillon, 8,70 euros, 320 pages.

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