Aucune bête aussi féroce / Edward Bunker

Un voleur tente de se racheter une conduite à sa sortie de prison. Un classique.

Max Dembo imagine changer pendant sa conditionnelle en sortant de prison mais les choses ne vont pas être aussi simples. Renouer avec de vieilles connaissances, mettre à l’épreuve ses talents de voleur ou encore se sortir d’un mauvais pas comme il a souvent su le faire, le personnage ne va pas se priver. Le lecteur le suit dans ce roman noir où les événements se précipitent au fil des chapitres. Edward Bunker s’inspire de sa vie pour écrire ce roman à la frontiere entre fiction et autobiographie. Les nombreuses connaissances de l’auteur sur le vol à main armée et sur la prison rendent le récit immersif et prenant. Je découvre Bunker avec « Aucune bête aussi féroce » et c’est un roman noir plus que recommandable.

Aucune bête aussi féroce, Ed. Rivages, coll. Rivages noir, 9,50 euros, 412 pages.

Paz / Caryl Férey

Un voyage impressionnant dans une Colombie à plusieurs visages.

Caryl Férey a le don pour montrer au lecteur l’envers des cartes postales. Avec Paz il nous emmène en Colombie pour un récit âpre où la corruption et la drogue font souffrir les plus vulnérables. Les personnages sont ambiguës et construits avec beaucoup de nuances, les péripéties sont plus que prenantes et c’est tout simplement une grosse claque ce roman noir. J’ai pensé à La griffe du chien de Don Winslow à certains moments dans le traitement des thèmes abordés. L’auteur est toujours aussi efficace et documente avec précision ses sujets. L’intrigue complète bien cette documentation et le lecteur se retrouve en immersion tout du long.

Paz, Ed. Folio policier, 9,70 euros, 608 pages.

Le prix de la vengeance / Don Winslow

Des nouvelles de très bonne facture comme toujours chez Don Winslow. À lire.

Un recueil de nouvelles qui reprend des personnages des livres précédents de Don Winslow. Un régal en perspective qui se confirme dès le début du livre. L’auteur manie toujours aussi bien les dialogues et les intrigues sont prenantes au possible dans chacune des histoires. Ce n’est pas évident de décrocher une fois lancer dans la lecture. C’est aussi la force de l’auteur, ce ton unique qui transporte facilement le lecteur et le fait entrer en quelques pages dans le vif du sujet.

On retrouve ses thèmes de prédilection, du surf à la police des frontières entre le Mexique et les États-Unis en passant par les bandes de potes qui tentent de s’en sortir face à une galère commune (ça fait plaisir de retrouver la patrouille de l’aube !).

Un recueil de nouvelles noires que je vous invite à découvrir sans plus attendre que ce soit pour découvrir l’œuvre de Don Winslow pour la première fois ou pour retrouver d’anciens personnages pour celles et ceux qui sont déjà familiers de l’univers. Parfois sombre, parfois rude et réaliste, parfois drôle, tout y est.

PS : On comprend mieux les influences de Don Winslow lorsqu’il rend hommage à des auteurs de romans noirs (Elmore Léonard et Raymond Chandler notamment) en clôturant certaines nouvelles.

Le prix de la vengeance, ed. Harper Collins, 22,90 euros, 544 pages.

Traverser la nuit / Hervé Le Corre

Un polar très sombre sur les violences faites aux femmes.

Sombre et poisseux, le dernier roman noir d’Hervé Le Corre met une jolie claque lors de sa lecture. Une jeune femme, Louise, élève seule son fils et tente de survivre à un compagnon violent qui revient inlassablement l’agresser. Jourdan de son côté, commandant de police de son état, enchaîne les affaires sordides où des femmes sont les victimes d’hommes violents et sans scrupules, que ce soit dans le cadre de violences conjugales ou dans le cadre de proxénétisme. Le commandant est désabusé et marqué par ces affaires qui se suivent et qui finissent par l’affecter. Pourtant il ne peut s’empêcher de laisser affleurer une colère sourde à chaque affaire qu’il rencontre, une colère sourde contre ces hommes qui prennent les femmes pour des moins que rien. Un des personnages qui n’est autre que le tueur va encore plus loin dans cette aversion pour les femmes. Le commandant s’engage alors dans une enquête à rebondissements qui va révéler de nombreuses zones d’ombres.

Hervé Le Corre n’a pas son pareil pour camper une scène, une atmosphère. Les phrases concises font apparaître des images aux lecteurs en quelques lignes et c’est fort. Les personnages ne sont pas en reste et construit sans manichéisme, ils font preuve d’ambiguïté dans leurs décisions et dans leurs actions.

Ce polar est plus que recommandable. Si vous ne connaissez pas la plume de cet auteur il ne faut pas hésiter une seconde.

Traverser la nuit, ed. Rivages, 20,90 euros, 320 pages.

Bilan 2020 / Les mafieuses

En regardant un peu en arrière sur les lectures de cette année, j’ai fini par me laisser tenter par un petit top 10 des familles, en bon blogueur néophyte. C’est aussi l’occasion pour moi de mettre en avant des petites pépites plus ou moins remarquées cette année. Bref, ça fait toujours plaisir de partager des lectures qui valent le détour et le sacrosaint article de fin d’année est un joli prétexte pour ça.

Voici les bouquins dans le désordre, lus cette année et susceptibles de se retrouver dans ce petit top 10 évidemment subjectif. Ça n’a pas été simple de réduire à 10 livres, mais ceux-là peuvent s’y trouver sans hésiter. Si vous êtes à court d’idées, n’hésitez pas à piocher dedans.

Je commence avec « La discrétion » de Faiza Guène édité chez Plon, un livre qui m’a marqué pour différentes raisons. Ce magnifique roman conte le destin de Yamina et de ses filles à travers plusieurs époques, un livre politique et en même temps intime. Une lecture marquante à faire découvrir autour de soi.

Laurent Petitmangin a été une très belle surprise avec son premier roman édité à la Manufacture de livres, « Ce qu’il faut de nuit ». Roman qui a d’ailleurs eu son petit succès auprès des différents blogs littéraires sur la toile. J’ai lu avec ce roman, le récit sensible d’un père qui élève seul ses deux fils. Une très belle écriture et un juste dosage entre le tragique et l’espoir. Très fort.

« Cinq dans tes yeux » d’Hadrien Bels était un premier roman que je guettais depuis un moment et je n’ai pas été déçu une seconde. Ce premier roman édité chez l’Iconoclaste permet aux lecteurs de s’engouffrer en un rien de temps dans Marseille avec le personnage principal Stress, dès les premières pages. Cela fait partie des lectures où les sens ont toutes leurs importances. À noter un sacré travail sur la langue et sur la musicalité de certaines séquences, le tout rythmé comme il faut. Du tout bon.

On poursuit à Marseille. Cette année j’ai eu le plaisir de lire le dernier livre de Dominique Manotti. Toujours aussi politique et engagé, avec une intrigue qui porte à merveille le propos. L’auteur questionne dans cet opus édité dans la collection Equinox des Arènes, les crimes racistes occultés par le pouvoir dans les 70’s. En bref Manotti dans ses œuvres. « Marseille 73 » est un livre important.

J’ai aussi découvert pendant cette fin d’année Colin Niel avec son dernier roman, « Entre fauves ». Et je peux vous dire que je vais de ce pas me pencher sur sa bibliographie plus ancienne. Dans « Entre fauves » édité chez le Rouergue, l’auteur emmène son lecteur dans les Pyrénées et en Namibie, avec au centre du propos les relations entre les animaux et les hommes, et les relations entre la nature et les hommes. Un polar où la chasse sous toutes ses formes est centrale. Prenant et immersif. Un régal.

Celui-ci c’est assez difficile de le décrire et de restituer le sentiment qui s’est dégagé à sa lecture tellement il m’a soufflé. « Chavirer » de Lola Lafon édité chez Actes Sud aborde un sujet sans détour et en même temps avec beaucoup de maitrise dans le récit, celui des violences sexuelles sur les enfants. J’ai découvert pour la première fois la plume et le ton de Lola Lafon avec ce titre de la rentrée littéraire 2020 et j’ai beaucoup aimé.

On ne se refait pas et on repart faire un petit tour du côté de Marseille avec « Vanda », le dernier polar de Marion Brunet édité chez Albin Michel. Là, il est question d’une relation fusionnelle entre une mère et son enfant. Une relation construite sur de la débrouille et en même temps qui semble fragile. Inutile de vous en dire plus, on retrouve avec plaisir les thèmes chers à Marion Brunet dans ce polar sombre de très bonne facture. Au passage et en trichant un peu, je vous conseille une autre lecture de l’autrice avec « Sans foi ni loi ». Un roman édité en jeunesse avec du western en fond et une femme hors normes pour le personnage principal. Lu aussi cette année, il mérite qu’on s’y attarde.

« La soustraction des possibles » est avant tout un très bon titre. Je vous invite plutôt avec celui-ci à une expérience de lecture où les sensations des personnages ne sont pas loin. On les ressent presque. C’est souvent l’effet que ça fait lorsque l’on s’immerge dans un roman de Joseph Incardona. Des dialogues très bien sentis et une ambiance à couper au couteau, le dernier roman noir en date de l’auteur est une petite pépite et ne déroge pas à la règle. Un sacré bouquin édité chez Finitude, dense et qui fait réfléchir bien après sa lecture sur les rouages d’un monde qui marche parfois sur la tête.

Lu cet été, « Il est des hommes qui se perdront toujours » de Rebecca Leghieri fait partie des plus grosses claques de l’année avec « Chavirer ». Un roman avec un ton unique dans le Marseille des années 80 jusqu’aux années 2000. Le récit d’une enfance en cité qui flirte avec les (très) grosses galères. Un roman marquant édité chez P.O.L.

Et enfin un petit bonbon pour la fin, un polar des éditions de l’Aube que je me suis mis de côté il y a un moment de ça déjà. Il s’agit de « Boccanera » de Michèle Pedinielli. Ça se passe à Nice, le personnage principal Diou est remarquable et l’intrigue tout comme sa construction est parfaite. La naissance d’une détective pas comme les autres, à suivre sans hésiter. Tout ce que j’aime dans le polar.

En petit bonus, je vous conseille un essai stimulant et important sur les enquêtrices dans le polar : « À armes égales ». Une analyse fine de Caroline Granier qui permet de découvrir de nouvelles autrices et de nouveaux titres et de questionner la place des femmes dans le roman noir. Un travail important et rare, édité chez Ressouvenances.

Bonne fin d’année à toutes et à tous !

Ceci n’est pas une chanson d’amour / Alessandro Robecchi

Un voyage milanais avec une bonne dose d’humour noir.

Un roman noir plein d’humour dans une Italie dépeinte à travers ses paradoxes et ses facettes moins reluisantes, sans fard. La société milanaise marche parfois sur la tête et plus particulièrement le petit monde de la télé. On peut compter sur Alessandro Robecchi pour nous le rappeler à travers son personnage Carlo Monterossi, homme de télé qui échappe à une tentative d’assassinat. À noter qu’une intrigue originale avec au centre une émission de téléréalité, on n’en croise pas tous les jours. Les dialogues sont percutants et on se laisse aller à décrocher des sourires devant certaines scènes. Bref, n’hésitez pas à vous laisser tenter par ce petit polar édité chez l’Aube. Un vrai bonbon à déguster pour cette fin d’année.

Ceci n’est pas une chanson d’amour, ed. de l’Aube, 21,90 euros, 424 pages.

Les militantes / Claire Raphaël

Un roman noir réaliste sur les violences faites aux femmes.

Alice Yekavian est experte en balistique et travaille en région Parisienne. Elle se retrouve face à une affaire avec des meurtres commis sur plusieurs femmes. Une affaire où l’on souhaite faire taire des femmes qui luttent, qui ont des projets, qui remettent en question l’ordre machiste. Une affaire au centre de ce polar social très bien écrit.

À travers certaines pensées des personnages, Claire Raphaël en profite pour prendre un peu de hauteur sur des problématiques actuelles (le regard de la société sur la police, les saillies sur les violences conjugales non prises en considération par un système patriarcal bien huilé ou encore le poids de certaines normes sociales). Tout est très bien vu et ce roman noir mérite vraiment qu’on s’y attarde. J’ai hâte de retrouver cette atmosphère et ce réalisme.

« Je suis arrivée à l’hôpital le coeur lourd comme le plomb. Le plomb des noyaux de balles de calibre 45 qui tuaient des femmes vigoureuses pour leur force ou leur insolence, pour leur courage ou pour leur audace. »

Les militantes, Ed. Du Rouergue, coll. Rouergue noir, 18 euros, 224 pages.

La reine des pommes / Chester Himes

Une enquête d’Ed Cercueil et Fossoyeur.

Belle réussite ce livre de Chester Himes, un classique du roman noir dont j’ai beaucoup entendu parler et que j’ai depuis un moment dans la bibliothèque. Le ton de l’auteur est reconnaissable et embarque le lecteur dès les premières pages. J’ai pensé à des auteurs comme Iceberg Slim ou Donald Goines à la lecture de certains passages. Les personnages ont une gouaille d’enfer et l’on retrouve une ambiance poisseuse et réaliste dans le Harlem des années 50.

Il est facile d’avoir le sourire au détour d’une page avant de se faire cueillir la page suivante par une scène plus sombre et plus violente. L’auteur se régale dans cette enquête, l’humour noir se mélange très bien à la sensation d’immersion dans la ville que ressent le lecteur. Le quartier d’Harlem devenant quasi un personnage à part entière.

La reine des pommes, ed. Folio policier, 5,90 euros, 304 pages.

Or, encens et poussière / Valerio Varesi

La dernière enquête en date du fameux commissaire Soneri. Une réussite.

Conquis dès les premières pages, Valerio Varesi a une plume bien a lui. Un ton qui ressemble à celui de son commissaire, le commissaire Soneri. Un mélange de nonchalance et d’humour pince-sans-rire. Mais aussi un mélange de souvenirs qui reviennent hanter Soneri au gré des rencontres.

C’est une enquête qui s’annonce réjouissante et originale dès le début, on ressent tout de suite une atmosphère singulière dans la banlieue de Parme, non loin de l’autoroute dans une première scène étonnante. Les personnages se retrouvent dans une brume épaisse et sur les lieux d’un énorme carambolage.

« Or, encens et poussière » m’a donné envie de découvrir d’autres romans noirs de Valerio Varesi. J’en avais entendu parlé en bien à plusieurs reprises sur les blogs polar de la toile. Les éditions Agullo visent juste, une nouvelle fois !

Or, encens et poussière, Ed. Agullo, 21,50 euros, 320 pages.

Traduit de l’italien par Florence Rigollet.

Marseille 73 / Dominique Manotti

Une histoire française.

J’étais impatient de retrouver le commissaire Daquin et ses inspecteurs, Delmas et Grimbert. Ce dernier roman de Dominique Manotti est une réussite de bout en bout. Fin 1973, Marseille est le théâtre de plusieurs assassinats ciblés. Des Algériens sont les cibles dans la grande majorité. Le commissaire Daquin reprend du service et est de nouveau confronté à la grande machine policière, avec ses magouilles et ses jeux de pouvoir en interne. La politique de l’époque est dépeinte tout comme le racisme latent qui fait suite à la guerre d’Algérie, à Marseille et au-delà. Je n’ai pas retrouvé ailleurs cette façon précise de décrire les engrenages d’une institution gangrénée tout en racontant une enquête à travers plusieurs faits divers réels des années 70. En parallèle à cela, Dominique Manotti tient son lecteur en halène dès les premiers chapitres. Tout cela compose un très bon roman noir. Le récit fait écho sur plusieurs niveaux à ce que vit la société française aujourd’hui, que ce soit les questionnements sur le passé colonial, sur le rôle des institutions (police, justice) ou sur les violences policières.

Marseille 73, ed. Les Arènes, 20 euros, 384 pages.

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