Mémoire en cage / Thierry Jonquet

Un polar sur le regard que peut porter une société sur les corps et sur le handicap.

Changement d’horizon et retour sur un classique avec « Mémoire en cage », de Thierry Jonquet. Cynthia est en fauteuil roulant et est suivi dans un centre de soins pour les enfants handicapés. Elle déteste sa mère et un mystérieux personnage qu’elle appelle « l’autre salaud » et le lecteur va rapidement apprendre à suivre le court de ses pensées. En effet, Thierry Jonquet s’amuse avec des passages en italique à faire parler à la première personne ses personnages. Des personnages qui ne sont d’ailleurs pas tous recommandables voire carrément détestables pour certains. Comme Alain par exemple, jeune étudiant embauché depuis peu dans le centre de soins pour l’été. Un bonhomme détestable qui prend littéralement les femmes pour des moins que rien et plus encore. Les personnages apparaissent au fil de l’histoire, comme le divisionnaire de la pj Gabelou et on découvre un univers original et peu abordé d’une manière générale, celui de l’hôpital et des soins pour les enfants. Ici, il s’agit plus des soins traumatiques et du handicap.

J’ai beaucoup entendu dire que le corps avait une place centrale dans l’œuvre de l’auteur et je comprends tout de suite pourquoi avec cette lecture. Thierry Jonquet questionne l’impact des handicaps mais aussi les représentations que chacun et chacune s’en fait. Le vocabulaire utilisé a parfois mal vieilli (« débile », etc.) mais on sent tout de même le regard aiguisé de l’auteur qui s’inspire de la réalité pour questionner les lecteurs. Il en profite au passage pour dénoncer le fonctionnement aberrant de certaines structures de soins et la toute puissance de certains corps médicaux.

Je suis ressorti plutôt conquis de cette lecture, de ce roman noir bien mené. Et ce qui est sûr c’est que j’ai bien envie de découvrir d’autres bouquins de l’auteur, pour voir comment Thierry Jonquet choisit et traitent ces thèmes singuliers.

Mémoire en cage, Ed. Folio, coll. Folio policier, 6,90 euros, 160 pages.

Marseille 73 / Dominique Manotti

Une histoire française.

J’étais impatient de retrouver le commissaire Daquin et ses inspecteurs, Delmas et Grimbert. Ce dernier roman de Dominique Manotti est une réussite de bout en bout. Fin 1973, Marseille est le théâtre de plusieurs assassinats ciblés. Des Algériens sont les cibles dans la grande majorité. Le commissaire Daquin reprend du service et est de nouveau confronté à la grande machine policière, avec ses magouilles et ses jeux de pouvoir en interne. La politique de l’époque est dépeinte tout comme le racisme latent qui fait suite à la guerre d’Algérie, à Marseille et au-delà. Je n’ai pas retrouvé ailleurs cette façon précise de décrire les engrenages d’une institution gangrénée tout en racontant une enquête à travers plusieurs faits divers réels des années 70. En parallèle à cela, Dominique Manotti tient son lecteur en halène dès les premiers chapitres. Tout cela compose un très bon roman noir. Le récit fait écho sur plusieurs niveaux à ce que vit la société française aujourd’hui, que ce soit les questionnements sur le passé colonial, sur le rôle des institutions (police, justice) ou sur les violences policières.

Marseille 73, ed. Les Arènes, 20 euros, 384 pages.

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