Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri / Valerio Varesi

Onzième enquête du commissaire Soneri, toujours un régal.

Ils ne sont pas si nombreux les personnages que l’on a hâte de retrouver. Des personnages avec lesquels on est quasi sûr de retrouver une atmosphère singulière, un truc difficile à cerner, mais reconnaissable dès les premières pages. On récupère le bouquin et neuf fois sur dix on sait que l’on va se régaler. Le commissaire Soneri de Valerio Varesi en fait partie et on peut remercier les éditions Agullo pour la découverte. Dans « Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri », déjà onzièmes enquêtes du commissaire, un jeune homme est retrouvé pendu dans un vieux hôtel, puis peu de temps après un autre homme, Boselli, ancien leadeur charismatique du mouvement du soixante huit parmesan, subit une attaque au couteau devant chez lui qui va lui couter la vie. Le commissaire commence ses recherches et une partie de son propre passé commence à remonter à la surface. Les convictions politiques ressurgissent, tout comme les contradictions de chacun et chacune. L’intrigue entraine le lecteur d’une fausse piste à une autre avec juste ce qu’il faut de descriptions pour immerger le lecteur dans Parme et ses environs. On entre dans la psyché torturée, mais lucide de Soneri. Une nouvelle master class de Valerio Varesi qui mène toujours aussi bien sa barque dans le roman noir italien.

Ma tempête / Eric Pessan

Un roman original où une pièce de théâtre s’invite dans la relation entre un père et sa fille.

David est un metteur en scène au bout du rouleau qui voit sa pièce « La tempête » (de Shakespeare) ne pas aboutir. Les relations se tendent dans son couple et il tourne en rond dans son appartement en voyant la précarité le guetter. Jusqu’au moment où la crèche de sa fille ferme à la suite d’un mouvement de grève. Il se retrouve alors seul à la maison avec sa fille et décide de lui interpréter une version de cette pièce de théâtre. Eric Pessan décrit à partir de là une relation touchante entre un père et sa fille. Une fille qui découvre le pouvoir de la fiction, qui n’en saisit pas toutes les nuances mais qui en même temps prend beaucoup de plaisir à suivre l’histoire de son père. David s’apprête alors à passer une drôle de journée dans laquelle les évènements météorologiques vont s’inviter tout comme son frère au fonctionnement opposé à lui. L’auteur s’amuse à dépeindre cette situation, une situation à mi chemin entre le burlesque et le tragique. On est touché par ce père qui au fil de sa journée fait défiler ses souvenirs mais aussi fait défiler les parallèles entre la pièce qu’il souhaitait monter et sa vie. « Ma tempête » est un roman malin et original qui est une très belle découverte. Un bouquin qui ne ressemble à aucun autre et qui aborde avec un angle unique la relation entre un père et sa fille.

Ma tempête, ed. Aux forges de vulcain, 18 euros, 160 pages.

Police du peuple / Norman Spinrad

Un roman noir qui questionne le rôle de l’institution policière.

La saison des ouragans à la Nouvelle-Orléans se répète chaque année, ajoutez à cela une très mauvaise combinaison avec la crise économique locale qui touche la ville et vous avez l’environnement dans lequel se déroule le roman de Norman Spinrad. La population ne peut plus rembourser les emprunts des habitations et plusieurs personnes sont menacées d’expulsion. La crise n’est pas loin. Luke Martin, policier de son état, est chargé de s’occuper des litiges en lien avec ces expulsions. Jusqu’au jour où il reçoit lui-même un avis d’expulsion. Il décide de ne pas laisser passer cela et va alors mettre le nez dans la politique locale avec toutes les magouilles qu’elle cache. Il souhaite remettre en question son expulsion. Luke faisant partie des forces de l’ordre, il se sent pleinement légitime pour le faire. Il rencontre alors des truands mais aussi de mystérieux personnages vaudous, le tout dans une atmosphère où l’institution policière est plus que jamais remise en question. « La police du peuple » est un roman noir qui se tient mais qui donne la sensation de ne jamais décoller. Le propos est bien là mais on a du mal à accrocher avec les personnages. Le tout manque de rythme, dommage. Si vous voulez vous baladez du côté de la Nouvelle-Orléans j’aurais plus tendance à vous conseiller les polars de Sara Gran et de son héroïne Claire DeWitt.

Police du peuple, ed. Fayard, 20,90 euros, 300 pages.

Après nous le déluge / Yvan Robin

L’eau inonde les trois quarts de la planète. Un père et son fils tentent de survivre au milieu de la catastrophe.

Feu-de-bois vit avec son père dans une bicoque reculée, depuis la mort de sa mère. Il sort de l’école avec son amie Dalila au début du roman lorsque de dramatiques événements climatiques arrivent. Un déluge de pluie s’abat sur la surface du globe et terre tremble à plusieurs reprises. L’eau engloutit tout sur son passage et le père et le fils chacun de leur côté vont tenter d’y faire face. Dans un récit âpre et où il ne reste plus beaucoup d’humanité, Yvan Robin invite les lecteurs à découvrir un monde ravagé par l’eau et dans lequel le soleil ne se lève plus. Un monde où l’on lutte pour sa survie. On suit le père et le fils dans deux narrations qui alternent. « Après nous, le déluge » est un roman qui sonne, on ressent la détresse des personnages et les sentiments qui les traversent face à ce monde devenu méconnaissable et hostile.

Après nous le déluge, ed. in8, 18 euros, 240 pages.

Ultramarins / Mariette Navarro

Parenthèse en mer en compagnie d’un singulier équipage.

Drôle de parenthèse ce premier roman de Mariette Navarro. Comme une touche de poésie au milieu de l’océan. On est là, sur un bateau de marchandise avec des conteneurs. On suit une commandante taciturne et ses hommes pour une traversée en direction de Pointe-à-Pitre. Les événements basculent lorsque l’équipage décide pendant un temps libre de se baigner. Tout le monde se jette à l’eau sauf elle. On assiste alors à un moment hors du temps qui va avoir des répercussions sur la suite du voyage. Ultramarins est une belle lecture qui avance au rythme du navire et des pensées de la commandante. Au rythme d’un moteur parfois capricieux vous le découvrirez. Une aventure surprenante.

extrait : « Elle sait qu’il y a dans ce groupe quelque chose de puissant, une humanité qui s’entraîne vers le haut. La possibilité peut-être, d’inventer quelque chose de nouveau, ou de faire tomber une petite barrière de ce monde. »

Ultramarins, ed. Quidam, 156 pages, 15 euros.

Aller aux fraises / Eric Plamondon

De brefs instants de vie captés pendant l’adolescence de l’auteur. Tout en finesse.

Petite parenthèse pleine de nostalgie avec « Aller aux fraises », le dernier roman d’Eric Plamondon paru chez Quidam début 2021. Un auteur très agréable à lire qui a un sens de la concision rare. Ici, l’auteur rassemble des souvenirs sur la fin de son adolescence lorsqu’il a 17 ans. Il porte sa focale sur les sensations, sur le contexte politique de l’époque ou encore sur les liens familiaux, notamment sa relation avec son père et sa mère. Comme souvent chez Eric Plamondon, le récit est riche et est abordé par ces différents thèmes. Les petits instants de vie font tout le sel du livre.

On s’attache rapidement au jeune qu’il a été, on se laisse porter par l’atmosphère. Un jeune qui fait ses expériences comme tous ses pairs, avec son lot de beuveries, de bourdes. Le livre est original dans sa forme et rassemble trois petits textes. On se délecte du ton, on y retrouve une plume familière. On aimerait que le récit soit plus long. Un texte à lire et à relire.

Aller aux fraises, ed. Quidam, 12 euros, 88 pages.

Solak / Caroline Hinault

Un huit-clos mené tambour battant et très bien écrit.

Le narrateur Piotr fait partie des quatre personnages de l’histoire et raconte son expédition sur Solak, une presqu’ile sur la banquise plutôt inhospitalière. Il y côtoie Grizzly, un scientifique dans le coin pour faire des relevés, Roq un ancien soldat qui assure la sécurité du territoire et un jeune soldat taiseux et énigmatique, arrivé en dernier sur les lieux. C’est dans cet environnement où le climat est rude et où les corps sont éprouvés, que les quatre protagonistes vont tenter de ne pas sombrer face à la solitude, mais aussi, et surtout face aux passés de chacun d’entre eux. Un passé que l’on devine trouble et suspect au fil des pages. On ne se retrouve pas isolé du monde pendant des mois sans raison. La suite laisse le huis clos s’installer et l’atmosphère est de plus en plus oppressante et bien restituée jusqu’au final, à couper le souffle. Caroline Hinault écrit un roman qui sonne et qui est très bien amené. Sans détour, les phrases claquent et les images nous viennent rapidement. C’est prenant et en même temps dérangeant. Ça faisait un petit moment que je n’avais pas lu un roman noir comme celui-là.

Solak, ed. Le Rouergue, 15 euros, 128 pages.

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