Le Sanctuaire / Laurine Roux

Un roman qu’on ne lâche pas, sur une famille qui vit en autarcie après une catastrophe.

Dans un monde où une catastrophe a réduit à peau de chagrin la population mondiale, une famille se retrouve retranchée dans les montagnes et vit en autarcie dans une cabane. Un lieu appelé « Le sanctuaire » et qui est préservé du monde extérieur par le père de la famille notamment, très protecteur envers ses deux filles. Le monde d’avant resurgit par bribes de temps à autre, lorsque le père s’absente pour récupérer des denrées et qu’il croise d’autres survivants. Pour la mère, c’est par le discours que la nostalgie se met en place lorsqu’elle raconte des scènes du monde d’avant à ses filles. Laurine Roux emmène le lecteur au sein de cette famille et plusieurs thèmes sont abordés autour de la parentalité, de ce que peut représenter le fait de protéger ses enfants ou encore les différentes facettes qui peuvent naitre chez des parents lorsqu’ils élèvent des enfants, y compris les facettes plus sombres. Entre les deux sœurs, il y a des caractères qui divergent au début du récit avec Gemma qui est née dans « Le sanctuaire » et qui ne connait que cet environnement sauvage dans lequel elle a grandi et qui avec l’aide de son père, a fait d’elle une chasseuse hors pair. June de son côté connait le monde d’avant et a un rapport totalement différent à la nature qui l’entoure. Elle ne ressent pas le même sentiment de liberté que sa sœur.

Je découvre Laurine Roux avec ce roman que j’ai dévoré. Un récit à la lisière du roman noir et de l’imaginaire. Un récit parfois sombre, parfois lumineux. L’écriture sans fioriture n’y est pas étrangère et évoque en quelques mots des images chez le lecteur. Une petite pépite ce bouquin.

Le Sanctuaire, ed. du Sonneur, 16 euros, 160 pages.

Aller aux fraises / Eric Plamondon

De brefs instants de vie captés pendant l’adolescence de l’auteur. Tout en finesse.

Petite parenthèse pleine de nostalgie avec « Aller aux fraises », le dernier roman d’Eric Plamondon paru chez Quidam début 2021. Un auteur très agréable à lire qui a un sens de la concision rare. Ici, l’auteur rassemble des souvenirs sur la fin de son adolescence lorsqu’il a 17 ans. Il porte sa focale sur les sensations, sur le contexte politique de l’époque ou encore sur les liens familiaux, notamment sa relation avec son père et sa mère. Comme souvent chez Eric Plamondon, le récit est riche et est abordé par ces différents thèmes. Les petits instants de vie font tout le sel du livre.

On s’attache rapidement au jeune qu’il a été, on se laisse porter par l’atmosphère. Un jeune qui fait ses expériences comme tous ses pairs, avec son lot de beuveries, de bourdes. Le livre est original dans sa forme et rassemble trois petits textes. On se délecte du ton, on y retrouve une plume familière. On aimerait que le récit soit plus long. Un texte à lire et à relire.

Aller aux fraises, ed. Quidam, 12 euros, 88 pages.

Grande couronne / Salomé Kiner

Histoire d’une adolescence marginale en Île-de-France.

Salomé Kiner écrit un premier roman avec une langue que l’on n’oublie pas. L’autrice donne une voix à une adolescente qui grandit en région parisienne. Une ado qui doit faire face au départ de son père et à l’humeur triste de sa mère tout en s’occupant de ses frères. La jeune narratrice a un ton bien à elle et un regard souvent très juste sur les événements qu’elle traverse. Un mélange de lucidité et de fatalisme qui donne un personnage particulièrement bien construit dans ce récit qui n’épargne rien à une jeunesse en marge. Les références des années 90 sont savoureuses (alimentation, jeux, etc.) et permettent une plus grande immersion. L’orientation scolaire de certains jeunes en difficulté, la justice des mineurs, le traitement de la maternité, tous ces thèmes sont très bien traités et même si le récit se déroule dans les années 90, ils peuvent facilement être transposables aujourd’hui. « Grande couronne » est une réussite du début à la fin.

Grande couronne, Ed. Bourgeois, 18,50 euros, 288 pages.

Plein Gris / Marion Brunet

Un groupe d’amis organise une traversée à la voile qui va tourner au cauchemar.

Cinq amis se retrouvent sur un voilier pour une traversée jusqu’en Irlande. Les lycéens sont jeunes mais expérimentés et ont déjà pas mal d’heures de voile au compteur. Cette fois-ci les choses ne vont pas se dérouler comme prévu. Et plus particulièrement le retour puisqu’une tempête de l’espace s’annonce. Ajouté à cela une scène d’ouverture où les jeunes skippeurs retrouvent l’un d’entre eux à la mer et vous avez tous les ingrédients pour une histoire comme Marion Brunet sait si bien les construire. Un peu comme dans « Sans foi ni loi », un western d’enfer avec une héroïne marquante, on retrouve des personnages féminins forts qui ne se laissent pas abattre malgré les circonstances. Ce roman est à la frontière entre le thriller et le roman d’aventures et comme souvent chez cette autrice (lisez Vanda !) c’est réussi.

Plein Gris, ed. Pocket Jeunesse, 16,90 euros, 196 pages.

La vraie vie / Adeline Dieudonné

Une adolescente tente de sortir son frère d’une spirale de violence naissante.

Une adolescente grandit avec son petit frère, une mère en retrait et un père violent. Le lecteur découvre une famille où la violence n’est jamais loin et où les non-dits sont omniprésents. La maison où la famille habite n’est pas forcément plus accueillante. Une maison où le père chasse et voue un culte à cette discipline dans une pièce dédiée. À partir de cet environnement, l’adolescente va tenter de se construire un monde parallèle pour survivre et avancer.

C’est un roman noir très fort qui sonne à la fin du récit. On retrouve tout de suite l’écriture directe et sans fioritures d’Adeline Dieudonné. Les émotions des personnages sont palpables tout comme l’atmosphère. On est pris dans le récit au sein de cette famille. C’est parfois lumineux parfois très sombre et le tout est particulièrement prenant. Une fois encore je vous recommande les romans de cette autrice. Une très belle découverte pour moi.

La vraie vie, Ed. L’iconoclaste, 17 euros, 270 pages.

La Mère d’Eva / Silvia Ferreri

Le récit d’une mère qui tente d’accompagner sa fille dans sa transition.

Eva est une jeune fille qui compose durant son enfance avec une dysphorie de genre, c’est à dire le fait de ressentir un profond mal être avec son sexe d’origine. C’est sa mère qui relate au fil du roman comment grandit sa fille et à quel point elle va rencontrer des difficultés pour faire accepter autour d’elle ce qu’elle souhaite. La famille proche tout comme l’environnement scolaire va lui renvoyer à plusieurs reprises des jugements violents qui vont mener à l’exclusion et à la marginalité. Ce roman fort et qui touche le lecteur est aussi un roman sur ce que représente la maternité et comment l’on peut se situer par rapport aux souhaits et aux envies de ses enfants. C’est à la fois une réflexion sur le genre et sur ce que peut représenter le fait d’être parent. Un roman très bien amené et qui fait réfléchir.

La Mère d’Eva, ed. Pocket, 6,95 euros, 256 pages.

Le manteau de neige / Nicolas Leclerc

Une jeune adolescente dépassée par le poids des générations tente de fuir un sombre passé familial.

Un livre avec des fantômes et des esprits, je ne me serai pas penché dessus aux premiers abords. Pourtant je me suis laissé emporté par celui-ci. La souffrance psychique d’une adolescente marginalisée va devenir pour elle un singulier don qu’il va falloir apprendre à maîtriser. Le lecteur va vite se rendre compte que cela ne va pas être une cure de jouvence pour Katia et les évènements vont s’enchainer. Des secrets découverts, une famille au passé douteux, l’adolescente n’est pas au bout de ses peines et comme dans le dernier roman de Nicolas Leclerc (La bête en cage), l’ensemble monte crescendo.

C’est un pur roman noir pour moi même si le côté thriller est déjà présent dans ce premier roman. Le regard de l’auteur sur ses personnages est plein de justesse et les questions sur leurs conditions font aller bien au delà du suspense (on sent que la documentation sur l’hypnose ou sur la souffrance psychique des ados n’est pas loin derrière le récit par exemple). C’est aussi la force du roman noir, questionner les mécanismes d’une société qui met en marge une partie des gens. Une fois encore je vous recommande cet auteur talentueux qui écrit là un roman rude et très bien amené.

Le manteau de neige, ed. du Seuil, 19 euros, 352 pages.

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